Pensées et discussions à l’aire de la nationale (52) ou dialogue de l’auto fou

J’avais toujours eu un sentiment particulier avec les gens qui se comportaient de manière humaine avec les chats et de manière animale avec les humains. Tous les discours qui visaient à valoriser les animaux, et plus particulièrement les chats, et qui abaissaient les humains, me semblaient symptomatiques de dérives tristes. C’est mignon une bestiole en général mais de là à devenir le centre d’une existence, il y a un univers qui me semblait opaque, creux, vide. Ce n’est pas que je n’aime pas les chats, c’est que je m’en fous et que je ne comprends même pas qu’il n’en soit pas de même pour tous. Evidemment, quand James me parla du manque de son chat plus que du reste,  me revint ce concept étrange qui consiste à avoir davantage d’empathie pour un animal que pour un sdf. Finalement, cela m’en disait davantage sur la personne.

– Conditionner ses vacances, ses rencontres, ses visites, ses journées selon les desideratas d’un animal dont on ne comprend rien et qui ne sert à rien, contrairement à une poule ou à une vache, ça  m’a toujours apparu étrange, déplacé, dérangeant même. Il en est de la liberté individuelle, certes, mais s’apitoyer sur le sort des chats et des chiens en Chine ou sur le bord des autoroutes, à en faire des campagnes et des attaques de boucheries, et ne même pas poser une pétition pour rappeler que les pouvoirs publics ont promis que les SDF n’existeraient plus, et se retrouver soi même, SDF parce qu’un chat est plus important qu’un humain, c’est une énigme. Tout cela est de toute façon, une énigme.

On pourrait se dire que les personnes qui préfèrent les animaux domestiques sont indifférentes au sort des humains et qu’un animal ne trahit jamais, ne déçoit jamais et tout ce type de discours, on pourrait… On pourrait se dire, au contraire, que les personnes capables de donner de l’amour à des humains et à des animaux, en même temps, seraient des personnes supérieurement sentimentales, capables d’aimer tous azimuts. On pourrait mais en fait, il n’en est rien.

Je vois des gens s’inquiéter pour la santé d’un animal. C’est bien. Et en même temps se montrer totalement indifférents aux catastrophes humaines quotidiennes. Evidemment, si les humains ont des problèmes, c’est leur faute et donc, la compassion est plutôt culpabilisation, alors que les animaux ne sont que des victimes. Indéniable. Toutefois, lorsqu’on considère le coût d’un animal…

– Tu me fais cette dissertation pourrie pour me dire que mon chat, tu t’en fous, en fait. 

– Que tout le monde devrait s’en foutre!!!! C’est un chat merde, ça va… 

– T’as jamais eu d’animaux, ça se voit… 

– J’ai jamais eu d’animaux mais ça fait six mois que je vis dans ma bagnole, sans avoir pris un vrai bain, ni fait un vrai repas. Alors les intoxications alimentaires, les pattes cassées, les ongles arrachés, je m’en balec… Et les personnes qui montrent davantage d’empathie envers les animaux qu’envers les humains ne m’évoquent que peu de respect… Pour ne pas dire aucun. Tu vois des photos d’animaux à adopter sur les réseaux, tu lis des récits enamourés et dégoulinants de mievritude sur les qualités incroyables de foutage de gueule du chat et sa capacité à ne rien foutre. Tu vois des commentaires dithyrambiques sur la beauté du poil, l’intelligence dans l’œil, la faculté à la sieste, les produits de vaccination, de nettoyage, de nutrition, de soins ou de divertissements alors que toi, tu as un kebab tous les deux jours, au mieux. Donc ouais, les pleureuses sur les chats me gonflent. Je les trouve pathétiques, tristes, en décalage et elles me font chier. 

– Si un jour, tu as un animal, tu comprendras mieux ce qu’on peut ressentir. L’amour, la tendresse qu’ils te donnent, n’existent nulle part ailleurs. 

– Je me fous d’être aimé par un chat! Tu veux que je fasse quoi de l’amour d’un chat! Je ne suis pas foutu d’avoir l’amour d’une nana, l’amour de mes gosses, même moi, je ne m’aime pas, alors un chat… qu’est ce que tu veux que ça me fasse? 

– T’as des gosses? 

– Et surement pas de chats!

– L’amour d’un chat, c’est entier, c’est exclusif… 

– Bah je vais me mettre en couple avec un chat alors… Super… 

– T’as des gosses? 

– J’avais… Une nana, un taf, une piaule… J’ai eu des trucs dans ma vie. Même un chat qui s’est suicidé, et quand je vois l’importance qu’on accorde aux bestioles et le mépris qu’on donne aux gens, je trouve ça normal finalement que ça aille mal dans le monde.

– Mais c’est le contraire! C’est la façon dont on traite les animaux qui est symptomatique du monde qui va mal. C’est la preuve que l’humain n’est pas bon puisqu’il n’est même pas capable de traiter avec respect une petite boule de poils. 

– Pendant qu’on dépense des millions à soigner, nourrir, éduquer, vacciner les trucs à 4 pattes, on laisse crever la moitié de l’humanité. 

– ça n’a rien à voir. 

– ça n’a rien à voir, oui, comme l’islam politique, l’union européenne, les délocalisations, l’individualisme exacerbé, l’ultra violence, la condition humaine etc etc etc, c’est différent, c’est pas pareil. Ce que je vois, c’est qu’un chat reçoit plus d’attention que moi mais que si je le dis, je passe pour un salaud sans cœur… 

– Tu passes pas, tu l’es.

– Ouais mais le budget pâtée d’un chat dépasse largement mon budget bouffe hebdomadaire donc les problèmes d’un félin inutile, je fais comme la SPA avec les gens, je m’en carre l’œil. 

– Tu ne peux pas comprendre ce qu’apporte un animal. 

– Ouais, je sais, je suis trop con et j’ai pas de cœur contrairement à tous ceux capables de dépenser un dixième de leur budget au bien être d’un truc qui dort. Objectivement, il vaut mieux être un chat français qu’un enfant congolais. Rien que ça, ça montre clairement que ça déconne donc les aventures de la bourgeoisie féline, je trouve ça pitoyable. Y a un moment, ça me faisait sourire, maintenant, ça me donne des envies de rétablissement de peine de mort. 

– T’es un connard…

– Et j’ai même pas de litière… 

 

Laisser un commentaire