J’ai fait avec les moyens du bord de la falaise 9… 22

« On se voyait pas tous les jours mais on baisait à chaque instant et puis, à force, il a fallu passer à l’étape suivante. Il a fallu échanger, discuter, se connaitre. Sans doute que j’étais trop subjuguée, déjà trop attachée par une dépendance corporelle mais très vite, l’idée de partager plus arriva. Je squattais chez lui souvent, restant à poil à réviser des cours pendant son absence mais attendant surtout fébrilement son retour pour encore s’envoyer en l’air. Mon statut d’étudiante m’offrait l’opportunité de six mois de vacances par an honnêtement. Et lui, il était libre, suffisamment à l’aise pour se sentir libre de partir aussi, loin, longtemps. Il nous fallait juste trouver l’endroit. Il serait seulement ce que nous en aurions fait. L’endroit où nous voulions nous aimer. L’endroit que nous avions toujours rêvé de construire et il était là, accessible. Enfin, fait pour nous. Il aurait dû être la fin de tout, il n’a été que le début de tout le reste. Un endroit que seuls nous avions envie de connaitre, seulement nous et le reste offert aux anges. J’étais fatiguée de chercher l’endroit où nous allions commencer le reste de nos vies. L’endroit qui allait accueillir nos rêves et nos espoirs. On a cherché longtemps. On a erré dans des lieux sans âme, ni histoire parce que nous savions que nous allions en construire une, d’histoire. Ça ne servait à rien de prendre un lieu déjà chargé. L’histoire commencerait avec nous. Nous serions l’histoire. Nous avons marché des heures sur ce sable humide, à travers les forêts de bord de mer et du haut de la falaise, on voyait les côtes de l’Angleterre. Les rares jours où il ne pleuvait pas, on croyait même voir les states, c’est ce qu’on se racontait enroulés dans nos vieux plaids. Il y a des choses qui ne s’expliquent pas et qui ne doivent pas s’expliquer finalement. Alors, je parle, et je te raconte ma vie et tu t’en fous… D’ailleurs, tu ne réagis même plus, t’es trop parti dans ton monde pour te soucier du mien. Mais là moi, j’ai besoin de me vider. Parce que tu ne sais pas ce que c’est d’être au point de non retour, d’être déjà parti dans un ailleurs où personne ne pourra te rejoindre. »

Je préférais continuer à faire le sourd, enseveli dans ses nuages. Elle avait besoin de se vider, je le savais, elle le disait, alors dans ces cas là, rien ne sert d’intervenir. Tu sais que, de toute façon, le débit devra se poursuivre, devra continuer jusqu’à saturation des mots, saturation de la langue, jusqu’à ce que les mots se chevauchent, se consument et finalement se taisent. Le moment où le silence devient la seule suite crédible d’une logorrhée obligatoire, parce que quasiment physique. Lorsque les mots que tu dois dire te brûlent l’intérieur à force de vouloir sortir. Il faut laisser sortir et, en tant que réceptacle auditif, je me devais, à ce moment là, de me taire. Je me taisais et je sentais l’odeur du jasmin fraîchement coupé ; je voyais les montagnes lointaines et je savais déjà, qu’encore une fois, je ne trouverais pas les réponses à mes questions sur Géraldine.

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