« Très vite, peut être trop vite, la tension sexuelle entre nous, sur ce trottoir balayé par le vent et la pluie d’automne, faisait qu’il fallait agir. C’était animal, irrationnel, incompréhensible mais il fallait, à ce moment là, que nos corps se rencontrent. J’avais compris que ce vernissage avait un sens particulier pour lui mais j’avoue que je n’avais pas prêté attention à ses mots. Il parlait mais j’étais trop séduite, trop hypnotisée par ce qu’il était, ce qu’il dégageait que je ne sais plus ce qu’il disait mais il semblait inspiré, envoûté, comme si cette soirée était l’acmé de la vie qu’il menait. L’apogée d’une existence compliquée et même finalement confuse. Je ne sais plus comment nous avons traversé la grande salle dans l’autre sens, s’il me tenait la main ou pas; je sais juste qu’il était devant moi. Il prit le chemin d’un escalier exigu avec les peintures qui craquelaient au plafond et les inscriptions à caractère faussement philosophique peinte de manière anarchique sur les murs en peinture noire et au dessin d’écriture manuscrite. Au bas de cette trentaine de marches, le palier offrait deux accès. Je pris cette course vers les toilettes comme un reproche silencieux et une envie tue de sa part de me refaire une beauté. Il me laissa me diriger vers la porte des toilettes pour femmes. Je lui tournais le dos mais je ne sentais pas cette fois son regard me dévorer comme je l’avais senti avant. Et là, je sens soudain une main m’agripper l’épaule droite et me retourner brusquement. Deux mains m’attraper le visage avec force et délicatesse à la fois et ses lèvres se poser sur les miennes, sa langue chercher la mienne et déjà ses mains partir à la découverte de mon corps. Il commence à reculer et je ne comprends pas tout de suite son projet, sa jambe se lève et sans regarder, son pied ouvre la porte des toilettes pour hommes et je sens qu’il m’attire à l’intérieur. Je n’envisage à aucun moment de résister ou de me débattre et j’accompagne même plutôt son mouvement. Il arrête de m’embrasser mais laisse sa main sous mon chemisier. Oui, pour un vernissage je porte un chemisier… »
Je compris que je devais avoir relâché mon regard de concentration intense pour qu’elle me prenne à parti soudainement alors que je ne disais plus rien depuis un moment. J’étais revenu plusieurs années en arrière, sur ce quai du métro à revoir encore et encore le photomaton de Géraldine et à rester devant le désarroi des parents et ma propre incompétence à ne pas comprendre le message que cette jeune fille voulait me faire passer et qui allait hanter ma vie. Je voulais depuis tellement longtemps comprendre le sens de cette déclaration. Savoir ce qu’elle voulait me dire, ce qu’elle voulait dire au monde et que seul moi avais la possibilité de comprendre. Mais je restais dans le flou absolu et total depuis tellement longtemps que ce brouillard faisait parti de moi désormais.
« J’étais contre le mur, un pied posé sur la cuvette des chiottes et les pans de la jupe droite de mon ensemble bon marché mais qui me donnait l’air d’appartenir à un monde qui n’était pas le mien, relevés. La culotte n’avait pas résisté longtemps a ses assauts et j’imagine qu’elle était particulièrement humide tellement j’étais sur excitée. J’aurais voulu jouer la femme respectable et inaccessible comme il faut faire quand on veut être respectée mais c’était déjà bien trop tard. J’attendais maintenant fébrilement qu’il daigne achever ma souffrance et que la libération mutuelle vienne rapidement. Bon, j’avais espéré que cela durerait un peu plus longtemps quand même… J’espérais que la libération ne serait pas aussi rapide. trop d’excitation, trop d’envies, trop de désir, trop de chaleur, et forcément l’explosion arrive, immédiate, incontrôlée, incontrôlable. Lui comme moi devions jouir et expulser ce que nous retenions en nous et qui compressait nos estomacs. J’entendais furtivement les bruits de pas dans les toilettes pour les hommes, les jets d’urine dans les pissotières, les talons et semelles de chaussures vernies, hors de prix, sur le carrelage ciselé, le débit des robinets et les sèche mains crachant à pleins poumons leur air surchauffé. Je retenais mes cris en mordant la paume de ma main alors que mon bras enroulait son cou. Il retenait ses râles d’efforts et de plaisir en haletant fort mais de façon muette. Une baise de film de catégorie B dans l’image mais une putain de jouissance dans les faits. Ce fut furtif, court, intense, doux, chaud, violent et totalement désordonné. J’étais à la fois déçue, comblée, flattée et émue. A partir de cet instant, la seule chose que je voulais dans la vie était de recommencer. «