– Et donc comme tu ne t’es pas tué, tu te sens obligé de me saouler avec ta litanie mièvre et doucereuse, là? Tu te plaignais que personne ne t’avait jamais traité comme dans les chansons italiennes, bah, franchement, faut pas… Quand j’entends des trucs pareils, je me dis que celle qui a échappé à ça, ne se rend même pas compte de sa chance.
Je n’avais pas envie de répondre. Il s’agissait d’une attaque gratuite, pour me bousculer, pour me sortir de ma torpeur alors que j’en étais sorti, en réalité. J’aimais entretenir le doute, et peut être même le mystère, mais j’en étais à la phase d’indifférence. Celle où tu n’attends plus que ton téléphone s’allume, celle où tu as décidé que tu ne saurais plus rien et que tu ne chercherais pas à savoir, celle où tu as crée ton scénario et que, finalement, il te convient. L’absence ne te marque plus et tu as tourné la page parce que celle-ci n’était pas bonne. Les souvenirs s’estompent, s’effacent et meurent, ensevelis dans un recoin de la mémoire et tu n’as même pas envie de les convoquer, pour quoique ce soit. Tu gardes peu de choses de tout cela parce que ce n’était pas ce que tu espérais, ce que tu voulais, alors chacun reprend sa route, sans l’autre, puisque de toute façon, ça n’était pas la même. C’est un échec mais c’est, en fait, le constat que les envies étaient différentes et qu’on s’est menti à croire que ce serait l’autre, alors qu’au fond de soi, on savait que non parce que l’intensité n’était pas comparable. On ne peut pas forcer à aimer, on ne peut pas se forcer à aimer, alors, quand cet impératif cesse, ce sont les habitudes prises qui construisent le manque et, une fois sorti de ce carcan routinier, en réalité, il ne reste pas grand chose. Un nom dans une liste imaginaire, une image de plus en plus floue et confuse, une vague idée d’un amour non partagé, encore un, et la certitude que toute cette mascarade n’est pas pour toi. Tu ne fonctionnes pas comme il faut, tu es extrémiste, un taliban du feu et les douches froides ont fini par te convaincre qu’il valait mieux rouler dans le vide et ne plus croire aux pétales de roses. Les roses sont fanées et même sans la neige, les jours deviennent des hivers.