La semaine politichienne de Smig – Jamais, nulle part …

Et puis, la peur des heures les moins claires et des lendemains qui déchantent amène la chute dans un gouffre sans fond. Et puis, malgré tout, on ne comprend pas comment le reste du monde bascule parce que se poser les vraies questions semble si douloureux et que, à l’exception notable de quelques personnes de bonne compagnie, personne n’aime vraiment se faire mal. Parfois se dire que finalement, les pires choix ne sont que les choix par défaut et que s’abstenir n’est pas forcément une catastrophe.

Et puis se dire que de toute façon, on ne sait pas comment on réagirait dans la même situation. Après des années de gouvernements incompétents, corrompus et indignes, les choix s’avèrent limités. Basculer vers l’indigne pour éviter de recommencer à promouvoir le ridicule apparaît peut être comme une issue pour certains. La fameuse question de savoir ce que chacun de nous aurait fait en 40 ou ailleurs d’ailleurs. Et puis, on reçoit en plein visage les provocations d’un prince d’état qui n’est qu’un enfant spirituel et dont la maman part se reposer devant les excès maladroits de la puérilité visible du dieu des dieux. Alors oui, peut être que finalement, nous méritons les populismes et peut être que critiquer sans cesse le comportement de nos camarades de jeu mondiaux n’est pas le plus pertinent.

Les grands pays en superficie du monde (Russie, USA, Chine, Brésil ) sont désormais dirigés par la vague populiste. Le mal dans la maison monde. Hier, c’était donc, la chute annoncée, la fin du monopole du milliardaire blond. Hier, c’était les cariocas qui allaient montrer à la face du monde que le corcovado est bien celui qui ouvre les bras pour accueillir les plus faibles, hier c’était l’éveil de l’empire du levant couchant et déclinant dans un esclavage qui tait son nom, hier c’était le réveil de Dostoievski et Marx dans un monde égalitaire et pacifié, hier c’était le retour en grâce des deux plus belles civilisations de l’occident, de l’ouzo qui coule à flot sous les sourires des sirtaki et le gout des pizzas , des pâtes et des cappuccino (cappuccini) au caffé Florian à contempler l’aqua alta qui recouvre tout et laisse les femmes de l’est se promener, bottes à la main, pour sauver les sacs Vuitton en papier.

Mais ça c’était hier.
Aujourd’hui, on a une défaite qui, en réalité, n’en est pas une et dont le grand vainqueur est, encore une fois, l’abstention. Peu se sont sentis obligés de montrer une désapprobation aux deux ans de diktat nauséabond à ce que les échos qu’on veut bien nous transmettre nous donnent à entendre. Peut être, et seulement peut être, que les habitants ne sentent pas si désœuvrés ou si malheureux ou si indignes que cela. Peut être. Aujourd’hui, le ballon continue de rouler sur Copacabana parce que le fils spirituel des nuits conjointes de Delon et Belmondo sur le tournage des Borsalino ne sera en poste qu’en janvier et qu’à l’exception de quelques larmes, la majorité est large et indiscutable. Aujourd’hui, le chasseur d’ours à mains nues dans les toundras anciennement soviétiques n’a jamais été aussi populaire et ça n’est pas apparemment le régime alimentaire particulier de quelques cinéastes emprisonnés qui change quoique ce soit. Peut être. Aujourd’hui, les rives de la mer Egée sont loin d’être plus calmes qu’il y a un an simplement parce qu’un frisotté décrédibilisé depuis longtemps le soutient et les eaux se retirent lentement sur San Marco en laissant les larmes des victimes et des amoureux de ce qui n’a pas été fait. Et en même temps, on célèbre un dictateur musulman belliqueux et menaçant parce que l’amitié c’est sacré et que la menace sur les îles homériques ne pèse rien face à l’inflation que pourrait connaitre le kebab. Et en même temps, il ne faut pas vexer les producteurs automobiles avec qui nous avons en commun une boucherie inégalable puis une indignité humaine qui se résume à des choix funestes dans la bouche du mineur décomplexé et morveux.
Elle se trouve dans quel endroit, dès lors, la montée de la nuit qui perdure. Du mécontentement qui gronde et qui gronde et qui monte et qui ne peut que revêtir des gilets jaunes pour signifier un ras le bol que personne n’entend et qui peut être récupéré par qui voudra le récupérer, cela ne changera pas ce que ressentent les gens qui souffrent et que personne n’écoute. Parce que les enfants n’écoutent que lorsqu’ils sont punis. Ils n’entendent que lorsqu’ils sont au pied du mur. Alors, pour défendre l’enfant, on peut prétexter que la mèche blonde est le mal, que le pento sur les cheveux des brésiliens bodybuldés est le mal, que les joueurs de hockey sont le mal, que les bouffeurs de chiens au riz et petits pois sont le mal, que celui qui se fait larguer sur insta est le mal et que crever la gueule ouverte, faute de respect, est le mal mais le mépris, les lois anti sociales, le respect affiché aux lobbies à contrario, les phrases volontairement maladroites et les comportements indignes sont eux, le bien. Il vaut mieux mépriser son peuple et le réduire au silence et à l’indignité que d’être populaire et apprécié. Le peuple est le mal parce qu’il ne reconnait pas la grandeur des dieux juviens et qu’il préfère connement ceux qui lui disent ce qu’il a envie d’entendre et pour certains qui essaient même de faire ce qu’ils ont promis. Il faut préserver la démocratie. Empêcher le mal d’envahir les mondes libérés. Et pourtant, seuls quelques aveuglés volontaires considèrent encore ce monde comme démocratique. La démocratie n’est pas ce système où un enfant arrivé par hasard et par peur sur un trône bancal et vermoulu peut se permettre tout et n’importe quoi au nez et à la barbe de plusieurs millions de personnes qui n’ont que leurs yeux pour pleurer. La démocratie n’est pas ce système où si les gens ne votent pas comme nous l’avons voulu alors que les électeurs vivent à l’autre bout du monde on peut critiquer, se moquer et juger. La démocratie qu’il faudrait préserver est encore à créer. Elle n’existe nulle part parce qu’il faut avoir peur des peuples. Parce que le peuple c’est le mal puisqu’il est capable de convoquer les heures les moins claires, et qu’en fait il est le bien quand il vote comme on lui a dit de le faire, même si ce vote va à l’encontre de ses intérêts, de ses besoins, de ses envies. Même si tout est fait pour nous montrer que ce choix devrait pouvoir être annulé. Ce choix là convient à ceux qui décident alors c’est le bon. Le choix de Trump, de Bolsonaro, de Poutine, de Salvini, de Orban, du brexit est le mal, il faudrait pouvoir revoter. Le choix de Macron, de Trudeau, de Juncker, de Tsipras, de Merkel est le bon, alors il ne faut surtout pas le discuter. Jamais, nulle part.

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