Soudain, il se souvînt que la main avait disparu, que sa nuque n’était plus caressée et qu’il n’avait même pas vu l’être qui l’avait maintenu en vie. Il s’en voulut, encore, d’être passé à côté, de manquer une nouvelle fois, la beauté d’un moment. Il ne savait absolument pas ce qu’il devait faire.
Tout était trop grand, trop grandiloquent pour lui et il ne se sentait plus dans son monde. Cette opulence qui explosait tout autour de lui, l’intimidait.
Sur les deux murs, d’immenses toiles représentant des scènes de bataille ou de couronnement se mêlaient avantageusement à des portraits en cape de rois ou de princesses, ou des scènes mythologiques qu’il ne saurait reconnaître.
Il chercha du regard autour de lui, assis sur son trône, la main magique ou plutôt, ce qu’il envisageait pouvoir être la main magique. La disparition avait été trop subite, trop inexplicable pour qu’il l’accepte.
Une foule effervescente grouillait autour de lui sans que personne ne lui prête la moindre attention. Des serveurs courraient partout avec une agilité rare dans le port des plateaux d’or, des personnes apprêtées et richement vêtues déambulaient nonchalamment des papyrus ou des palimpsestes à la main. Rien qui ne ressemblait en tout cas au papier contemporain.
La foule était totalement bigarrée. Toutes les origines, toutes les tailles, hommes ou femmes. Il était toujours incapable de savoir où il était, dans quelle partie du monde ce monde à part pouvait se trouver. Il fallait qu’il entre dans ce monde, que d’une manière ou d’une autre, il participe, il vive ce moment.
Il se leva. Sa chaise était posée sur un palier de trois marches. Debout, il surplombait l’intégralité du lieu. Un couloir immense, infini, éclatant de lumières et surpeuplé de monde qui bien que se parlant, s’invectivant, s’appelant, ne faisait pas de bruits. Pas suffisamment pour couvrir la musique divine qui, maintenant, venait du bout de la pièce.
Il pensa, il crut, il comprit que la main invisible, que le toucher divin qui s’était posé sur lui accompagnait la musique. Peut être même que cette main était le chef d’orchestre de cette symphonie ou l’une des musiciennes mais clairement, cet être inaccessible appartenait à la musique.
Mû d’une énergie dont il ne se croyait plus capable, il descendit les marches de marbre rose. Il se retourna et contempla la majesté de la chaise et de la table qu’il venait de quitter. Elles n’avaient plus rien à voir avec le mobilier qu’il avait trouvé dans la petite demeure perdue dans la ruelle hors des avenues. Elles étaient devenues des meubles d’une valeur inestimable.
Il était, en tout cas, totalement incapable d’estimer la valeur de ces objets mais leur magnificence lui fit penser à des œuvres d’art légendaires dont personne ne pourra jamais proposer une valeur parce qu’elles dépassent le cadre du matériel. Cette table et cette chaise, aussi banales furent elles à son arrivée, devinrent des pièces que les plus beaux musées du monde se seraient arrachés.
La fatigue, la difficulté de mobiliser l’énergie nécessaire pour ses muscles, la peur de découvrir des choses qu’il ne voulait pas voir et la découverte d’un lieu si étrange, donnaient à ses pas une démarche hésitante. Pourtant il avait décidé de retrouver cette main et aucune force ne lui paraissait apte à l’en empêcher aujourd’hui.