La destruction programmée de ce que d’aucun pourrait appeler liberté 1/5 – La semaine politichienne de Smig

Surveillons afin d’être sûrs que la révolte est celle que nous voulons.

Chaque jour entretient son flot de nouvelles restrictions sur les libertés, qu’elles soient individuelles ou collectives. Ces restrictions se déclinent tous azimuts dans un jeu pervers de noyade du poisson. Tant d’efforts accumulés pour réduire le champ des possibles ne peut qu’être une visée, un but, un objectif à atteindre. Il existe cette tendance à croire que la gouvernance est défaillante par manque d’intelligence. Elle est, en réalité, tout l’inverse. Elle est extrêmement pertinente dans la préservation et la conservation de ses privilèges et acquis. Sous couvert de protection du plus grand nombre, apparaissent les lois et les décrets qui font, du simple quidam, une cible immobile mais un suspect évident.

Puisqu’il s’agit d’un projet flagrant, il est à envisager le but et l’issue de ce projet. Moins l’individu possède de libertés et moins il en réclame. L’habitude devient force de lois. Le fait d’être opprimé, contraint, enfermé se décline de générations en générations avant une éventuelle révolte. Le fait d’accéder à une liberté, même minime, entraîne une soif, un appétit de liberté toujours croissant et incontrôlable pour les quelques qui gèrent la foule. Réduire le champ, c’est conserver ses prérogatives sur la récolte. Ouvrir le champ, c’est permettre la prolifération des herbes folles, des mauvaises herbes, des croisements improbables. Il faut donc, annihiler tout espoir parce que l’espoir est le terreau d’où naissent les plantes du changement. Ainsi, la surveillance avec acuité de l’espoir devient une nécessité.

Il faut une surveillance de tous les instants, de toutes les personnes qui pourraient se montrer séditieuses à force de libertés. Alors, entre en jeu, l’imagination. Il faut créer des épouvantails, des forces obscures qu’il va falloir combattre pour conserver les valeurs qui sont érigées en biens communs et inaliénables. Dès lors, la moindre action de chacun d’entre nous, le moindre écrit peut ressortir de nulle part, au moment opportun, pour réduire le champ, encore, toujours. Malgré cela, la technologie a offert la possibilité d’espaces vierges de liberté mais, plus vite encore, ces espaces furent, l’un après l’autre, contrôlés, réduits, épiés. Jadis, le droit de manifester était un droit. Aujourd’hui, il est devenu un contrôle de police où chacun peut être placé en garde à vue pour un gilet, une paire de lunettes ou un livre.

Il y a peu de temps encore, la presse offrait un espace de liberté, plus encore que la presse, la création artistique ou critique permettait, à pas mal de monde, finalement, de s’exprimer. Et puis, il a fallu censurer parce que le lecteur, téléspectateur, auditeur n’est pas suffisamment fort intellectuellement pour séparer le bon grain de l’ivraie. Pour beaucoup de ces créateurs, il n’a même pas été nécessaire de créer des contraintes, des lois ou des censures. Il a suffit d’imposer un bon sens commun, une sorte d’ambiance tacite d’un politiquement correct sur le monde pour que ça roule. L’impertinence, la critique, le danger ne sont plus désormais que dans l’art de mettre mal à l’aise en appelant cela de l’art. A coup de scatophilie, pédophilie, alcoolisme ou drogues, on parvient à donner le change et à faire croire que l’on est un véritable rebelle. On choisit la religion qui fait déviance, la sexualité qui intrigue. On gueule plus fort que le voisin pour se donner l’illusion d’avoir raison sur la couleur du crottin mais les lois passent, le capitalisme perdure, l’économie de marché s’élargit, le besoin de propriété s’amplifie, les inégalités s’accroissent mais on pisse dans une bouteille, on embrasse une dame sans son consentement, on humilie les chroniqueurs ou on exhume les « œuvres » posthumes pitoyables d’écrivains animateurs de télé déjà has been depuis 60 ans alors qu’ils ont à peine 50 ans. On donne le change, on montre qu’il existe trop de libertés, trop de perversion et que, sans l’œil au dessus de la pyramide de Moscou du grand frère, le monde ne serait qu’anarchie ou fascisme extrême.

Comme dans une quête effrénée de libertés, chacun a cherché d’autres vecteurs pour assouvir cette soif et inonder ce désert. Chacun téléphona à l’autre pour échanger, pour grandir mais, très vite, le téléphone fut écouté par on ne sait qui. Alors, chacun tapa des 3615 pour trouver une source de compensation déclinante mais comme les outils n’étaient pas suffisamment puissants encore pour vérifier ce flux, la destruction fut programmée en s’assurant qu’elle avait suffisamment enrichi de bons serviteurs zélés. Ces serviteurs qui se jetèrent comme le loup sur la brebis sur le dernier espace construit pour faire croire à la liberté. Internet devint une jungle où le moindre mot écrit appartenait à l’espace public commun. Trouvable en quelques clics, partageable en moins de temps encore, modifiable selon les coupes choisies à n’importe quel moment et par n’importe qui.

Il suffisait seulement de créer les lois pour permettre de contrôler légalement les manifestations, les grèves, la presse, le téléphone, internet, les arts… Quelques subventions bien distribuées pour promouvoir la dernière oeuvre pitoyable d’un obscur artiste sans talent, quelques postes de directeurs de chaînes ou de théâtre, quelques polémiques diffamatoires dès que la bête devenait plus puissante que le chenil et tout était bien placé sous l’égide avisée de quelques élites pitoyables.

C’est ainsi que l’on se surprend à voir qu’un écrivain antisémite se balade allègrement sur tous les plateaux de télé et autres médias sans le moindre problème alors que le pauvre quidam ne peut même pas aller chier sans que son patron ne le sache. Que sur ces mêmes plateaux, on découvre l’apologie de l’obscurantisme par un appauvrissement permanent de l’exigence (de la langue, de la pensée, de la musique, de la critique, de la réflexion etc) et que le moindre propos soutenant la très large majorité est immédiatement taxé de fascisme et de retour vers le corps décharné des sœurs zombres les plus tristes et abjectes de l’humanité.

Tout est sous surveillance et, en réponse à cette surveillance permanente et perpétuelle, tout devient aseptisé, propre, sans aspérités. Tout est lisse et tout glisse. Les révolutions ne concernent plus que les planètes. Ne jamais critiquer le pouvoir en place, ne jamais vouloir changer les choses, ne jamais contester la politique dictée par des gens que personne n’a choisi… Accepter et appliquer les règles. de toute façon, si quelqu’un ne le fait pas, cela sera su avant même que lui même ne décide de ne plus le faire. Une sorte de Minority Report. Tu vas contester et le moment où tu contestes, tu es déjà en cabane ou handicapé ou ruiné ou jeté en pâture à la plèbe collaborationniste.

Soit tu es le bon petit soldat à la langue pas trop râpeuse et alors le monde est à toi, soit tu construits un esprit critique et là, les emmerdes volent en escadrille.

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