J’ai fait avec les moyens du bord de la falaise 8… 21

« C’est vite devenu une drogue. Même si j’avais voulu m’en débarrasser, j’aurais échoué. Ce n’est pas tant que j’étais accro à lui, c’était juste que je ne pouvais pas vivre sans. Sa présence ne m’était pas indispensable. Ce n’est pas lui qui me tenait accrochée, c’est plutôt ce qu’on vivait. Tu vois, aujourd’hui encore, je ne sais pas pour qui il votait et même s’il votait, par exemple. Par contre, je me souviens qu’il m’a prise sous la pluie, sur un pare choc de vieille bagnole, dans Paris. Je me souviens que nous avons fini au poste parce que les gens n’aiment pas voir d’autres personnes baiser dans la rue. C’est paradoxal d’ailleurs. Les gens se tripotent devant des films de boules mais dès qu’il y a des vrais amateurs qui pratiquent, ils appellent les mœurs. Je me souviens des regards amusés de mecs, qui allaient devenir des collègues, alors que nous étions débraillés et encore puants de désir, et des mines emplies de jalousie des nanas qui ne parvenaient pas à rester neutres, dans leurs affects. Nous nous étions envoyés en l’air partout et même ailleurs et même nulle part, pendant six mois. Dans tous les sens et à des rythmes de chiens en rut, partout, à n’importe quelle heure et encore et encore. Cette histoire ressemblait à une partouze géante à deux. Je n’ai appris son prénom que deux semaines après nos retrouvailles. Aujourd’hui encore, je ne crois pas que j’ai connu son nom de famille mais je peux te décrire chaque parcelle de sa peau, le goût, l’odeur, la texture de toutes les parties de son corps, de la plus visible à la plus trash. Je connais son corps par cœur parce qu’il est à moi. Il était façonné par mes mains, construit par mon regard. C’est ma langue qui dessinait la courbe de sa silhouette. On était dans une sorte de magie, de bulle sexuelle. Un truc où la chose qui compte vraiment est de se foutre à poil et de s’envoyer en l’air. Il n’y avait aucune promesse, il n’y avait que des corps qui se mélangent en permanence et qui en redemandent. Je savais peu de lui mais je savais ce que je voulais savoir. La chaleur de sa queue en moi, le rythme de ses hanches pendant qu’il s’évertuait à me faire jouir en se donnant un mal de chien alors que je jouissais et que j’en redemandais même. Je n’en avais jamais assez, il n’en avait jamais assez. Nous étions dans ce partage des corps qui fait que le reste n’existe pas parce qu’il n’a pas vraiment d’importance, du moment qu’on est à poil. « 

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