De l’art… de l’émotion… du pognon…

Jusqu’à présent ce qui se révélait être artistique tournait autour de l’idée d’être vecteurs d’émotions, porteurs de messages. Le message n’étant pas forcément des plus philosophiques ou révolutionnaires mais, il avait au moins une prétendue existence. La quête d’art, peut être à tort, se construisait autour de ces deux désirs,  diffuser le message ou transmettre l’émotion, qui pouvaient être séparés mais qui, assemblés, donnaient une portée bien plus forte au support. L’art devenait puissant et intéressant à partir du moment où le support (écrit, musical, poétique, visuel…) tentait de faire passer une idée, une revendication, une critique donc un message ou de provoquer chez le récepteur une émotion (joie, rire, honte, peine, tristesse, colère…). Aujourd’hui, dans ma posture de vieux con, il semble que l’idée même de message, de sens, d’émotion ait disparu des priorités de l’artiste. Le véritable but de ce que l’on nomme pompeusement désormais art semble être la démarche mercantile. L’idée n’est plus de toucher l’autre mais plutôt de créer le buzz nécessaire pour que l’autre soit dans l’obligation, dans la nécessité d’acheter. Ce qui compte réellement c’est que l’argent afflue. On tombe dans une surenchère permanente dans le besoin de « buzzer ». Du plug anal à la levrette sur le forum des halles devant Pompidou, d’un richard III nu durant 75% de la représentation, à une croix noyée dans l’urine, tout est bon pour choquer. On peut considérer que l’émotion recherchée par l’artiste est la gène, le choc comme pour l’origine du monde. On peut considérer cet aspect. Toutefois, ce qui permet à l’art d’être révolutionnaire et dérangeant les mœurs c’est la rareté. A partir du moment où le seul but de l’artiste est de choquer et que tous les artistes ont les mêmes ambitions, les mêmes envies et les mêmes critères de réussite, peut on encore qualifier de dérangeant ce que tout le monde envisage de faire? La course artistique désormais tourne autour de l’idée de déranger le plus, d’aller le plus loin dans le vulgaire, le cruel, le sale, le laid, l’inutile pour sortir son nom de l’anonymat duquel peut être il n’aurait jamais dû sortir où, en tout cas, pas pour ces raisons et pas de cette façon. Cette course au buzz s’explique aussi et peut être même surtout par le fait que maintenant l’artiste est devenu un véritable professionnel produit marketing vecteur et porteur d’images et qu’il ne peut se permettre d’être ce qu’il est mais il ne peut être que ce qu’il doit être. C’est la professionnalisation de l’artiste. Tout le monde est artiste et Paris semble être devenu une ville ou soit tu es artiste soit escroc soit migrant… choisis ton camp…. Il faut se démarquer dès lors de la plèbe des autres artistes, ceux qui ne font pas le buzz ou pas assez… Forcément, chercher à fabriquer du trash pour avoir pignon sur rue se fait au détriment du sens, au détriment de l’émotion… Faites du bruit!!!! Alors toutes les productions « artistes » rivalisent de mièvrerie, ou de vide… surtout de vide… Il suffit pour s’en convaincre de penser aux « chanteurs » actuels, aux « écrivains », aux « metteurs en scène », aux « plasticiens » parce qu’on ne peut plus parler de peintre ou de sculpteur. L’émotion la plus recherchée par les tenants de cette art le plus souvent subventionné est le dégoût et souvent le mépris. On a donc des « artistes » qui passent en boucle sur les télés pour vendre des « travaux » dans des émissions dirigées par les potes et regardées par les potes. L’art est devenu un entre soi parisien qui se régénère de lui-même artificiellement et automatiquement. Les artistes semblent être ceux qui vont voir les œuvres des artistes qui iront voir les œuvres des artistes. Cercle vertueux? Vicieux? Les gens considérés comme normaux sont soit trop loin, soit trop désargentés soit trop occupés à gagner leur vie pour la dépenser à voir des oani (objets artistiques non identifiés). Alors, certes, on tente, pour certains de rester à la page et de trouver des invitations, captations sauvages pour voir ce qu’on ne peut plus voir gratuitement. Parce que tout se monnaye. L’art du dégoût se monnaye et se paie même très cher. On enlaidit les lieux publics. On pourrit notre audition et notre vision. On détruit notre gout, notre culte pour le beau au profit de l’argent roi. Il faut produire. En masse, en quantité, en nombre, et cher et de plus en plus cher, et produire du buzz encore plus de buzz et comme c’est no limit dans l’abject on en arrive à ce que nous voyons maintenant tous les jours dans les productions dites artistiques. De la merde. Et quand je dis merde je ne parle pas au sens métaphorique du terme. Des expositions d’excréments ou de détritus vendus comme de l’art. L’art qui est de la même racine que l’artisanat n’a plus lieu d’être, il est devenu l’art de la même racine que argent. Il ne faut plus produire pour la beauté du geste ou pour la volonté d’enseigner, de bousculer, d’émouvoir, de plaire, non il faut produire pour choquer et que tout le monde sache même pour de mauvaises raisons que l’oeuvre existe. C’est à celui qui fera le plus de bruits, plusieurs, différents, multiples, sourds, pour être le plus vu et acheté et même si le travail ne vaut même pas la peine que son auteur s’y intéresse. L’art est devenu une marchandise comme une autre, certains peuvent s’en féliciter, sans doute les centaines d’artistes, mais le simple citoyen, avide de beautés, de connaissances et de culture se désintéresse chaque jour davantage de ce milieu. D’une part, parce qu’il a autre chose à faire désormais mais aussi parce que cette profusion n’a plus le moindre intérêt et que de toute façon, nous n’avons plus les moyens pour se l’offrir.

4 réflexions au sujet de « De l’art… de l’émotion… du pognon… »

  1. Complètement d’accord avec tout ce billet. Peut-on appeler artiste une personne se faisant payer pour réaliser une oeuvre ? Je ne crois pas. L’art n’est pas un métier. C’est un rapport à la vie. Quid du financement publique de l’art et de la culture, n’est-ce pas un immense détournement d’argent publique ?

  2. Père Castor, raconte nous une histoire, mets tes lunettes et dis nous tout ! (Je ne serais pas contre un billet sur le financement public de la culture …)

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