L’impression d’être dans un flou, d’être dans un brouillard, je la voyais bouger, ses lèvres bouger, j’entendais même des sons sortir de ce mouvement. J’essayais de me concentrer pour l’écouter, j’essayais.
« Forcément, j’étais intimidée. Y’avait une tension sexuelle trop forte entre nous et l’idée d’être surpris dans ces chiottes ne faisait qu’accentuer ma timidité, la peur mais surtout l’excitation. »
Je n’arrivais plus à ôter de mon esprit le visage de Géraldine. Ces histoires de métro et de fin de vie auxquelles je n’avais rien compris me hantaient. Plus encore que sa beauté finalement commune, banale, c’est mon échec qui me revenait en mémoire. Pour être reconnu comme quelqu’un de valable, il fallait connaitre l’échec. Je le savais et on nous l’avait rabâché à maintes reprises à l’école. De là à ce que cet échec ne soit le début de ma carrière, il y avait une marge que j’avais allègrement franchie et avec succès et haut la main.
-« A partir de là, je savais qu’il avait mon numéro, il savait que j’avais le sien et que c’était le début du: qui va avoir la faiblesse de contacter l’autre en premier en priant pour que ce soit l’autre qui se dévoue.
-Hein?
-Bah oui… Après ça, j’attendais qu’il m’appelle. Et lui, il attendait que je l’appelle. Des questions de fierté, d’amour propre. Des trucs dont tu es apparemment totalement dépourvu. »
J’avais reçu la critique, la vanne, la cruauté gratuite, ce qui n’existe pas. Il n’y a jamais rien de gratuit et encore moins une méchanceté mais j’avais décidé de ne pas relever et de laisser filer. Je gardai le silence. Il pesa de tout son poids et elle comprit que je ne voulais pas entrer dans ce jeu de la fausse indignité. A la limite, j’étais dépourvu d’amour propre. Ça ne me posait pas vraiment de problèmes en définitive et je ne vois pas en quoi cela aurait pu lui en poser à elle.