Comme si, quelque part, cela recelait du moindre intérêt. Puisqu’il est admis que la personne la plus importante de nos vies se trouve être nous-même alors la vie rêvée des anges que représente celle de l’autre, se trouve être sans importance. On peut, bien sûr, s’arrêter aux quelques personnes qui donnent du sens à notre propre existence mais, si et seulement si cette présence s’inscrit dans notre épanouissement. L’autre se doit d’être utile, de nous être utile, sinon il n’a pas à être là. On peut toujours se défendre et prétendre que ce n’est pas vrai, que non! nous ne sommes pas égoïstes. Cela ne convainc plus que la bien-pensance. Si certains se réclament encore de l’abandon absolu de soi, ils ne représentent plus qu’une infime minorité et même cette perspective est discutable. Nombre d’actions qui se veulent altruistes ne sont, en réalité, qu’une masturbation égotique visant à s’aimer davantage parce qu’on se considère utile et par la force des choses, comme quelqu’un de bien. Cette notion du bien, qui comme toute notion philosophique, en réalité, ne s’applique qu’à l’aune de son propre regard et qui, de fait, ne saurait avoir une perception universelle. Le bien se détermine selon ce que chacun considère être les valeurs. Les siennes, qui lui sont propres, qui lui appartiennent, ainsi tout part de soi puisque tout correspond à notre interprétation. Alors cette guimauve qui se répand actuellement, un peu partout, en raison des fêtes de fin d’année, ne peut être que ce que tous veulent nous vendre. On passera sur l’aspect mercantile de la chose ou sur l’américanisation du Père Noël parce que, en réalité, on s’en fout. Ce qui intéresse dans l’idée de Noël, c’est de recevoir des cadeaux pour obtenir une satisfaction personnelle. Alors, les moralistes vont encore me répondre: « Euh non, moi ce que j’aime, c’est faire des cadeaux aux gens que j’aime… » Recevoir sa petite part d’auto satisfaction à travers le regard de l’autre, sacrée nuance.
Ne surtout jamais dire qu’un cadeau nous déplaît pour ne pas froisser l’égo du donneur. Au final, le cadeau a plus de valeur, d’importance pour le donneur que pour le récepteur. Il est la preuve de l’amour, de l’attention, de l’efficacité que nous avons aux yeux de l’autre. Il prouve notre attachement, notre connaissance, notre fiabilité. Voilà pourquoi Noël est déplaisant. Toute l’année, nous vivons en nous foutant de l’autre où en étant attentif à autrui seulement quand cela peut servir nos intérêts, et soudain, cette période nous oblige à faire l’effort de nous soucier des goûts et des besoins de quelqu’un qui n’est là que pour nous rendre service et surement pas pour vider notre porte-monnaie.
Oui, c’est ludique, c’est sympa, c’est convivial et tout ce qu’on voudra mais ça n’empêche pas de n’être qu’une célébration de nos propres angoisses existentielles. Puisqu’il faut faire attention aujourd’hui à nos amours, nos rires, nos dépenses, nos envies, nos motivations, cette période nous permet d’obtenir un havre de paix, un repos pour nos esprits emprisonnés par le politiquement correct. Alors respirons pendant qu’il est trop tard et que, dans quelques jours, la routine reprendra ses droits. Nous ne sommes pas parfaits, nous le savons tous, pourtant nous voulons apparaître comme tel aux yeux de tous parce que ça nous rassure égoïstement et que, dans la déception de l’autre, nous lisons notre propre déception. Nous ne sommes pas parfaits pourtant nous devons l’être, non pas pour autrui, mais bien pour nous, pour que tout cela ait du sens, pour que nous devenions mémorables à nos propres yeux.