Dans un premier temps je reconnais volontiers que j’en avais rien à foutre, que cela n’avait aucun intérêt et même, au contraire, qu’il s’agissait d’une corvée, ne serait-ce que d’y penser. Et puis, de tous côtés, les messages pullulent et fleurissent. Alors, parce que la curiosité est un vilain défaut, et que, malgré tout, on se tient faussement au courant des nouvelles vieilles du monde, la vindicte populaire arrive aux oreilles qui furent occupées à d’autres activités pendant longtemps. Et des principes que personne ne maitrise vraiment, ni moi, ni un autre, apparaissent et deviennent des vérités intangibles. L’état de droit, la démocratie, l’oligarchie et la séparation des pouvoirs… Le remplissage de mon frigo ou l’accélération de particules sales… Alors chacun se doit désormais d’avoir un avis sur tout et à la limite cela ne change pas grand-chose. Là où les choses deviennent inutiles, c’est que cet avis devient accessible, audible, diffusé. Donc la justice, le droit, toussa toussa, c’est très très aléatoire. Et surtout ça ne concerne pas les autres. Chacun réclame le droit à la justice, mais la sienne et seulement selon ses envies. Pourquoi pas ? Je considère que le crime le plus abject et qui mérite le rétablissement de la peine de mort et l’humiliation éternelle est le meurtre d’une femme. Pourquoi pas… donc toute personne condamnée pour ce crime ne mérite que la torture éternelle, enfin jusqu’à la mort en fait. Rétablissement de la peine de mort à géométrie variable. Si jamais vous êtes élu, vous pouvez mettre à feu et à sang la moitié du monde civilisé, on continuera de vous dérouler le tapis rouge et les sourires. En fait, il semble préférable de tuer des syriens, des yéménites ou des libyens, que de tuer une femme un peu connue. Pourquoi pas… il existe des célébrités qui officiellement ont du sang plein les mains, qui officiellement ont des tristesses, des malheurs, des douleurs sur la conscience, mais ça, ça passe. Ce qui compte c’est que tu ne fasses pas de mal à une personne que les médias ont élevée au rang d’icône. Par contre tu peux vendre des armes de destruction massive, ça tu as le droit. Le droit de cogner une femme est désormais accordé et autorisé mais pas si la victime est célèbre. C’est là que se pose le principe de société. Désormais, pour chacun, la société est à son image et non plus à l’image d’un groupe collectif, d’une création et d’une visée commune. On peut considérer que le monde ne doit plus correspondre qu’à ses propres vérités. La justice virtuelle populaire est plus forte que la justice collective, que les lois et que le bon sens… Plus encore que le bon sens, l’idée même d’humanité. Alors clairement, le système collectif tel qu’il existait n’existe plus et pourtant, il reste en place. Il est mauvais, limité, refusé par tous mais il persiste. Il n’y a aucune logique intellectuelle aux événements actuels et ce n’est pas le détail fictionnel des aventures lituaniennes qui changera quoique ce soit en réalité. Il s’agit d’un exutoire construit et façonné pour faire oublier l’essentiel. Tout le monde le sait. On a notre bouc émissaire, on a notre victime. Crachons notre haine. Ce n’est pas la haine sur cet individu parce que lui on s’en fout ; c’est juste la frustration de ne pouvoir exprimer réellement notre haine d’éléments et de concepts plus forts et plus violents que la mort d’une femme. Tous sont en souffrance et tous sont impuissants face aux raisons de cette impuissance alors exprimons notre courroux sur l’homme pressé plutôt que de s’en prendre aux véritables maux. Crachons sur les joueurs de foot et négligeons les causes de notre désespoir. Offrons aux Mallausène de business la possibilité d’une vie dorée sous les huées et les vindictes populaires pendant que les vrais puissants creusent les terres africaines pour nous offrir des téléphones toujours plus puissants et toujours plus chers et des fringues de plastiques façonnées par des doigts juvéniles mais déjà tellement habiles. Quelle importance puisque ces mains qui creusent sont noires, ces doigts qui cousent sont jaunes et que cette femme était blanche, célèbre et riche. Les animaux restent malades de la peste mais la peste devient contagieuse parce que le courage pour seul ennemi ne suffit plus à rétablir un équilibre, qui n’est même plus précaire mais qui en réalité n’existe pas. La révolte passe par les canapés et les cris d’orfraie dans les torchons médiatiques parce que personne ne peut se permettre réellement d’aller au bout de son idée et de ses vœux. Mieux vaut cracher sur celui qui est à terre, parce que le faire sur celui qui est puissant nous renverrait trop vite la double peine. Du monde comme il tourne et comme il va. Du piédestal à la chute, tu restes unique et sur le devant de la scène, que certains veulent t’interdire à défaut de condamner les véritables fossoyeurs, ou du moins les véritables serial killers que personne ne voit ni ne condamne parce qu’ils sont trop puissants pour être touchés. D’une compagnie pétrolière à un président vendeur d’armes, d’un premier ministre meurtrier à une marque vestimentaire esclavagiste, le véritable ennemi désormais, c’est celui qui tue par amour, par faiblesse, sous la drogue et l’alcool. Celui qui commet l’unique irréparable plutôt que le multiple indicible. Plus c’est gros… Soufflent les vents, même les averses ne nettoieront pas tes péchés.