Les années passaient et rien ne changeait. Elle avait espéré que tout serait différent, que tout changerait mais elle avait beau regarder dans les mots et au travers des yeux de tous, elle avait beau écouter ces regards, sourire sous la pluie ou pleurer les jours de canicule, elle savait que ses essais ne seraient qu’échec. Pour chaque rêve qu’elle faisait, pour chaque espoir qu’elle construisait, elle perdait davantage que ce qu’elle pouvait imaginer.
Elle avait vu trop d’arrivistes. Elle avait dû sortir le fer et défendre un honneur qu’elle n’avait pas mais qu’elle avait construit à force de résistance et de refus. Elle avait vu des cartes e retourner, des deux de bâton et des dix d’épée qui finalement ne changeait rien au cours des choses. Trop de fois elle avait entendu des : « je t’aime » des « je te veux » et toujours, elle avait répondu : « Je ne peux pas » alors que tout son corps, tout son cœur, criaient : « je ne veux pas ».
Elle aurait voulu essayer les sentiments mais ils n’étaient pas faits pour elle alors elle s’efforçait de parler comme tout le monde, de trouver les mots enfouis dans les autres mémoires parce qu’elle ne voulait pas de cette guerre, elle ne voulait pas de cette conquête, elle voulait continuer à ne pas être d’accord.
Autour d’elle, tout était toujours sublime et même si ses rêves étaient toujours des cauchemars, ils étaient à elle. Les ponts, les places, les pavés renvoyaient à chaque instant la perfection de la création et de la volonté humaine mais pourtant elle restait triste, déçue, amère. Quelque chose, désespérément, lui manquait et ça n’était pas l’amour en soi. C’était simplement la force d’aimer. Plus encore que l’envie, il s’agissait réellement de la force. Elle en éprouvait le besoin mais elle ne se sentait pas capable de ça.
Elle s’était résolue à toujours vivre avec ce manque mais elle refusait finalement de donner les plus belles journées de ses pires années à cet autre qui ne ferait que dormir de son côté préféré du lit.
La salle couverte de terre battue exhalait ces parfums d’envie, de désir, d’emphase, de trop plein et à chaque sortie, elle aimait humer l’odeur de renfermé que toutes ces âmes portées au même endroit, au même moment avaient construite. C’est ce moment où elle sentait enfin qu’elle recevait l’amour qu’elle ne connaitra jamais. C’est cet amour là qu’elle voulait, qu’elle aimait. Elle savait que personne, jamais, ne lui dirait je t’aime comme cette salle lui criait, lui gémissait, lui chantait. Cette salle c’était son père, c’était toutes les personnes qui avaient cru l’aimer et qui n’auraient en réalité réussi qu’à laisser ici cette parcelle de sentiments pour qu’enfin, tout cela devienne un océan d’amour que seule, ce lieu pouvait encore lui envoyer.
Il fallait pour qu’elle ait sa dose d’amour qu’elle soit dans cette salle, quelle prenne ce que, sincèrement, les gens pouvaient lui donner. Elle avait vu défiler des dizaines de vies, de fictions mais à chaque fois elle trouvait une nouvelle splendeur qui lui prouvait encore qu’elle avait raison d’être là et de faire ce qu’elle faisait.