Fonctionnaires (partie 2) – La semaine politichienne de Smig

Auparavant, elle aura croisé le facteur dans le hall d’entrée. Comme les autres jours, ils se salueront mais il ne lui donnera pas de courrier parce qu’il y a bien longtemps que plus personne ne lui écrit. Les factures arrivent directement par mails, les lettres d’insultes des uns et de mécontentement des autres parviennent comme par magie, désormais, dans sa boite mail alors le facteur n’est plus qu’un quidam qu’on croise sans qu’il ne soit une existence réelle. Juste un porteur de gibecière dont personne ne sait plus ce qu’elle peut contenir.


Déjà, la faune vivante de sa petite ville provinciale se met en branle pour donner une illusion de réalité, de prise, d’emprise. Les roues des camions bennes qui circulent par secousses traversent l’eau que les véhicules de nettoyage et les balayeurs comme on disait autrefois ont déjà répandue sur les voies. Au loin retentira la sirène d’un camion de pompiers ou d’un samu, plus surement d’un véhicule de police lancé dans la quête du rétablissement de l’ordre alors que plus personne ne sait ce que ce mot veut dire. Une symphonie de bruits entre sirènes, jets d’eau, levage de poubelles, klaxons répondants aux cliquetis des sonnettes de vélo monte des travées de la ville. En même temps que le jour achève de se lever, la ville devient cette personne à la fois amicale et dangereuse, vivante et mortifère, douce et violente.
Aujourd’hui est une journée particulière. L’infirmière viendra dans la classe pour présenter son action dans l’école. Cette journée de décembre s’annonce plutôt calme puisque la police interviendra, ensuite, pour sensibiliser aux dangers des réseaux sociaux, de la circulation ou des drogues. Ou d’autre chose.


Elle monte alors dans le bus qui vient d’arriver et espère secrètement que Sami sera au volant. Elle aime bien Sami. Il est gentil et plutôt beau garçon. Il est jeune et il dit bonjour et merci et ça, elle en avait perdu l’habitude et même que très souvent, il sourit. Et puis, elle cherche une place dans ce bus vétuste et bondé. Longtemps, elle avait espéré que quelqu’un se lèverait et céderait sa place à une femme âgée mais elle s’était fait une raison. Entre les revendications féministes, identitaires et ce que devient la société, elle savait qu’elle resterait debout. Elle réussit à se nicher dans un coin. Ainsi, elle peut à peu près lire. Le confort est précaire mais comme elle n’est pas une fétichiste, elle peut corner le livre, le tordre et même le faire tomber sur le sol humide et sale du bus. Cette fine pellicule d’eau saumâtre et noirâtre qui stagnait perpétuellement dans ce type de transport en commun.

Laisser un commentaire