Pensées et discussions à l’aire de la nationale (79) ou dialogue de l’auto fou

 


– Qu’est ce que je pourrais faire pour vous aider ?
– Tomber amoureuse de moi, ça serait un bon début et en plus, ça serait original. Toutes les autres ont échoué.
– J’ai déjà accompli des choses bien plus improbables que celle là.
– Elles ont toutes dit ça au départ.
– On dira que je ne suis pas toutes les autres.

Je gardais mes yeux plantés dans les siens comme j’avais appris à le faire durant mon séjour hospitalier. Elle semblait comprendre que ce type de phrases aussi, je l’avais entendu des dizaines de fois. Elle s’approcha de mon oreille. Je sentais les effluves de son parfum, je sentais même ses cheveux sur ma joue. Cette odeur de shampoing bon marché, mélangée à un parfum féminin commun, ne faisait que souligner la douceur de son odeur naturelle. Un savant cocktail de senteurs sucrées, chaudes, mielleuses se répandant tel un nuage cotonneux. Je sentais qu’elle allait me dire une phrase basique, comme on en dit dans ces circonstances et que cette phrase briserait la magie de cet instant. Quelque chose qui pourrait ressembler à un serment qui serait oublié dans quelques heures. Quelque chose que tout le monde faisait pour arriver à ses fins, quelque chose qui faisait que déjà, l’histoire était morte avant même de commencer. Quelque chose que j’avais passé ma vie à entendre et que, trop souvent même, j’avais cru. Elle murmura à mon oreille. Entre les bruits du bar et les vagues de musique, j’entendis sans vraiment entendre, comme toutes ces fois où l’on entend parfaitement mais où le cerveau ne semble pas avoir digéré l’information. Je n’avais pas digéré son information parce qu’elle était improbable, imprévisible, inattendue. Enfin, je ne l’attendais pas.

– Prova !

Elle n’attendit pas que je réponde ou que j’essaie de la retenir. Elle se redressa, se retourna et partit en me laissant seul avec cet ultimatum. Je restai interdit. Trop peu l’habitude de ce genre d’événement.

– Tu comptes te bouger le cul et lui courir après ou tu crois toujours que c’est moi qu’elle regarde ?
– Hein ?
– Cours-lui après, putain, connard !!!

Je le connaissais depuis six heures et nous en étions déjà aux insultes et à partager des bouteilles. Finalement, la vie est bien plus simple que ce qu’on en fait. Je me levais d’un bond. Suffisamment vite pour cogner la table et renverser la bouteille qui trônait dessus. Je la ramassais précipitamment en essayant de perdre le minimum du précieux liquide. J’en profitais pour ingurgiter une longue rasade. Sans doute pour me donner le courage de faire ce que je n’avais jamais réussi dans ma vie. Je donnais la bouteille à moitié vide à Marco et je me précipitais à la poursuite de l’inconnue. Dans mon dos, j’entendais vaguement les insultes de Marco se plaignant que je ne lui laisse qu’une moitié, ou un quart de bouteille. Je n’y fis pas attention parce que j’avais plus urgent et bien plus important à faire. J’arrivais à sa hauteur. Elle avait ralenti l’allure de son pas. Elle avait cru le faire de manière imperceptible mais il était évident qu’elle m’attendait et qu’elle savait que je viendrais.

– Je suis là pour essayer
– T’es sûr de toi ?
– Si j’étais sûr de moi, je ne serais pas là mais comme je n’ai plus rien à perdre autant essayer de gagner quelque chose mais j’avoue que je ne sais pas ce que ça signifie de t’aimer.

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