Aurait-il fallu que je reste?
Privé de toute adresse,
Aurait-il fallu qu’on nous teste
Connaissant déjà notre détresse?
Fallait-il qu’on se déteste
Qu’on se débarrasse de tout le reste
Qu’on s’achète un autre lest
Et que malgré tout on reste?
J’aurais préféré qu’on nous laisse
Avant que la nuit ne cesse
Mais les étoiles de notre tristesse
Brillaient plus fort que notre jeunesse.
Aurait-il fallu que je t’aime
Même en sachant ce que je sème ?
Etait-il noble d’en faire un poème,
Une histoire, un blasphème ?
Aurait-il fallu qu’on me traine,
Dans une vie qui n’était plus la mienne,
Qu’on me pose comme un emblème
D’une vie triste et sans problème ?
J’aurais préféré comme stratagème
Que l’on compose mon requiem
En s’appuyant sur le thème
Qu’on me laisse vivre ma bohème.
Aurait-il fallu que je saigne,
Que je me débatte et me plaigne ?
Fallait-il qu’on me contraigne,
Que l’on m’exploite et me restreigne ?
Aurait-il fallu qu’on me conseille
D’être toujours droit et pareil
Quel que soit l’endroit de mon sommeil
Que l’on me pousse, que l’on me craigne
J’aurais préféré que débute mon règne,
Plutôt que finir au fond d’une bouteille
Et que tout ce qui m’imprègne
Ne devienne pas des choses que tu dédaignes
Aurait-il fallu que je sois jaloux
Que je trépigne, que je sois à bout
Fallait-il que je frôle le dégoût
Que j’erre dans le vide, dans le flou
Parce que, finalement, en plus, de tout
Je saurais que, sans moi, malgré tout
Tu vis heureuse et toujours debout
Face à mon départ et ton courroux
J’aurais préféré que tu te désavoues
Que tu souffres qu’il n’y ait plus de nous
Et que je souffre d’être à mon tour à genoux
Que j’ai perdu en jouant mon va-tout
Aurait-il fallu que je vienne
Que je garde cette vie moyenne
Que la situation se gangrène
Que toute l’histoire ne soit plus qu’en porcelaine ?
Aurait-il fallu que je comprenne
Que de toute façon tu resterais sereine
Parce que le fait que je te malmène
Etait comme le chant des sirènes
J’aurais préféré que tu restes mienne
Que ta vie soit bien moins pleine
Et que tu m’aimes quoiqu’il advienne
Que j’accélère ou que je freine.