Eppure, continuare (et pourtant, continuer)

S’asseoir dans un des derniers bistrots encore existants et regarder, attendre que le monde propose quelque chose. A travers le regard fuyant des gens et les discussions insipides au comptoir, se rendre compte et voir la profondeur de cette solitude. Les problématiques, les interrogations, les rêves et même les souvenirs différents. D’autres préoccupations, d’autres moteurs qui font que les vies ne font pas les mêmes existences, les mêmes divergences. C’est dans l’épaisseur moite de ces sons envahissants que, soudain, la prise de conscience d’être un autre se fait. Et chercher à faire quelque chose de cette altérité. S’arrêter au bord du gouffre que constitue cette vie et considérer enfin que c’est celle qui est à vivre finalement.  Qu’il n’y aura que ça, que ce ne sera que ça et qu’il faudra bien faire avec parce que le choix n’existe plus. Deviner derrière les ruissellements de la pluie sur les baies vitrées de l’estaminet que ce ne sera pas encore aujourd’hui, que finalement tout cela va poursuivre son cours et que rien ne changera vraiment, parce que chacun se débat dans sa propre vie en faisant en sorte qu’elle soit le moins terne possible même si cela doit être un échec. Alors le rêve s’installe, l’envie d’une autre envie, l’accomplissement d’un autre destin, la fondation d’une utopie. C’est au travers de ces mondes intérieurs que la perte se fait plus douce. Se perdre au milieu de soi, dans ses propres méandres, en espérant se retrouver et sortir neuf de ce trajet. Et continuer.

Constater amer que le gris du ciel n’est que le reflet de la vie déconstruite qui guide les pas vers l’inconnu. Continuer d’attendre une improbable révolte, peut être même une révolution alors que le monde n’attend pas. Les événements passent, les jours changent, la nuit tombe et pourtant, continuer.

Comprendre que rien ne changera plus et l’admettre parce que cela épuise de puiser des forces qui n’existent plus. Reconnaître que l’erreur est factuelle et qu’elle réussit à se jouer du destin en offrant une porte de sortie qui en réalité n’existe plus. Mais continuer.

Agripper le haut des montagnes, louvoyer sur le tranchant des vagues, s’ébaudir devant la poussée des embruns verdoyants des champs et mesurer la perte et la décadence de la pluie sur les carreaux sales et ternes du bistrot pour mesurer l’étendue de la perte et la fin des illusions de l’enfance. Mais pourtant, continuer.

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