– Ça y est, j’ai trouvé… En fait, ce n’est pas que je voulais partir. C’est plutôt que je ne voulais pas rester.
La pluie ruisselait sur les vitres ternes. Les essuie glaces balayaient à pleine vitesse le pare brise. Les nuages étaient noirs, le vent fort et la journée était emplie de cette mélancolie incertaine qui ponctue les jours de nostalgie.
– Et donc là, en accord avec toi même, tu t’es dit: cette information est essentielle et il faut que je la partage. Et comme je suis la seule débile à te suivre dans ton délire, c’est moi qui prends..
– On ne choisit pas toujours la profondeur de sa souffrance.
Le vent faisant rage dehors. Je dis dehors parce que dans la bagnole, c’était devenu mon chez moi. Aujourd’hui, je ne pouvais pas aérer, forcément, et l’odeur de nous deux, enfermés dans cette bagnole, commençait à devenir suffocante. La promiscuité également. Jusqu’alors, nous avions réussi à supporter l’autre en nous évadant, en prenant l’air, en marchant le long de la plage ou ailleurs… Aujourd’hui, la force du vent et de la pluie nous avait obligés à rester là. J’avais roulé pour voir du pays, voir d’autres gens mais ça n’avait pas suffit à passer à autre chose.
Le fait de ne pas avoir de but et finalement de fuir n’apportait jamais la légèreté du voyage. Ce n’était pas un voyage ou un road movie ou un trip. C’était une fuite. Cette fuite consistait à se fuir soi même, à s’éviter, à s’oublier en réalité. Certes, les traces de la vie d’avant revenaient en bouquets, en touffes, en gerbes et poussaient à s’enfoncer davantage dans le vide pour réussir à les tuer. Rien n’y faisait vraiment. Chaque jour, les images s’estompaient, se fanaient, se ternissaient davantage mais elles persistaient quand même et elles perdureront jusqu’au bout des temps parce que, même si je voulais oublier, nous sommes faits de ce métal qui fait que nous n’oublions vraiment jamais et pourtant, pourtant, je ne me suis pas tué.