En fait, j’ai toujours voulu partir. Je ne me suis jamais senti à ma place nulle part. Je ne savais pas ce que j’allais faire en partant mais je savais qu’il fallait que je parte. J’avais envie de danser sur une plage de sable noir. J’ai toujours trouvé ça sympa, le sable noir, même si finalement, ça ne ressemble à rien. Et danser, et tourner jusqu’à en perdre haleine et tomber à la renverse de s’être enivré dans la folle ritournelle.
– Une ritournelle?
– C’est joli, une ritournelle, non?
Elle resta interdite. La bouche ouverte et silencieuse… Derrière elle, je voyais un chien vagabonder dans le sable. Il marqua un temps d’arrêt en constatant notre présence. Il se précipita vers nous, s’arrêta à une dizaine de mètres et aboya. Il aboya. Elle ne bougeait pas, interdite, face à moi. Le chien comprit qu’elle se foutait de sa présence. Il se tut et repartit d’où il venait, la queue basse, comme déçu, une fois de plus, par les humains.
– Une ritournelle?
– Ou une autre danse! Je m’en fous, je ne sais pas danser de toute façon!
– C’est affligeant.
– N’empêche que je voulais que la lune brille comme la bille blanche du billard. Et que le ciel se transforme en un immense plateau où les étoiles seraient les autres billes à disperser en envoyant la lune tout éclater. Une sorte de bille de flipper qui tape dans chaque étoile comme si elles étaient les champignons qui rapportent des points et secouer tout ça autant que possible pour que ça tilte! Parce qu’il faut que ça tilte!
– Ça existe toujours le flipper?
– On s’en fout, c’est l’idée qui compte
– Tu parles d’une idée… Tu veux te défoncer sur une plage pourrie, te foutre à poil à sauter partout et croire que tu joues aux billes avec la lune et les étoiles. Vla une idée qui compte vachement.
– Ouais, j’aurais voulu ça, ouais… Tu vois comme dans les comédies italiennes, ou même les américaines, où tout est permis, où tu peux faire n’importe quoi, ça envoie du rêve mais l’Amérique, c’est trop loin, c’est de l’autre côté de la lune…
– Il te reste l’Italie
Cette fois, c’est moi qui la regardais. Pas interdit, pas choqué, ni même déçu, juste je la regardais mais mon regard devait être noir comme le sable de cette plage sur laquelle je n’irais jamais. Elle tourna la tête vers la mer et l’immensité du vide. Elle regardait en silence la lune s’approcher lentement de nous… Elle sentait autant que moi qu’il fallait qu’elle brise ce silence et comme nous étions sur le capot de la vieille Picasso, elle ne pouvait esquiver.
– Alors comme ça, elle a un mec?