Les images se bousculaient entre songe éveillé, fausse réalité et désirs enfouis. Il était, à la fois, sous l’eau à perdre connaissance, et, en même temps, dans une salle sublime et divinement décorée, d’un palais sous les eaux qu’il avait pleurées et enfin, il embrassait une sorte de succube forcément venue d’ailleurs, d’un monde irréel où tout se confondait. Et, pour la première fois, il se surprit à vivre l’ubiquité.
La tempête faisait rage désormais et la quantité de souvenirs qui s’abattait sur lui et le malmenait, semblait même croître. A chaque fois, qu’il pensait trouver une alternative, les vagues redoublaient de violence et de force. Tout était sombre. Tout était lourd. La nuit semblait être apparue en quelques secondes. Il ne voyait plus rien alors que tout était éblouissant la seconde précédente.
Il savourait le baiser improbable d’une femme qu’il n’aimait pas. Il aurait voulu l’aimer mais il savait qu’elle n’existait pas. Malgré sa volonté de profiter, de savourer, il savait qu’autant d’amour dans un baiser n’était pas une chose pour lui, que cela n’existait pas, que ce n’était qu’un leurre, une construction de son imaginaire. Il voulut y croire parce que, depuis toujours, il l’avait espéré mais ce qui lui restait de raison, le rappelait sans cesse à la dure réalité. Ce type de moments, cette folie amoureuse, cette effusion de sentiments, tout cela lui était interdit. Il y avait cru, plusieurs fois même, et, chaque fois, l’absence de réciprocité lui rappelait que ce n’était pas pour lui. Pas dans cette vie.
Il avait voulu aimer mais il ne l’avait pas été en retour. Pas comme ça. Pas comme un vrai don de soi, pas comme un sacrifice, pas comme un absolu. Il avait été aimé par des personnes qui donnent le change, des personnes pour qui il n’y a pas de honte à se promener avec lui, mais rien de plus. Pas trop immonde à regarder, plutôt intéressant dans l’échange.
Le genre d’homme qui obtenait la moyenne en tout et qui, finalement, était remplaçable par n’importe qui d’autre, n’importe quand, n’importe où. L’élève moyen d’une année scolaire sans éclats et dont on oublie le nom au moment même où retentit la sonnerie de la fin de l’année. Pas insipide mais presque, pas insignifiant mais oubliable. Juste un dans une multitude, dans une foultitude.
Il avait traversé des tempêtes sous un crâne qu’il retrouvait en ce moment en vagues éternelles. Lui, on ne l’adorait pas, on l’aimait bien. Oh, bien sûr, certaines avaient prétendu le contraire mais elles aussi, malgré les larmes, les cris, les effusions, elles avaient oublié, tourné la page, étaient passées à autre chose, à d’autres hommes, à d’autres vies.
Et définitivement, ce n’était pas ce type d’amour là qu’il voulait vivre. Il voulait être mémorable ou rien comme d’autre voulait être Chateaubriand, lui, il aurait voulu être Roméo ou n’importe qui pouvant se targuer d’avoir été aimé. Il avait voulu être aimé, il n’avait pas eu cette chance alors ce baiser devint une perfection divine parce qu’il y sentait tout l’amour qu’il n’avait jamais reçu.
Les murs de la salle étaient en bois finement sculpté. Les formes et visages modelés dans la matière semblaient vivants et même, paraissaient disserter les uns avec les autres. Les lustres de cristal renvoyaient à travers toute la pièce, les rayons du soleil qui brillaient de tous ses feux. La tempête emportait la nuit et la salle du palais amenait un soleil brulant d’été. La splendeur de ce lieu n’avait d’équivalent que le divin du baiser de cette femme utopique et de la violence de la tempête dans laquelle il se noyait.