C’était une de ces journées où la mémoire refait surface, où les événements s’enchaînent et font renaître en soi les moments enfouis au plus profond des souvenirs pourris et oubliables. Cet organe qui fonctionne à l’envi et selon des codes qui lui sont propres, qui renvoie en toi des images que tu ne voulais plus voir, des visages que tu avais préféré à juste titre, oublier. La vie était plus empreinte de quiétude et de sérénité sans ces souvenirs mais voilà… on ne choisit pas les affres de sa mémoire et les combats de son inconscient, subconscient, conscient ou pas de ses dérives passéistes. Comme tous, j’aurais voulu pouvoir oublier définitivement. Ne plus avoir d’images entêtantes qui pourrissent le quotidien et gâchent le gout du futur mais c’est ainsi, parait-il, que se construisent les bonheurs du présent et les désirs du lendemain. Alors, comme chacun, je m’efforce de vivre avec toutes ces caravanes et ces cargaisons de gens et d’événements qui restent collés à la semelle de ma mémoire et qui collent le sol de ma vie. Pourtant, malgré tout, les paysages, les moments sont à conserver. Ce qui compte réellement, en fait, c’est d’oublier les visages. Ne plus avoir à se confronter de quelques manières que ce soit avec certains regards. Ne plus savoir que ces figures du passé existent. Ne plus sentir le poids d’une présence autour de soi comme un vilain fantôme qui hante les couchers de soleil, être libéré des attaches et des liens humains parce que l’inhumain a modifié les perceptions. La réalité n’est pas que je n’aime pas les autres, c’est plutôt que les autres que j’ai rencontrés ne valent pas la peine que je me force à aimer ceux qui restent. La création de la déception semble être le modèle le plus fréquent de mes rencontres. Alors, je me suis habitué à être déçu et finalement, plutôt que d’être déçu, je me suis débrouillé pour être impossible à décevoir. La réussite n’est pas au rendez vous mais, c’est tout de même moins pire que si c’était vrai.