France Gall est décédée.
La nouvelle est tombée, sèche, au déjeuner du dimanche chez les beaux-parents, crachée du téléviseur criard parmi d’autres informations. Une nouvelle qui aurait dû passer presque inaperçue pour moi, comme le décès de Johnny et autres comparses qui nous ont quittés récemment et que je n’avais pas relevés davantage que ça, parce que c’est la marche naturelle de la vie.
Comment se fait-il alors que, cette fois, malgré moi cela hante mon esprit ? Je dois pourtant avouer que, bien que n’ayant aucune hostilité envers sa musique, je n’ai jamais été une fan invétérée. Et bien malgré cela, je me prends au jeu de l’hommage et me retrouve à pianoter son nom sur Deezer pour réécouter ses morceaux et m’octroyer un petit shoot de nostalgie.
Et voilà qu’en les écoutant la boule commence à gonfler dans ma gorge, poussant les larmes au bord des yeux et enserrant mon cœur. Le truc con, tu sais quand tu espères que personne n’est en train de te regarder parce que tu sens que la larme va bien finir par couler, dévoilant au grand jour ta sensibilité que tu tentes coûte que coûte de garder intérieure. Une espèce de tristesse coupable mêlée d’un certain plaisir se fait sentir. Alors je continue à sonder Deezer.
Mais pourquoi ?
Sans vouloir passer pour quelqu’un d’exagérément égocentrique (mais bon j’assume, hein, s’il le faut), il me semble que les choses qui nous touchent et nous émeuvent sont celles qui, d’une manière ou d ‘une autre nous parlent de nous. Alors, que vient me dire France aujourd’hui ?
Certes ces chansons, comme tout le monde je les ai entendues dans ma jeunesse (années Berger, faut pas déconner non plus, je ne suis pas si vieille !). Entendues mais pas vraiment écoutées à l’époque. J’étais davantage portée par une certaine musicalité qui englobait naturellement mon quotidien, dirons-nous.
Ainsi, je suis née avec Besoin d’amour, comme un présage qui devait commander ma vie entière… J’ai commencé à parler avec Résiste, autre présage ? Et j’ai grandi au son de Babacar ou encore Ella, elle l’a. D’ailleurs, sans comprendre pourquoi, je crois que c’est Ella qui s’est le plus profondément immiscée en moi. Son écoute me file une sacrée chair de poule, un truc qui m’envahit toute entière.
C’est fou comme parfois on vit à côté des choses sans se rendre compte à quel point elles nous pénètrent et laissent en nous une marque durable et indélébile. Petite, j’entendais donc ses chansons sans me douter qu’elles s’imprégnaient dans ma chair, qu’elles devenaient en fait une partie de la bande son de ma vie. Et qu’à ce titre elles se chargeaient d’émotions fortes, au-delà de la seule puissance des musiques ou paroles. En fait, sans que je n’y puisse rien, les chansons de France Gall sont devenues une vraie partie de ma vie.
Et voilà comment un jour, sans crier gare, ton enfance finit par s’échapper, au cours d’un déjeuner du dimanche midi chez les beaux-parents. Ton enfance qui s’évapore en même temps que les effluves du bœuf bourguignon. Merde alors !
En réalité, avec France Gall, c’est un peu de ma vie qui meurt aujourd’hui, un peu de ma vie qui s’envole, comme un signe du temps qui passe inexorablement… Un temps ni trainard, ni pressé, mais régulier et zélé, bien décidé à ne pas s’arrêter en chemin. Au fond, c’est peut-être ça qui me fout le plus le bourdon ; aujourd’hui, je suis un peu partie avec France, sans qu’on m’ait demandé mon avis.
Au revoir France Gall, au revoir mon enfance ! Et à trop vite…
par K.M.