Pensées et discussions à l’aire de la nationale (34) ou dialogue de l’auto fou

 

– Mais arrête de me parler d’elle, c’est bon là! Elle est passée à autre chose depuis longtemps. Moi, je me force mais ça vient, alors si c’est pour tout le temps me rappeler son existence, je ne trouve pas ça très malin! Putain, ça me saoule ce comportement…
– Euh ouais… J’ai absolument rien dit depuis deux heures parce que je me demande comment on va faire pour bouffer et se laver là… Donc, faut vraiment que tu te calmes.
– Ah bah évidemment, il faut que je me calme en plus. Ça va être ma faute, en plus, si tu me parles d’elle pour que je me tape la tête contre les murs.
– On est sur une aire d’autoroute. Y a pas de murs là.
– Ouais bah il pourrait y en avoir. Et ouais, t’as rien dit sur elle mais t’aurais pu, c’est exactement la même idée.

Elle avait la main sur la bouche et elle hochait lentement la tête, les yeux écarquillés et braqués sur moi, me fixant et m’admirant m’enfoncer dans ma médiocrité. En fait, c’est le silence depuis si longtemps qui m’avait envoyé en pleine tête une pensée d’elle que je ne voulais pas avoir. Et cette pensée me faisait chier alors il fallait que j’évacue ce sentiment sur quelqu’un ou quelque chose et j’avais fini le whisky, déjà. Donc il ne restait qu’elle sur qui renvoyer ces images qui elles, vraiment, tapaient sur les parois de ma boite crânienne et me filaient une migraine pourrie. Elle comprit, je crois, qu’il ne servait à rien de relever ou de contredire. Il fallait me laisser m’écraser dans le fond de ma médiocrité.

– Ok ok c’est bon… On bouge… on va du côté de la forteresse… On trouvera bien quelque chose de ce côté là et c’est moi qui régale.
– Mouais… On ferait mieux de remonter vers la Berre, on a plus de chances de trouver.
– En fait, il faut toujours que tu trouves un truc pour me contredire
– En fait, faut toujours que tu trouves une connerie à sortir.

Je rentrai dans la voiture. Je mis la clé dans le contact. Je tournai la tête vers elle. Elle ne me regardait pas, occupée qu’elle était à regarder dans le retro la tête qu’elle pouvait bien avoir. Elle n’attacha pas sa ceinture et, par bravade, j’en faisais autant. La voiture commença à avancer. Je pris la direction de Peyriac, au bord de la Berre.

Laisser un commentaire