Francitude

Plusieurs personnes, et à juste titre, et avec talent la plupart du temps, s’indignent du comportement de l’Italie, de Malte et/ou de la France sur le sort réservé aux migrants. Je le répète, les indignations sont justifiées. Toutefois, il me semble qu’en réalité, le problème de la société française face à cet événement, cette horreur, cette forfaiture, ne se situe pas sur l’accueil ou non de 58 personnes en souffrance. Évidemment, ces personnes n’auraient rien changé à la vie du pays. Évidemment.

Le problème, selon moi, et ça n’est que mon avis, vient essentiellement des gens comme moi. Les fils et filles ou petits enfants de migrants. Nous sommes français, nés en France, parlant cette langue. Pourtant, certains d’entre nous revendiquent une appartenance à une autre communauté. Je ne parle pas ici des bi-nationaux. De la même façon que j’entends qu’on puisse aimer deux femmes et même davantage, j’entends qu’on puisse vouloir montrer son attachement à deux pays différents et ceci ne me choque pas, (sauf dans le cas où la préférence pour un des deux pays est marquée, affichée et revendiquée et cela au détriment de l’autre, mais j’y reviendrais). On peut être franco tout ce qu’on veut, il ne faut jamais oublier qu’on est aussi franco, pas surtout mais bien aussi.

Le problème n’est donc pas autour des bi-nationaux. Il se pose, selon moi, autour des français. De part notre couleur de peau, notre nom ou notre foi, nous sommes continuellement renvoyés à une identité étrangère. Ce que certains nomment racisme. Pourquoi pas. Néanmoins, une des problématiques autour de la triste actualité des migrants, est bien que certains français ne se sentent pas, ne se revendiquent pas, ne s’acceptent pas comme français. ‘Viva Algérie, bienvenue dans mon pays, le Sénégal’ autant de revendications identitaires qui deviennent de plus en plus difficiles à intégrer dans un pays, lui même, en quête d’identité ou de renaissance. Il y a une partie de la population, (et non, pas tous et non, je ne sais pas combien et non, il ne s’agit pas de condamner mais seulement de constater,) qui ne se sent pas français et qui le revendique. Cette catastrophe humanitaire n’existe, selon moi, que parce qu’une partie de la population n’a pas été, (et chacun choisira son vocable préféré), acceptée, intégrée, assimilée… L’une des facilités de la réflexion assignée à partir de là, est que l’état français a failli… C’est vrai… La France n’a pas su accueillir, accepter, chérir, protéger, encadrer, faire grandir comme il aurait fallu, ses enfants. Pourtant, dans l’idée de faire société et de faire sens, il n’est pas pertinent d’attendre que l’état donne tout. Les efforts doivent se faire dans les deux sens et, même si la France ne remplit pas son rôle, ne facilite pas et met même plutôt des obstacles à une reconnaissance pleine et entière, ce n’est pas en se revendiquant d’un autre pays qu’on facilite le processus. Être français, c’est bien sûr administratif mais cela ne peut se résumer aux papiers. C’est aussi, et même surtout, l’acceptation d’un certain nombre de règles et de valeurs. Ce que les politiques, en mal de publicité, ont nommé identité nationale et qu’ils n’ont résumé, au final, que par une opposition à l’islam. La religion, le grain de peau, le nom n’ont rien à voir avec l’idée de francitude. La francitude est tout un ensemble d’éléments dans lesquels nous nous identifions, nous nous reconnaissons et auxquels nous souhaitons tous adhérer. Refuser d’appartenir à la francitude n’est absolument pas condamnable mais, en France, ne peut s’accompagner que de désagréments. Refuser d’appartenir à ses valeurs communes, c’est refuser d’appartenir à la France et, de fait, condamner la France parce qu’elle ne nous accepte pas alors qu’elle se sent refusée est contre nature. La France n’a qu’elle à offrir. Lui demander davantage est reconnaître qu’elle ne nous convient pas.

Le rapport avec les migrants peut soudain apparaître lointain mais il découle, de fait, d’un amalgame logique finalement. Les nouveaux arrivants sont aussi intégrés à la société française que certains français. Les nouveaux arrivants ne maîtrisent pas la langue, ne maîtrisent pas les codes ni les règles pour certains. Ils sont semblables à ceux qui refusent le vivre ensemble à la française mais ceux qui refusent le vivre ensemble et qui sont français, la loi ne peut rien contre eux, désormais. La prison éventuellement mais seulement dans les cas les plus grave et se promener en permanence avec un drapeau d’un autre pays ne fait pas partie des cas graves. Crier sa haine d’autres membres de la communauté ne fait pas partie des cas graves apparemment, où seulement pour, symboliquement, condamner à une amende elle aussi symbolique. Ce sont tous ces comportements de refus d’appartenance à la francitude que paient, aujourd’hui, les migrants. A force de poser une identité étrangère comme supérieure à l’identité française, à laquelle on devrait appartenir, on montre au reste de la communauté, que ceux qui arrivent ne peuvent pas, ne pourront pas s’intégrer ou se franciser, si on doit aller dans l’extrême parce que non, il ne s’agit pas de devenir français et de renier son passé, ses origines, ses coutumes ou ce que l’on est, il s’agit juste de se poser les questionnements légitimes: est ce que le comportement que j’adopte correspond à ce que j’accepterais de l’autre? Français, la plupart le sont et il est hors de question de le remettre en cause évidemment mais appartenant à une communauté nationale qui fait sens, cela apparait un peu plus chaque jour discutable ou ténu. Ce constat là tout le monde peut le faire et il permet juste de remettre le problème des migrants dans la case qui lui correspond le mieux, à savoir un non problème. Ce qui pose problème aujourd’hui à notre société, c’est clairement les migrants français en France. Ceux qui refusent par principes, par mimétisme, par lâcheté, par faiblesse, par abandon, par bêtises, par inertie, par tout ce que l’on voudra, d’appartenir à la France. Il ne s’agit pas de manger du jambon, de boire du pinard, de se renier, il s’agit d’accepter la liberté de chacun dans un sens commun. Si mes convictions, mes comportements ne s’intègrent pas à la bonne marche, au bon fonctionnement de la société et de la cohésion nationale alors que puis je modifier dans cet aspect de ma personne pour que je ne sois plus ostracisé? Parce que si la nationalité française s’obtient par la naissance, les papiers ou n’importe comment , la francitude demande un effort de chacun. Si le pays auquel on prétend appartenir, auquel on se doit d’adhérer à nos valeurs alors on essaie par les voies légales de modifier les codes. On se présente, on se fait élire et on modifie les codes. par exemple. Et si, ce qui compte, c’est de soutenir l’équipe nationale d’un autre pays dont on en possède même pas la nationalité souvent, au détriment du pays dans lequel on vit et qui nous nourrit (dans toutes les acceptions du terme nourriture) alors il est temps, peut être, d’agir en adulte raisonné et de se poser les questions qui fâchent mais auxquelles il est essentiel de trouver des réponses. Suis je français? Suis je prêt à défendre les valeurs, la culture, l’histoire de ce pays? A partir des réponses trouvées, il appartient d’agir en conséquence.

C’est cet amalgame là qui fait qu’il y a une crise des migrants. C’est à cause de tous ces français de papiers qui refusent d’être français de cœur qu’on se retrouve à s’entre déchirer à cause d’un bateau à la dérive en Méditerranée. Les migrants ne sont que l’exutoire à un mal être sociétal bien plus profond. C’est parce que certains français qui ont un nom qui ne résonne pas bien ou une couleur de peau qui ne correspond pas aux attentes, ne se sentent plus français et le montrent chaque jour à cette France qu’ils finissent par haïr, qu’il est très compliqué, aujourd’hui, d’accueillir des étrangers sereinement. Certains français (qu’on peut qualifier d’intégrés, de souchiens, de ce qu’on veut) voient les français qui refusent d’adhérer à l’unité nationale comme des étrangers. Et, de fait, ils sont étrangers même s’ils ont les papiers. Alors, recevoir, accueillir, d’autres étrangers confine au trop plein. Bien sûr, il y a des racistes purs et durs, mais, je trouve, ressens, pense, crois, interprète, que bon nombre de français se demandent comment faire accepter la francitude à de nouveaux arrivants alors que nombre de français sur le territoire ne l’acceptent pas. Plus par plus ne donne pas moins.

Pour conclure, si les français étaient unis dans la francitude, l’accueil de migrants serait un non événement parce que la francitude serait suffisamment forte pour montrer le chemin de ce que ce pays attend de chaque arrivant, n’importe quand. C’est parce que nous sommes faibles dans l’évidence de nos valeurs que l’accueil est une impossible pour beaucoup.

Ps: OK je suis raciste, facho, je suis le mal… Comme ça le mal a un nom…

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