Alors on se retrouve dans cet espace intemporel et flou. Rien ne semble avoir de véritables sens. Tout se construit et se déconstruit dans une urgence quasi invisible mais patente. On fait parce qu’il ne faut pas défaire, ce qui pourtant n’est qu’erreurs ou mensonges. Chaque instant vient à nous rappeler la petitesse de notre présence et l’immensité de notre absence. On court parce qu’il ne faut pas marcher. On vole parce qu’il faut posséder. On survit parce que vivre coûte trop cher. Et on continue… Et cette migraine qui ne cesse pas….
Il faut donner du sens, donner corps à des choses immatérielles qui ne racontent rien parce que c’est le cours de l’existence et d’une certaine modernité du vide que d’attendre. Si regarder les choses et les gens tels qu’ils apparaissent à mon regard fatigué et embué par tant de mépris s’apparente à de la rébellion ou du non formatage alors soyons rebelles et déformatés. On nous parle d’incivilités et de mépris. On nous dit que le monde va comme il va et qu’il ne va pas bien mais que ça pourrait être pire si nous ne faisons pas attention à ce qui a été crée, que tout ira mieux demain parce que, aujourd’hui, c’est trop compliqué et que c’est difficile de manger des pâtes à l’eau et des tartines au pain… Et cette migraine qui tape….
Il ne s’agit pas de se rebeller en considérant, avec une mauvaise foi teintée d’hypocrisie, que tout détruire est l’idéal, que la tabula rasa est la seule alternative, non, il s’agit juste de constater que ce qui a été fait ne mérite que d’être défait. Assujettis que nous sommes à des volontés et des désirs qui ne nous appartiennent pas, nous errons dans le no man’s land que représente désormais nos vies. La solution ne peut être qu’individuelle et ne peut répondre qu’à des désirs et des volontés personnelles. Il n’y a pas de gourou ou de facteur x qui éclairera soudain le chemin de nos destinées d’une lumière aveuglante. Et cette migraine qui ne s’arrête pas…
Inexorablement le temps défile et nous rapproche du constat final. Il n’y aura pas de réponses ou en tout cas, il n’y aura pas de réponses positives. Et finalement, voulons-nous réellement des réponses? Il faut acter, agir encore et encore… produire, reproduire et recommencer. C’est comme ça, c’est la vie…. C’est cette marque fataliste qui fait que nous attendons tous le premier mouvement de l’autre, et qu’à force d’attendre, il ne se passe rien, sauf l’attente. Cette inertie devient donc souvent de l’action puisque, à force de produire du vent, le monde croit produire des tempêtes mais les tempêtes ne font que les naufrages. En fait, le problème n’est pas que nous soyons divisés, le constat est que nous sommes tous égoïstes, jalousement, farouchement, exclusivement égoïstes. Pas de découvertes révolutionnaires, le simple constat que nous sommes en représentation et que ce jeu devient de moins en moins drôle, à force qu’il se déroule sous nos yeux. Nous sommes de moins en moins acteurs de ce théâtre, qu’est le monde, et nous devenons, chaque jour, un peu plus, des victimes, car lire le livre que constitue ce monde est apparu trop fastidieux, trop lourd pour nos frêles épaules. Et cette migraine qui continue….
Il serait facile de gloser et d’ergoter sur le refus de cette évidente passivité et considérer, qu’en réalité, le combat contre la tyrannie est permanent, continu et même plus fort que jamais. Or, il y a longtemps que ce combat est perdu et que rien ne peut changer cette dérive. Il aurait fallu repartir d’une feuille blanche et recommencer mais la peur du vide anesthésie toute velléité de mouvements. Cette défaite n’est pas triste, ni dramatique ni tragique, elle est. Chacun doit s’en accommoder et vivre avec, puisque c’est factuel. Le fait découle de la fatuité, le passé devient le fruit de la passivité et nous sommes tous coupables à défaut d’être bourreaux, de devenir les victimes d’un crime non commis. Et cette migraine qui suinte…