Ce goût permanent dans la bouche, ce mal être continuel qui réussit soudain à s’estomper, à être digéré, ingéré et recraché. Et qui revient parce que son souvenir est ravivé régulièrement par les forces extérieures qui te renvoient à ce que chacun d’entre nous ne veut plus être. Se battre encore et encore. Se lancer tout ce qui est possible vers les étoiles pour être autre chose, autrement, mais tout rappelle et ramène au même statut. Être ce qui ne changera pas parce que le monde ne veut pas que ça change. Alors, il reste les lendemains qui chantent, le loto ou l’héritage, pour changer… et encore l’héritage ces derniers temps, c’est aléatoire.
Le changement ne passe que par soi-même. Savoureuse litanie qui vise à dédouaner le reste du monde de toutes les responsabilités. Ce n’est pas la faute de la pluie si les champs sont mouillés. Ce sont juste les regards portés sur le monde qui sont trop sombres. Regarder le soleil derrière les nuages et ne plus sentir l’onde fraîche ruisseler sur les cheveux. Voir alors les licornes s’ébrouer au loin et envoyer des baisers de guimauve à leur adresse. Et tout ira bien.
Comme dans une relation, il faut changer. L’amour ressenti aux premiers regards, aux premiers échanges n’est plus. Il se transforme, il se modifie, il se modèle mais surtout il patine avec le temps. Ce n’est plus le premier homme qui est aimé, ce n’est plus la première femme qui est désirée, c’est ce que le monde attend qui est souhaité. Devenir ce que l’autre exige, être ce que la société impose. Ne plus être soi mais être l’image de la perfection supposée. Pourtant, ce sont ces défauts qui ont construit cette relation, ces manques qui ont bâti cette union mais ce sont eux qui doivent disparaître désormais parce qu’ils ne sont plus dans l’ère, dans l’air, dans l’aire du temps.
Changer pourquoi pas… Mais si cela consiste à se conformer à un monde auquel l’appartenance est perpétuellement remise en cause et en doute; à un monde où la place que chacun pourrait revendiquer n’est que celle que la globalité accorde, alors autant rester soi et tant pis si les vents nous mènent sur d’autres rivages moins salubres. Prétendre que tout ira mieux, c’est croire en une utopie qui ne propose plus rien, si ce n’est le statu quo. Le changement proposé se résume à reproduire le même schéma.