Fonctionnaire 13 – La semaine politichienne de Smig

Elle avait roulé longtemps. Trop sans doute. Elle manquait de sommeil. Il fallait qu’elle trouve un endroit mais elle ne voulait voir personne. Elle avait vu trop de monde en trop peu de temps. Elle était en overdose des gens. Il lui fallait du calme, du silence, du temps. Il lui fallait le vide. Elle n’avait nulle part où aller, elle n’avait nulle part où être. Elle ne manquait à personne, en tout cas elle n’en savait rien. Quelque part, cette pensée la rassura mais elle la plongea soudain, après réflexion dans le vide de son existence.
Elle n’avait rien construit qui valait la peine qu’on pense à elle, elle n’avait rien détruit qui valait la peine qu’on la recherche. Tout ce qu’elle avait envisagé dans la vie était impossible. Ce n’est pas le cœur qui était rompu chez elle, c’était son âme qui venait d’exploser, d’éclater en des millions de poussières de verres, en étoiles de mer sèche, en flocon de neige du désert. Elle se souvenait de tous les conseils qu’on lui avait donnés, de toutes ces marques de sympathie qu’on lui avait offertes et pourtant, elle était brisée.
Tout ce dont elle avait besoin se trouvait pourtant dans son monde. Depuis longtemps, elle avait abandonné les idées d’amour éternel et de mondes paradisiaques. C’était impossible, ça n’était pas pour elle. Elle voulait crier au monde entier, du sommet des plus hauts immeubles que même si c’était impossible, elle aurait voulu y croire mais une fois que tout était fait, tout était brisé. Tomber amoureuse était impossible désormais, tomber du bon côté du monde était impossible, il ne restait que la ligne d’horizon pour lui raconter les histoires qu’elle aurait voulues entendre. Toutes ses cicatrices étaient rouvertes et se vidaient des souvenirs qu’elle avait voulu enfouir sous des tonnes de coton et de perles. Maintenant, il fallait revenir aux choses plus concrètes. Elle n’avait pas mangé, elle n’avait nulle part où dormir et la ville autour d’elle scintillait de mille feux.
Elle était celle qui avait trahi, celle qui avait menti, celle qui s’était cachée. Elle était celle qui vivait seule avec son chat et que les gens dans la rue regardaient avec compassion. Elle était cette petite prof de nulle part ou d’ailleurs, celle dont les élèves oublient le nom dès le mois de juillet. Elle était celle qui pour exister avait blessé des collègues, humilié des élèves, quitté des amours. Et toutes ces morsures, toutes ces malédictions, tous ces mensonges lui revenaient maintenant en touffe, en masse, à foison et lui sautaient au visage. Il était temps de payer son dû, de rendre aux innocents la vengeance qu’ils méritaient devant sa médiocrité. C’était sa rédemption. Son pèlerinage vers un Saint Jacques de Compostelle utopique, une Mecque inexistante, un paradis perdu. Elle savait pourtant que rien ne pourrait jamais réparer les dégâts de ses actions, de toutes ses promesses vides. Tout ce qu’elle pourrait espérer désormais serait impossible.
Elle savait qu’elle ne trouverait pas de repos dans cette ville, dans cette effervescence, dans ce moment. Il fallait qu’elle trouve un quelque part, ailleurs. L’étoile qui était apparue pour elle n’était pas rédemptrice. Elle lui signalait seulement la route vers le monde où elle pourrait dire à tous que même si c’était impossible, elle n’était pas si monstrueuse, pas aussi dure, que maintenant elle voulait sa part de bonheur, que l’aigreur qui coulait en ses veines avait disparu et que maintenant elle était prête à accueillir. Elle sentait bien qu’il était trop tard, qu’elle était fragile désormais alors qu’elle s’était efforcée toute sa vie de construire un personnage dur, impassible, austère. Une prof avec son chat. Elle voulait crier que son cœur aussi avait été brisé, qu’elle aussi elle avait souffert, qu’elle aussi, elle aurait mérité autre chose mais au fond d’elle, elle n’y croyait pas. Elle savait qu’elle s’était trompée et que tout ce qu’elle avait cassé ne serait jamais réparé. Enfermée dans sa petite vie, elle croyait que la raison, les règles, les mirages construisaient le bonheur et elle avait esquivé toutes les évidences, masqué toutes les réussites, contourné tous les bonheurs pour ne conserver que les choses tièdes et fades. Effrayée par le feu, réticente au bonheur, elle avait gâché l’histoire que l’univers lui avait envoyée, détruit la passion et la fureur de l’amour qu’elle croyait retrouvées ailleurs, autrement, mieux. Elle croyait, elle avait cru, que la chance de l’histoire qu’on raconte à travers les siècles, qu’on sublime au fil du temps mais qui n’est qu’une pâle copie de la vérité, repasserait parce qu’on le demandait, qu’elle reviendrait et même qu’elle gagnerait en intensité. Elle comprit qu’en tuant la poule aux œufs d’or, on ne gagne pas de trésor mais il était trop tard.
Alors il lui fallait suivre l’étoile. Les commerces étaient ouverts, profitant de l’activité nocturne de la ville. Elle acheta de quoi se nourrir quelques jours. Elle savait qu’elle devait errer mais elle ne savait pas combien de temps, ni comment, ni où. Son fonctionnement intime cartésien, droit, sans aspérité, d’une propreté clinique la poussait à déjà planifier sur plusieurs jours les besoins et les nécessités. Elle refusait les surprises et tout était toujours grave. Pas de fioritures, pas de futilités, pas de légèreté, tout était important et la moindre parole devait avoir sens et poids. Longtemps, elle ne comprenait pas pourquoi les autres ne disaient pas. Elle finit par comprendre que les gens étaient bien plus superficiels et légers qu’elle ne l’était et que son besoin permanent de sérieux était bien plus blessant que la légèreté dont le monde avait besoin.
Elle reprit la route et roula quelques kilomètres jusqu’à la première aire d’autoroute. Les lacets de la route s’enfonçaient dans une forêt assez sombre et l’absence de réverbères accentuait la possibilité qui lui était enfin offerte d’être invisible. Elle roula jusqu’au promontoire qui surplombait la mer. Elle s’espérait seule. Elle se gara dans un coin de la clairière. Au premier regard, elle n’ait pas ressenti ni vu de vie au milieu des pins. Le seul bruit venait du ressac de la mer et son pare brise se couvrait lentement des embruns que le vent poussait vers elle. Non loin, pourtant, une voiture était garée. Elle ne distinguait ni la couleur ni la forme. Elle ne voyait personne à l’intérieur. Allongé sur le capot, elle devina une forme qui semblait boire au goulot d’une bouteille. Elle ne voyait que l’ombre mais il lui sembla qu’il s’agissait d’un homme. Elle n’imaginait pas, de toute façon, une femme, affalée sur le capot à vider des bouteilles dans ses vieilles croyances de bienséance. Elle resta au volant de sa voiture et s’alluma une nouvelle cigarette. Elle regrettait la présence de ce voisin invisible mais elle avait condamné les portes et elle se sentait de toute façon trop fatigué pour chercher un autre endroit. Elle dormirait là et on verrait bien demain.

Fonctionnaire 12 – La semaine politichienne de Smig

 

La nuit commençait à tomber. Elle se décida à entrer dans une ville, se garer quelque part de reconnaissable de loin et de errer. C’était un soir comme il en arrive parfois, un soir où tous les miracles semblent possibles. Prise dans sa crise mystique réduite, elle décida de se garer sur le parking de la cathédrale de la ville, à moins que ce ne soit une basilique ou tout simplement une église. Elle se nommait Saint Antoine et elle ne put s’empêcher d’y voir un signe.

Elle avait entendu à la radio que ce soir l’atmosphère serait étrange, lourde, profonde. Au loin, elle entendait cette chanson italienne qu’elle avait réclamée. Le silence brisé par la voix chaude d’un bellâtre aux cheveux longs résonnait sur les murs de la vieille ville. Elle s’était décidée à se perdre dans les ruelles.

Elle avait roulé, longtemps, sans but, et ne savait rien de l’endroit où elle se trouvait. Elle aurait pu chercher les informations sur internet ou même faire appel à ses vieilles leçons de géographie et d’histoire mais cela n’avait pas de sens.
Ses pas claquaient sur les vieux pavés.

Elle avait l’impression d’être seule et pourtant, autour d’elle, la ville semblait en effervescence. Les chiens se répondaient à travers la ville et ponctuaient la chanson du vainqueur. Les ruelles étaient sombres mais elle se sentait en sécurité. Elle n’avait pas envie d’avoir peur.

Les chiens se racontaient des contes où la lune s’effondrait dans la mer et partout, elle voyait les gens courir de ci, de là, comme fous et possédés, comme pris par une énergie venue d’ailleurs, se précipitant pour voir la lune s’unir à la mer.

C’était un soir si doux, comme une coulée de miel, comme un nectar d’ambroisie glissant le long de la gorge. Les places et les rues étaient pleines de monde, de bruits et malgré tout, il n’y avait que le chant qui flottait dans l’air. Soudain, elle crut entendre le bruit d’un bateau dans les vagues comme pour lui rappeler que la mer l’attendait et que la lune l’appelait.

Dans les ruelles étroites, les draps, suspendus au dessus des passants, se gonflaient comme des voiles et semblaient tirer à l’unisson vers un ailleurs. La ville, elle aussi, paraissait bouger, partir, vers l’inconnu, vers ailleurs.

La ville et elle ne faisaient plus qu’une comme cela ne se peut que dans les contes miraculeux. Les voiles, ce soir, ressemblaient à ces draps de soie qui recouvrent les lits des plus beaux palais. Des drapeaux flottant dans les airs et envoyant au reste du monde les cris et les soupirs d’amour comme s’ils venaient de milliers de stades emplis de millions de gens.

Un appel lancé aux étoiles pour envoyer enfin les miracles dont elle avait besoin en cet instant. Toute la ville semblait en mouvement pour décrocher les étoiles. Tous les jardins, tous les immeubles, toutes les places volaient et les gens sortaient des bars, passaient la tête aux fenêtres ou aux coins des murs. Du simple trafiquant aux couples d’amoureux qui ne peuvent se séparer, de la mère avec son bambin dans les bras, au boulanger noyé sous la poussière blanche de sa farine, tous ressemblaient à des pirates sur les guindes de trois mâts s’activant pour atteindre la terre promise.

Et au milieu de cette ville inconnue, au milieu de cette nuit de tous les possibles, elle se dit qu’elle devait essayer, qu’il était temps, qu’il était l’heure, qu’il fallait savoir quelle étoile brillait pour elle, dans le ciel, au dessus des mers. Parce qu’elle se perdrait si elle ne trouvait pas le chemin qui la mènerait là où elle devait être. Elle aurait voulu faire attention comme un vieux souvenir de sa vie d’avant mais elle entendait ce chanteur et cette voix chaude et forte qui lui disait, à elle, et seulement à elle, que ce soir et cette ville volaient autour d’elle et qu’il fallait allumer et saisir les étoiles du ciel pour vaincre à l’aube d’une nouvelle vie.

Au loin, une lumière brillait plus fort dans la nuit, le navire approchait pour lui montrer l’étoile du lendemain. Elle se trouvait maintenant sur le quai, face aux vagues, sa déambulation au milieu des gens qui cheminaient, qui couraient de places en places pour aller voir la fusion du feu et de l’eau, l’avait menée là.

La ville bateau semblait filer, tirée par les voiles draps suspendues partout mais ce soir, dans la profondeur de la nuit, elle voyait l’homme qui chantait pour elle se lever et partir, disparaître en marchant simplement, sagement, tranquillement.

La ville vole et elle cherche son étoile.

Fonctionnaire 11 – La semaine politichienne de Smig

Elle resta assise sur le perron de l’officine. Elle attendait que son corps lui dise que la destruction pouvait se poursuivre ou reprendre. Elle retrouva de la lucidité. Et puis, finalement, il ne servait à rien d’attendre, au contraire même. Il fallait accélérer le processus. Elle sortit une nouvelle cigarette du paquet. Sans s’interroger le moins du monde mais plutôt en poursuivant sa quête d’autodestruction, elle l’alluma et tira une grosse bouffée du cylindre chaud. La tête tourna à nouveau mais elle résista. Elle était assise donc elle ne vacillait plus.

Elle fixait l’église du village. Elle était d’une banalité toute nationale. Elle ressemblait à des dizaines d’autres églises dans des dizaines d’autres villages et pourtant, comme toutes les autres, elle avait quelque chose de particulier. Quelque chose qui faisait qu’on voulait y entrer et se perdre dans la fraîcheur de la nef. Se laisser griser par une spiritualité artificielle, cette chose qu’on ne contrôle pas, qu’on ne comprend pas et qui pourtant existe dans beaucoup de lieux dédiés au sacré. Elle pensait que la force des esprits qui s’étaient libérés en ce lieu l’aiderait à supporter la nausée, l’agression du tabac sur son corps.

En effet, elle gardait les yeux ouverts cette fois. Si le boxeur revenait, elle voulait le voir, l’affronter même. Cela faisait partie de ses nouvelles résolutions. Elle voulait faire ce qu’elle s’était toujours interdit de faire. Ne plus subir, ne plus supporter mais affronter et même si cela devait lui coûter cher, elle considérait qu’elle avait perdu son temps et la majeure partie de sa vie à vouloir plaire, satisfaire des compagnons de passage qui n’en valaient pas la peine finalement, des supérieurs hiérarchiques tous plus incompétents les uns que les autres comme si le concours pour devenir chef était une palme à la médiocrité. Désormais, elle voulait choisir ses partenaires et ne plus les subir. Trop de fois, elle avait succombé aux charmes supposés d’un bellâtre qui ne valait pas finalement les heures passées en sa compagnie. Trop de fois, elle avait cédé aux avances d’un lettré faussement cultivé, maladroitement cultivé mais supérieurement manipulateur. Longtemps, elle avait voulu se rassurer en se disant qu’elle avait choisi, qu’elle menait la danse et que c’est elle qui se donnait quand elle le voulait et à qui elle le voulait mais en réalité, en y regardant de plus près, elle comprit qu’elle se mentait depuis si longtemps. Elle ne maîtrisait rien parce qu’elle n’était pas suffisamment armée pour affronter les hordes de désirs, d’envies, de besoins qui s’emparaient régulièrement d’elle.

Elle voulait plaire et se sentir vivante malgré tout, malgré cette vie banale de fonctionnaire acariâtre et triste. Elle paraissait austère pour beaucoup malgré les rires sonores qu’elle se forçait parfois à avoir en salle des profs ou dans les soirées faussement mondaines de la petite bourgeoisie de province. Elle avait passé des nuits dans des bras quasiment inconnus en quête d’un plaisir fugace qui ne venait que rarement finalement parce qu’il manquait toujours une composante essentielle, la conquête de la lune. Comme si le tabac recelait de vérités inavouables, elle comprit en cet instant, enfin, qu’elle voulait vivre et non plus subir. Elle se devait de choisir et de ne plus être choisie. Elle devait imposer, elle voulait connaître ce que finalement peu connaisse, une vraie histoire passionnelle avec des vrais morceaux de sentiments dedans et non plus les fables et les mensonges surinés au creux de l’oreille dans une respiration haletante. Elle voulait que l’autre soit en accord enfin avec ses sentiments. Elle ne supportait plus les fausses excuses. Les séparations sous des excuses lamentables comme « ce n’est pas toi, c’est moi » ou encore « je t’aime mais je te quitte » ou bien « je t’aime comme un fou mais ce que tu as fait là, ça ne passe pas ». Elle estimait, peut être à tort mais c’était son droit, qu’elle aussi, elle avait droit aux passions des livres et des films. Elle aussi, elle voulait être l’objet de toutes les obsessions, le centre de toutes les pensées, la pierre angulaire de la vie de l’autre. Elle voulait qu’on lui compose des chansons, qu’on lui rédige des odes et des sonnets, qu’on invente des épopées et des légendes sur son nom. Elle voulait, elle aussi, être un personnage d’amour éternel et extrême.

Fonctionnaire (partie 10) – La semaine politichienne de Smig


Elle prit la route. Longtemps, vers nulle part, vers ailleurs. Le simple fait de ne pas avoir de but, de prendre le temps, de savoir que personne ne l’attendait nulle part rendait cette fuite légère. Elle partait et personne, pas même elle ne savait où. Il fallait qu’elle roule jusqu’à l’épuisement. Ce serait le sien ou celui de la voiture mais elle ne s’arrêterait que contrainte.


Les paysages défilaient. Elle s’était refusée à prendre l’autoroute puisque de toute façon, personne ne l’attendait vraiment. Elle eut un léger pincement au cœur en se rappelant toutes les personnes qui lui avaient fait confiance et qui s’apprêtaient à voter pour elle mais c’était déjà loin derrière elle. Les visages, les sourires s’estompaient déjà dans sa mémoire. Elle avait oublié tant de gens.


Elle avait oublié ses ex, ce qui ne changeait pas de d’habitude puisqu’elle les oubliait même quand elle était avec eux ; elle avait oublié sa famille, ce qui ne changeait pas de d’habitude puisqu’elle ne se souvenait même plus des noms de ses cousins et peut-être même de ses frères en y réfléchissant ; elle avait oublié ses amis parce qu’elle avait compris, enfin, que, eux aussi, l’oubliaient la plupart du temps. Plus rien ne l’empêchait réellement de voir si l’herbe serait plus verte ailleurs. Elle espérait trouver des sentiments qu’elle ne connaissait pas.


Elle voulait pouvoir se sentir heureuse, peut-être même épanouie, et sa petite vie de provinciale à la limite de l’aigreur n’avait plus de sens. S’il fallait partir un jour, autant que ce soit d’avoir vécu des choses exceptionnelles. Les villages défilaient après les forêts qui succédaient aux champs de blé et de maïs. Chaque fois qu’elle traversait un village, elle se forçait à marquer un arrêt devant l’église. Elle construisait son pèlerinage, son retour vers un dieu auquel elle ne croyait pas. Elle puisait dans chacun de ses arrêts, une source nouvelle d’énergie.


Elle laissait la musique beugler depuis son autoradio. Elle ne choisissait pas les morceaux. Le mode aléatoire permettait de tomber sur tout et n’importe quoi. De la guimauve italienne au gros son lourd du rap américain, tout passait parce que tout apportait une chose nouvelle. En réalité, elle n’écoutait pas le son, elle n’écoutait plus que la musique qui trottait dans sa tête. Cette chanson qui n’existait pas et qui revenait sans cesse en lui promettant qu’il y aurait quelque part ce monde meilleur qu’elle appelait de ses vœux.


Pendant des années, elle s’était interdit les petits plaisirs, les petits vices qu’elle rêvait d’accomplir en silence, seule, dans son coin. La peur des convenances, des habitudes néfastes, de bousculer un style de vie rangé qui lui avait permis d’être choisie pour représenter tous ces gens qui attendaient autre chose. Il lui fallait partir loin pour commencer à pousser les murs de sa propre prison.

Dans un village du milieu de nulle part, l’église sans fard et plutôt banale donnait sur un bar tabac ouvert en ce dimanche après-midi. Elle avait vaincu son premier signe de convenance. Elle s’était assise au bar et avait commandé un whisky. Depuis ses 20 ans, elle n’avait bu que du vin, du champagne et peut-être une bière. La première gorgée lui brûla l’œsophage mais cette sensation lui plut. Elle se faisait du mal et finalement elle aimait ça.

Elle mit quelques instants à digérer le choc de cette gorgée de vie pure qu’elle venait d’avaler. Sans contrôler, sans comprendre, elle commanda un paquet de cigarettes et un briquet. La dernière fois qu’elle avait fumé, elle avait vomi et s’était promis de ne jamais recommencer. Encore une de ces promesses ridicules qu’on fait en sachant qu’elles ne tiendront pas mais sur le moment, on s’auto-persuade d’une réussite.

Elle sortit et resta sur le pas de la porte de l’établissement. Elle ouvrit le paquet et en sortit une cigarette. Elle avait demandé un paquet d’une marque d’un de ses ex dont d’ailleurs elle avait oublié le nom mais elle se souvenait qu’elle avait, pour une fois, trouver l’odeur du tabac chaud de cette marque beaucoup plus agréable que les autres. C’était d’ailleurs la seule chose dont elle se souvenait le concernant. Ses cigarettes sentaient bon.

Elle mit la cigarette à sa bouche et l’alluma. Elle n’avait aucune idée de la manière dont il fallait fumer, à quel moment inspirer, aspirer, avaler, recracher mais elle pensait que son corps répondrait instinctivement. Il répondit.

La première bouffée eut l’effet d’un uppercut. Un immense boxeur noir tout en muscle était subitement apparu devant elle et lui avait asséné un coup quasi fatal. Il était noir parce que la seule représentation qu’elle avait d’un boxeur qui fait mal était un boxeur qu’elle voyait dans sa jeunesse et qui littéralement se ruait sur ses adversaires sans laisser la moindre chance de résistance.

Lorsqu’elle reprit véritablement conscience, elle était assise sur le pas de la porte du bar. Trempée de sueur, vaseuse, les yeux hagards, elle regardait l’église face à elle. Personne ne semblait avoir vu sa chute et surtout, personne ne semblait avoir vu le boxeur noir tout en muscle surgir de nulle part au milieu de ce village lui aussi au milieu de nulle part.

Fonctionnaires (partie 9) – La semaine politichienne de Smig

Il n’était pas facile de changer de voie, de changer de vie. Elle sentait sur elle le poids d’une pression inconnue. Le poids insupportable des attentes venues d’ailleurs, venues des autres. Plus fortes encore que les concours, les diplômes, il s’agissait là de l’examen de sa vie. Elle ne savait pas quoi faire finalement. Elle s’habilla. Elle ne savait pas trop ce qu’elle allait faire pour fuir cette vague de mélancolie qui la submergeait.

Il n’était pas si facile de partir, de tout quitter, pour tenter autre chose, ailleurs. Elle sortit de chez elle sans trop savoir où tout cela la mènerait mais elle suivait désormais ses intuitions. Son rêve d’absolu s’achevait en fait. Elle emportait avec elle sa mélancolie, loin. Une tristesse venue de nulle part et qu’elle ne savait pas maîtriser, comme si elle savait concrètement que quoiqu’elle fasse, quoiqu’il se passe, elle ne changerait rien. Elle ne construirait pas ce monde meilleur qu’elle avait rêvé et construit des centaines de fois, des dizaines de nuits sans sommeil.

Il n’était pas si facile de penser changer le monde et constater l’échec. De partir et ensuite mourir dans une autre vie, une autre situation. Il lui aurait fallu changer toutes ses habitudes, changer de nom, changer de profession mais cela demandait tellement d’efforts de construire ce monde meilleur. Mais elle voulait se croire libre même si cela coûtait cher, très cher. Elle voulait croire que tout était possible que tout pouvait se construire autour de ce monde meilleur.

Il n’était pas si facile de traverser la rue au milieu du vacarme et des accidents, des accrochages et des insultes. Quelques regrets, quelques souvenirs retenaient toujours à l’endroit de départ mais elle savait maintenant que le monde meilleur ne se construirait pas sur les ruines du précédent. Il fallait reconstruire, faire à nouveau. C’était l’heure de partir, elle venait de sonner et plus rien ne servait de revenir en arrière. Ce jour devait être celui de sa gloire, il sera finalement celui de son départ.

Elle s’était mis du rouge sur les joues et du rouge sur les lèvres pour se convaincre qu’elle était une nouvelle elle. Elle ne voulait pas d’un retour, il lui fallait partir et comprendre que c’était la fin.
Il n’était pas si facile de finalement croire que ce monde meilleur, finalement existerait alors qu’elle avait passé sa vie à subir celui-ci. Le sens de sa vie n’avait été jusqu’ici qu’une répétition permanente. Une boucle sans fin. Mais aujourd’hui, plus fort qu’elle, la boucle venait de se rompre. Elle avait mis ses plus beaux bijoux et son parfum le plus cher pour rompre les habitudes, les routines pour enfin croire qu’il puisse exister ce monde meilleur.

Elle entra dans son parking. Tout était calme, silencieux, paisible. Le néon clignotait comme font tous les néons de tous les récits. Les voitures étaient parfaitement alignées comme une allégorie de cette vie si rangée, si propre, si cadrée. Chacune posée dans son espace prévu et délimité, sans jamais mordre sur les lignes, sans jamais dépasser, en attente. Elle entra dans sa voiture qu’elle utilisait si peu mais il fallait en avoir une comme une évidence d’un mode de vie qui n’était pas le sien mais aujourd’hui, cette voiture devenait l’outil indispensable à sa liberté parce qu’elle voulait enfin essayer d’être libre même si elle savait que ça coûterait cher.

Elle avait mis sa plus belle robe comme pour se sentir irrésistible, inattaquable par ce nouveau monde qu’elle allait affronter et dans lequel elle entrait de plein pied. Elle démarra, ouvrit en grand les fenêtres avant, et lança la musique aussi fort que ses enceintes pouvaient supporter. Ce qu’elle s’était toujours interdit de faire commençait par ça. Libérée de ses chaînes, elle oubliait ce qu’il restait d’elle. Elle jeta son téléphone qui se fracassa contre le mur. Rompre avec cette vie qu’elle estimait ratée et se lancer à corps perdu dans l’inconnu, dans ce monde meilleur.

Fonctionnaires (partie 8) – La semaine politichienne de Smig

Comme toutes les personnes qui s’empressent d’écrire: « Sources? » sur la moindre publication, sur les réseaux sociaux, parce qu’incapables de se comporter en adultes et de chercher, par eux-mêmes, les preuves ou les contre arguments d’un exposé; comme toutes les personnes qui s’empressent de voter et de voter pour éviter le pire en plébiscitant le plus mauvais, elle éprouvait le besoin d’être maternée, d’être guidée, d’être dirigée.

Aujourd’hui, elle devait faire le tour de tous les bureaux de vote de sa ville. Serrer des mains et sourire, surtout sourire et sourire encore. Se sentir confiante et montrer cette confiance pour qu’elle se diffuse sur tous les autres alors que le cœur bat beaucoup plus vite, beaucoup trop vite, alors que les mains sont moites, trop moites, alors que le corps tremble et que le cerveau dérive en permanence.

Vouloir surveiller les résultats mais ne pas vouloir les voir. Chercher le réconfort dans les yeux des inconnus, dans les attitudes des partisans et les sueurs des opposants et en réalité, ne rien savoir, ne rien comprendre tant le corps est déconnecté du cerveau, tant l’esprit est ailleurs.

La journée commença avant les aurores. Il n’y eut pas de petit déjeuner. L’estomac était noué, la gorge trop sèche. Quelle idée de se lancer dans cette aventure et maintenant que l’échéance approchait, se précisait, s’intensifiait, elle perdait ses repères. Elle resta figée un long moment à regarder par la fenêtre, le brouillard de la matinée se lever. Les nappes de fils blanchâtres se fondaient progressivement dans les rayons du soleil.

Malgré toutes les émotions contradictoires qui se profilaient, la journée serait belle. Les bruits de la nature apparaissaient, eux aussi. Entre les oiseaux qui brisaient le silence par leurs chants et les différents animaux domestiques qui, eux aussi, signifiaient au monde qu’ils étaient encore vivants, elle comprit que cette journée marquerait un tournant.

Rien, pour elle, ne serait plus jamais comme avant. Quelque soit le résultat, aujourd’hui, elle devenait une notable de cette ville, une figure référente, une voix qui compte. Elle représenterait une foule, une masse, un collectif. Elle ne serait plus jamais seule à penser et à dire ce qui lui pèse sur la vie de sa ville.

Une part d’elle avait encore envie de croire cela mais la partie raisonnable qui lui restait, savait, depuis toujours, qu’il n’en était rien. Elle ne représenterait personne et, finalement, même pas elle même. Cette campagne au milieu de la ville, des immeubles et des rues lui avait clairement signifié que peu de personnes restaient sensibles à la parole politique. Elle avait essayé de séduire, de plaire, de parler des choses qui excitent les gens mais en réalité, elle parlait déjà, comme tous les autres, de choses qui n’excitaient qu’elle.

Elle avait cru que le fait d’être élue, désignée, ferait d’elle une personne placée au dessus de la masse, une sorte de divinité, supérieure, forcément supérieure et qui apporterait une parole qui compte double. Toutes les images et les discours lui revinrent alors en mémoire et elle se dit qu’elle ne voterait sans doute pas pour elle.

Elle trouvait détestable cette apparatchik du pouvoir qu’elle était devenue alors qu’elle n’espérait qu’être édile de son fief. Elle espérait que ses vassaux ne seraient pas, aujourd’hui, assaillis par les mêmes doutes qu’elle et que son bastion tiendrait bon face aux flèches des ennemis mais elle sentit que tout cela était vain.

La bataille était déjà perdue parce qu’elle savait qu’elle était, malgré tout, restée aussi inutile qu’elle l’était auparavant. Rien n’avait changé. Elle était seule et elle le resterait, quelque soit le résultat. Elle n’avait pas la grandeur d’âme, la noblesse, la dignité qui construisent les grands de ce monde. Elle n’était qu’une femme ordinaire, aussi ordinaire que tous les autres élus du pays parce que ce n’était pas la grandeur des autres qui la poussaient vers ce sacre mais bien, la seule volonté de voir rayonner sa propre lumière.

Ce matin, dans cette lumière entre chiens et loups, dans cette ville entre bourg et métropole, dans cet instant de sa vie, entre l’âge de raison et l’âge du repos mérité, elle comprit qu’elle avait voulu être monarque mais, que, en réalité, tous les monarques ne sont pas nobles.

Fonctionnaires (partie 7) – La semaine politichienne de Smig

Elle avait des idées sur tous les sujets. A force de se taire et de se cacher d’être elle, elle avait enrichi son intérieur de toutes les objections qu’elle pouvait. Elle remettait en cause toutes les anciennes mesures municipales. Les trouvant toujours trop sages ou insuffisamment courageuses.

Elle voulait de la démocratie directe parce qu’elle avait trop souffert de se taire face à l’horizontalité du pouvoir. Elle voulait accompagner les seniors et guider les plus jeunes, mettre des espaces verts partout et donner un logement et un emploi à tous. Elle voulait changer le monde par le prisme de la mairie de sa petite commune. Elle croyait encore aux bienfaits de la politique, à l’utilité de la politique telle qu’elle se pratique. Elle croyait aux discours, surtout si les gestes et les actes se joignaient à eux.

Elle avait des idées pour tout, des objections pour tous et des explications pour tous les autres. Elle était partout comme poussée par une euphorie qui en fait n’était même pas la sienne. Elle s’était retrouvée là parce que personne ne voulait y aller comme toujours dans sa vie depuis le début. Elle voulait croire que c’était un choix, une sorte de mission venue d’en haut alors elle arpentait les marchés, elle serrait des mains et claquait des bises à des inconnus.

Elle devait avoir réponse à tout ce qui fait une commune sans jamais avouer qu’elle n’en savait rien. Il fallait être irréprochable sur tout, tout le temps et avoir des réponses satisfaisantes sur le terrain de foot du quartier nord comme sur les terres en permaculture de la butte aux merles, des idées pertinentes sur le réseau d’eau potable et celui des bus, et des révolutions en fiscalité et en commerce équitable. Elle travailla comme jamais.

Les concours de la fonction publique, les examens universitaires, les accouchements qu’elle avait fini par oublier, tout lui parut plus aisé que cette épreuve. Elle savait que ce n’était pas vrai mais la panoplie de la difficulté à conquérir un pouvoir illusoire allait bien au teint des candidats. Faire croire qu’on est Droopy à force de nuits blanches avec les cernes jusqu’aux genoux du voisin rendait crédible un candidat construit à la va vite dans la salle du fond du bar des artistes de la place de la résistance.

Elle finit par croire en ses chances parce qu’on lui disait d’y croire. Elle entendit pendant des semaines qu’elle était de loin la meilleure. Elle savait que c’était faux mais comme personne ne lui avait jamais dit auparavant, cela regonfla son ego en berne. Il y a quelques mois, elle parlait à son chat d’en finir avec tout et à son poisson rouge des courses à faire pour continuer d’être dans le système.

Elle méprisait finalement ses collègues qu’elle trouvait suiveur, pleutre et lâche et auxquels elle n’arrivait pourtant pas à se dissocier puisqu’elle était jusqu’à maintenant aussi lâche et pleutre et faible qu’eux. Elle méprisait parce qu’elles étaient comme eux. Elle se plaignait de tout, en permanence mais elle n’avait jamais pu décrocher. Ce n’est pas l’amour des élèves ou du métier, c’est seulement ce travail de longue haleine, pernicieux, d’un monde en fin de vie qui fait croire à tous qu’ils ne sauraient faire autre chose que ce pour quoi ils auraient été destinés.

Aujourd’hui, elle avait la chance que tous les autres attendent et n’ont jamais de devenir quelqu’un d’autre, de faire autre chose et de se sentir utile enfin ou à nouveau parce que cela faisait tellement longtemps qu’elle ne se sentait plus vivante alors que comme chaque être humain, elle avait besoin de cette essence et de cette énergie vitale.

Le pangolin viendra t’il a bout de l’ordolibéralisme? – La semaine politichienne de Smig

 

Il faut toujours voir le positif ou au moins essayer. Plusieurs petites choses se mettent en place qui montrent qu’il est possible d’avancer, quand, enfin, il y a un cap. Il est juste dommage de s’apercevoir que ce cap a été imposé par une vengeance divine (Je déconne!!!! Dieu n’est pas une chauve souris ou un paragaoulin, je ne sais pas quoi, je ne savais même pas que cette bestiole existait avant qu’elle ne nous tue tous).

Désormais, les personnes âgées de plus de 70 ans sont invitées à faire leurs courses entre 8 heures et 8 heures 30. Mesure à conserver et à encourager pour éviter de se prendre la tête avec les papys et mamies qui stationnent, apprêtés comme jamais, le samedi, à 10 heures, dans les allées des supermarchés à raconter d’improbables aventures pendant que nous attendons désespérément que leurs appareils auditifs fonctionnent à nouveau et leur permettent enfin d’entendre nos raclements de gorge et nos plus plates excuses de demander pardon de déranger pour juste attraper la bouteille de Hot Ketchup, la dernière, comme le groupe bidon espagnol du début des années 2000.

Les fabuleux politiciens qui ne juraient que par la mondialisation à outrance, les délocalisations et l’UE s’aperçoivent que, quand même, il y a quelques menus soucis à tout produire, à l’autre bout du monde, dans des conditions hallucinantes d’hygiène, de droit du travail et de sécurité en nous faisant crever ici en détruisant nos emplois mais en nous obligeant à consommer.

Là encore, le paradoxe du trou du cul… Faut pas sortir mais aller bosser, faut consommer mais vos emplois et vos salaires sont partis ailleurs.

Ces mêmes politiciens qui juraient que les frontières n’existent plus et qui s’empressent de les fermer, maintenant qu’il est trop tard.

On sait définitivement que les français se foutent totalement des injonctions gouvernementales. On est au stade 3. Il faut faire gaffe, sa mère, mais il faut voter..; Epicetou… Donc, c’est toujours le dernier qui a parlé et qui a raison. Et comme nous sommes dirigés par une bande de tdc, bah le dernier des tdc à parler est souvent le roi des tdc.

Ainsi, le premier ministre, dont personne ne retient le nom, pas même lui, Jacques Michel… Henry Claude… Marcel Etienne… (Bon, je ne sais plus mais ça n’est pas grave, sa seule chance de rentrer dans l’histoire étant d’organiser un génocide de masse et même pour ça, il est nul) fait une conférence de presse, avec des trémolos dans la voix et la barbe (alors qu’il est aussi candidat à une élection le lendemain, jdcjdr) pour nous dire qu’on est juste des trous du cul, pas civilisés, pas civiques et qu’il nous emmerde. Pour le dernier truc, il ne l’a pas dit mais on le sait.

Donc, ce Jean Foutre (c’est un pote à moi que j’aime bien charrier), ce matin, va voter, en roulant des galoches aux assesseurs (ou ascenseurs, enfin les gars qui sont assis et qui disent à voter pour se tenir éveillés entre eux). En gros, vendredi, on va tous mourir parce qu’on est trop con et dimanche, vous êtes tous morts parce qu’il faut absolument que je sois maire du Havre parce que ça commence à sévèrement puer du cul pour ma tronche.

Ensuite, on s’aperçoit qu’un grand nombre des bullshit jobs de ce pays peuvent se faire, sans trop de complications, depuis le domicile. Une sorte de théorie de Friot allégée. Avec deux ou trois aménagements pertinents, le télétravail devient la solution à la fin du monde capitaliste.

Dans la plupart des zones ultra polluées du monde, la crise du pangolain à courtes pattes, a drastiquement fait chuter le taux de pollution dans l’air.

Si un jour, on se sort vivant de toute cette saloperie, se dire qu’on devrait reproduire dans nos pays, en cultivant nos savoirs faire, que des horaires aménagés pour certaines activités permettent de fludifier les trafics, que certains emplois ne nécessitent pas de déplacements permanents, que le pq est une denrée rare, que l’ue ne sert à rien, que les frontières, parfois, ça n’est pas déconnant, que le capitalisme n’est pas une solution viable pour le plus grand nombre… enfin, toutes ces choses que les gens qui vivent à une hauteur humaine savent déjà depuis longtemps mais que toutes les personnes qui vivent le cul au huitième étage et la tête dans les étoiles feignent d’ignorer pour se gaver sur le dos des tondus… Mais, peut être que le pangolin chauve souris de Wuhan apporte la dispersion des étoiles comme le chantent les italiens dans le nessun dorma, sur les balcons ou en avion….

Dilegua, o notte! Tramontate, stelle! Tramontate, stelle! All’alba, vincero!

Dissipe-toi, ô nuit! Dispersez-vous, les étoiles! Dispersez-vous, étoiles! à l’aube, je vaincrai!

16.48 Les Sables d’Olonne, le 15.03.2020 – La semaine politichienne de Smig

Les premiers éclats de soleil du printemps arrivent sur le pays. Ils laissent espérer un printemps lumineux et ensoleillé.

Cette station balnéaire défigurée par la folie architecturale des années 70 n’échappent pas à ce renouveau des forces de la nature.

Depuis maintenant une trentaine d’années, cette bourgade de pêcheurs s’est transformée en cité dortoir de luxe pour retraités aisés, anciens cadres sup ou cadres moyens d’ entreprises cotées de la région parisienne;

En même temps que le prix de l’immobilier explosait, la moyenne d’age des habitants suivait la même courbe pour donner un gout d’EPHAD au remblai (l’avenue piétonne qui longe l’une des plus grandes plages d’Europe).

Contraint par des obligations familiales, sur lesquelles je ne m’épancherais pas, à effectuer un bref passage dans cette cité aux deux casinos, je m’attendais à même trouver une place pour me garer et contempler quelques instants la mer….

Idiot que je suis….

Dans une ville qui dépasse les 60 ans de moyenne d’age, dans une situation de confinement ou, en tout cas, dans un moment critique pour les personnes vulnérables, j’ai assisté, sans sortir de ma voiture, à une sorte de 14 juillet.

Du monde partout, dans toutes les rues et à tous les moments. Du cheveu blanc, du rondouillard, du palot..; Du gens qu’il va falloir sauver dans quelques jours de troubles pulmonaires. Des queues devant les bureaux de vote entre déambulateurs et bâtons de ski pour la marche norvégienne ou suédoise ou islandaise, enfin le truc ou on marche en faisant du ski.

Alors, sans doute que mon italianité m’incite à exagérer les causes et les effets, mais de là à partir en goguette, à 75 piges, au milieu de la foule, pendant une épidémie pandémique… je m’interroge.

Il ne me reste plus qu’à être d’accord avec Oscar Alain, notre premier ministre qui n’en rate pas une non plus mais qui, là, a raison:  » Moi le premier, je suis comme les français, je ne suis ni civique, ni citoyen, ni je ne sais quoi… » En gros, je suis un gros con mais les français encore plus.

Et franchement, qu’une bande de vieux qui ont tout eu et tout détruit m’oblige à être d’accord avec un mec qui n’a même pas choisi la couleur officielle de sa barbe, c’est gênant.

On a donc eu, en deux jours, deux clowns et une tripotée de ministres, secrétaires d’état, médecins, journaleux qui ont dit : « Les gars, faisez gaffe oh! »

On a un gouvernement qui ferme, de facto, des commerces comme si c’était la rigolade. Un gouvernement qui refuse la moindre once de populisme (ce truc qui vient du peuple) et qui se retrouve contraint de fermer les frontières. Et, en face, on a des vieux qui font du ski sur les bords de mer et qui votent.

Conclusion: On peut toujours espérer que c’était une erreur, une faute de l’histoire, un mépris du destin mais en fait, non… Si on a des abrutis indignes déconnectés hallucinants européistes comme gouvernants, c’est uniquement parce qu’il y a davantage d’abrutis dans ce pays, que de conducteurs de voiture en quête de place pour se garer et rongé par les remords d’être obligé de sortir…

 

Fonctionnaires (partie 6) – La semaine politichienne de Smig

Alors elle comprit que, pour tous, elle valait davantage morte que vivante. Ce qu’elle apportait à la société, ou ce qu’elle croyait apporter, allait être informatisé ou géré par de l’intelligence artificielle. Elle avait choisi cette voie professionnelle à cause de l’humain. Être en contact avec des apprenants, être gérée par des humains, avec un vrai esprit de réussite et de bienveillance. Elle se faisait un devoir de choyer cette relation pour qu’elle devienne un inaccessible rêve. Elle était venue avec ce type de préjugés et puis… Les élèves étaient de moins en moins humains et de plus en plus des consommateurs. Les parents entraient dans la boucle comme des vérificateurs de travaux finis sans avoir la moindre connaissance de l’état des fondations et la hiérarchie n’était plus qu’un monstre froid, obsolète et inhumain. Une machine de destruction massive. À force de situations destructrices, la motivation avait disparu et le sens du métier, mort dans des souvenirs d’une école d’une autre époque.

Elle sentait confusément que son rôle dans ce monde ne relevait plus d’une obligation. Chaque jour lui montrait que sa place se résumait à un numéro dans des colonnes de fichiers excel, dans d’obscures listings de banques ou d’assurances, d’inspection académique ou de service public. Personne ne la connaissait plus vraiment et l’indifférence polie de tous ceux qui lui soutiraient de l’argent, ne pouvait constituer un quelconque soulagement. Evidemment, eux, ne l’oubliaient et ne l’avaient jamais oubliée lorsqu’il avait fallu payer ou recevoir un nouveau décompte des droits à la retraite qui, forcément, invitait à poursuivre la torture du travail quelques années encore alors qu’elle pensait la fin proche.

Plus les jours avançaient, plus les années passaient, plus les élèves défilaient et plus la pesanteur de ce métier appuyait sur ses frêles épaules. Pourtant, elle se demandait souvent ce qu’elle ferait quand tout cela serait enfin terminé. Quand elle serait libre de ses mouvements. Pauvre fatalement, seule forcément mais libre factuellement. Comme toutes les personnes de son age, elle était née trop tard pour profiter de tous les avantages de droits sociaux bienfaiteurs et née trop mal pour profiter de fortunes usurpées. Elle devrait, toute sa vie, se satisfaire d’un niveau de vie de fonctionnaire et, pour tout respectable soit il, bien en deçà de ses rêves et de ses envies. Elle se consolait, comme beaucoup, en se disant qu’elle n’était qu’une de plus parmi la multitude à vivre cette vie là, oubliant qu’une infime minorité vivait ce qu’elle rêvait de vivre et que cette minorité n’avait rien fait pour mériter tout cela. Elle était résignée, comme beaucoup. Elle avait accepté, selon des critères non définis, qu’il existe des riches et des pauvres, des nantis et des gueux, des aisés et des délaissés. C’est cette acceptation d’une vie qui finalement n’était pas la sienne qui voilait et gâchait ce qui lui restait d’existence. Elle avait accepté de n’être que cette petite fonctionnaire surdiplômée, sous payée, maltraitée et oubliée parce que d’autres, souvent moins valables qu’elle, l’avaient décidé ainsi, selon des règles qu’ils avaient définies sans jamais en référer aux victimes.

Et puis, un jour, parce qu’il faut toujours qu’il y ait un jour qui succède à la nuit, après des années enfermée dans ce tunnel de vie routinier, dans ce vide personnel qu’elle croyait plein, elle reçut la proposition qui allait changer sa vie. Elle allait pouvoir s’investir et changer le monde. Contribuer, comme elle l’avait toujours rêvé, à faire de cette vie, une vie utile, marquante et inspiratrice. On l’avait sollicitée à participer à la vie de la cité, à s’inscrire dans un projet durable et à long terme. Pour n’importe qui d’éveillé, il s’agirait là d’une plaisanterie, d’une vague utopie qui s’apparenterait davantage à une fabuleuse moquerie mais elle y crut. Elle s’investit au delà de toute raison. Son chat ne la voyait plus qu’entre deux portes mal fermées. Ses cours devenaient, de plus en plus, des récitations linéaires et fades alors qu’elle avait toujours été à la pointe de l’innovation pédagogique, avec des ateliers super chiadés, des évaluations extrêmement bien balisées, un suivi permanent et pertinent. Elle était le modèle de toute pédagogie nouvelle formule, citée en exemple dans les écoles d’enseignants et par les collègues de langues. Toutefois, cette reconnaissance avait fait d’elle une candidate idéale de sa ville. Toujours gentille, abordable, souriante et reconnue pour sa compétence, une perle dans l’océan de l’indignité. Elle résista un peu mais devant l’insistance et l’urgence de sauver son cadre de vie, elle accepta de partir au combat. Un peu la fleur au fusil, un peu poussée par le monde qui s’effondre et surtout par cette énergie soudaine de se sentir enfin vivante à nouveau. Elle avait des envies, des projets, des objectifs mais des vrais, pas de ceux qui consistent à mener des élèves qu’on considère toute l’année comme déficients vers un diplôme désormais sans valeur et sans sens. Elle se sentait à nouveau vivante, vivre, en vie, envie et ça n’avait pas de prix à ses yeux. Elle serait candidate à la mairie et rien que ça, ça changeait sa vie.