Il faudrait ressentir certaines choses autrement. Glacer les temps et les époques afin de choisir celle à réveiller. Construire des ponts et des passerelles pour lier les univers disparates. Et revenir encore et toujours et encore sur un ouvrage non achevé. Se sentir complet dans la difformité et rempli par l’étrange. Sentir que les rivières qui s’écoulent à l’intérieur sont plus fortes et plus puissantes que les mondes en furie et en tempête. Ne plus ressentir de blessures, d’humiliations ou de gifles. Enfin atteindre la paix. Et bâtir autrement.
Il pourrait y avoir d’autres fondations, d’autres constructions, autrement. Des murs fondateurs défiant les cieux et cherchant dans le lit des étoiles les bonheurs enfouis sous des tonnes de pleurs et de de souffrances. Des racines si profondément ancrées dans les terres que les arracher n’entraîneraient que des fleuves de sang et de lymphe. Des nourritures venues du centre même des mondes pour se renouveler et se réchauffer sans cesse au contact de l’énergie brûlante et éternelle des noyaux célestes. Et rebâtir encore.
Il semblerait que tout serait possible et que les étages posés les uns sur les autres, les uns après les autres, avec leurs rêves inaccessibles, leurs désirs illusoires et leurs mécaniques inavouables, inavouées et inconnues, seraient, à chaque fois, des mondes uniques et individuels reliés les uns aux autres par la force de nos envies, de nos buts et de nos cauchemars. Que chaque étage devienne un monde et que chaque monde devienne un étage. Et bâtir à nouveau.
Il me revient tous ces bruits, ces sons et ces fureurs qui l’auraient fallu calmer. sur les grands escaliers aux larges marches de marbre, répandre le sang des naufragés et les larmes des épouses déchirées. Et pourtant, continuer à gravir les distances vers l’oubli et la lumière. Et faire de ces litres jetés depuis les hauteurs, des océans de volupté. Et rebâtir autrement.
Il faudrait voir au travers des lucarnes des fondations si le ciel a tenu compte des avancées, si la terre regarde ce nouvel édifice avec des yeux bienveillants et si les nuages crevés par les pierres acceptent de n’être plus que des oreillers cotonneux pour poser nos lamentations. Et bâtir davantage.
Il y aurait toutes ces portes à ouvrir pour voir le nouveau monde se désagréger sous nos yeux ébahis et accueillir tous les songes perdus dans nos immensités de plaintes, les recevoir à nouveau et leur donner place. Et Rebâtir encore une fois.
Il poserait tous ces regards effrayés sur ce nouveau monde inconnu, infini et interminable. Pour voir les larmes couler. Et bâtir encore une fois.
Tout détruire parce que tout est laid et rebâtir davantage.