Construire un individu qui devienne foule
Evidemment, il ne s’agit pas de contrôler ce qui se dit, ce qui se fait, ce qui se pense dans le but unique de contrôle. Ce qui nourrit le besoin de contrôle, c’est, à terme, sa disparition. A force d’être contrôlé, l’individu normal, classique, humain, raisonnable prend les contrôles comme une chose naturelle et de fait, imprime dans son comportement quotidien, les habitudes qui vont faire de lui le citoyen que le contrôleur attend. Le but réel du contrôle est de disparaître et de devenir une caractéristique quasi naturelle. Faire de l’attitude voulue, une sorte de naturel qui reviendra au galop même s’il est chassé un jour. Je te contrôle jusqu’à ce que tu sois capable de te contrôler toi même.
A force de contrôles, de mise en cage dans le cadre de la bien pensance, chacun s’ingénie à suivre des règles édictées par d’autres qui deviennent une nature, une ligne de conduite et même un style de vie. Oh! bien sûr, certains s’imaginent être sortis du cadre parce qu’ils se posent comme des rebelles. Ces rebelles qui ne sont que la reproduction de groupe d’un comportement déjà cadré. Que ce soit les gangs qui gangrènent certains lieux perdus de la république, les antifas qui font du fascisme leur base politique ou le castorisme, chaque rebelle n’est qu’une partie d’un nombre totalement intégré et accepté par la société puisqu’il existe. L’individu se doit d’être agrégé à un groupe plus large qui représente les idéaux que l’individu considère comme personnel mais qui ne sont, en réalité, que la tolérance de l’ensemble. C’est à dire que l’individu peut être bord cadre, il est dans le cadre.
Il n’existe plus réellement d’identité personnelle, de vie personnelle. Tout est fait pour que chacun de nos gestes soit connu. Oh certes, la majorité d’entre nous ne commet aucun geste qui pourrait être considéré comme déviant, moi le premier, preuve s’il en est que le conformisme touche même les plus réfractaires d’entre nous mais, de toute façon, tout est déjà fait pour que cela s’avère inutile finalement. Il existe, sans doute quelques réfractaires du conformisme mais ils sont en dehors des cadres même de la société. En forêt? en grotte? En tout cas ailleurs. Les fameuses forces des quartiers qui vont finir par diriger le monde à force de laxisme ont comme capacité réelle de « rebellisation » le fait de porter des futs dans lesquels on rentre à trois, où de se débrouiller pour porter des chaussures qui représentent un mois de salaire d’un travailleur. Les fameux antifas dont nombreux ne sont que des bobos en mal de sensations fortes ne refuseraient jamais les prestations sociales d’où qu’elles viennent pour aller au bout de la démarche d’un état fascisant. Et je ne leur jette pas la pierre, contrairement à eux, le système est ce qu’il est et tout en voulant se défendre d’y appartenir, ils ne font que le renforcer. L’antifas visent à casser du « fa » et surement pas à changer le système.
On peut décliner sous toutes les catégories. Le but premier du contrôle est d’uniformiser. C’est une évidence pour beaucoup mais, pour réussir, il faut que la solitude devienne une tare. Que l’ennui soit une honte. On ventile de réseaux sociaux et de consoles de jeu, de téléphones ou de programmes télé ou radio, sans même parler de la qualité, toute une panoplie de possibles dans l’idée d’empêcher l’individu, autant que possible, de se retrouver face à lui même. L’individu se trouve confronter à une sorte d’interdiction de s’ennuyer. On ne peut pas s’ennuyer donc, le cerveau ne peut pas vagabonder et partir dans des délires de révolution, de chute du capitalisme et encore moins trouver des mécanismes opérationnels pour réussir cette tache. Il faut être occupé, toujours, partout. Il ne faut pas, il ne faut plus, s’ennuyer.
De la même façon, il ne faut plus être seul. Il y a toujours quelqu’un au bout du fil, au bout du clavier, et si l’autre, à l’autre bout, n’est plus là, alors il y a un sentiment de panique, d’abandon. On court après le like, après la réponse au tweet, après le sms ou l’appel qui nous rappelle que nous ne sommes pas seuls. Tel Mulder, nous sommes en permanence en quête d’une reconnaissance de l’autre d’où qu’il vienne. Il faut qu’il y ait un autre. Il change, il n’est jamais le même, mais il faut qu’il soit là ou alors il faut qu’il soit remplacé par un écran mais il faut qu’on soit occupé et qu’on ne s’ennuie pas. Jamais seul, jamais sans contrôle.
La surveillance qui fait que le cadre est bien établi est faite par nous mêmes sur tout ce qui nous entoure. Il faut se battre pour être toujours sous le feu de certains projecteurs parce que sinon, dépression, burn out,chômage suicide ou autre. Placardisé et mis au ban de la société. Autant de choses qui sont décrites et montrées comme des faiblesses. C’est être faible que de se sentir seul à un moment, de s’ennuyer et de ne pas savoir quoi faire. Il faut être sur actif pour ne pas faire hors du cadre et il ne faut jamais être seul pour que tout le monde soit bien sûr que tout est sous contrôle et dans le cadre. On invente des fêtes. On ajoute Halloween et l’aid pour que tout le monde s’occupe, on rajoute des fêtes de voisins, des barmitza et des holi de partout. Il faut être heureux, entouré de plein de monde et occupé à faire des trucs.
Il faut donc, dans un premier temps, établir un contrôle qui doit, petit à petit, dans un second temps, devenir un contrôle personnel et effectué même par les autres pour décharger le cadre grâce à tous les outils de communication et de communion que nous offrent cette société.