Step 1
Le bitume des routes lui même semblait avoir été noyé dans l’essence de coquelicots. Le soleil exhalait les odeurs d’herbes fraîchement coupées et les couleurs sautaient au visage dans une explosion de brillance. Les vitres étaient baissées, forcément. La chaleur était douce, sucrée, agréable. C’était un vrai plaisir de rouler à vitesse réduite sur les routes escarpées de la campagne. Les vergers succédaient aux champs de blé et les villages, débordants d’histoire et d’histoires, rivalisaient chacun de beauté, de magie, de force. Nous étions perdus, en réalité. Pas de carte, pas de réseau, juste la beauté du monde. Le soir tombait. La douceur envahissait l’air et le paysage semblait éternel. Une impression que nous partagions de tourner en rond et d’être déjà passés dix fois ici. Ça allait être compliqué de ne pas tomber amoureux de cet endroit, de cette vie. Débarrassé depuis longtemps des contraintes et enfin débarrassé des poids morts accrochés pendant trop longtemps, je savais qu’à force de tâtonner dans les vallons, à travers les forêts et les déserts de verdure, par ces routes perdues, nous finirions par trouver le château. Tout devenait beau, enfin, parce que la chape de plomb s’était fendue d’elle même. L’indifférence reçue s’était transformée en acceptation et la première marche allait être franchie demain. C’était l’acte symbolique qui marquait le renouveau, la nouvelle vie, ou plutôt, en réalité, la poursuite de la vraie vie, après un arrêt inutile. Au loin, les cigales commençaient leurs parades amoureuses et les fleurs envoyaient les derniers effluves de la journée. C’était une putain de belle journée.