Acte 2

Second temps non négociable, une véritable politique concernant l’UE. 2005 a prouvé que les français pouvaient s’intéresser à la question européenne mais que encore une fois, la fameuse démocratie représentative a balayé d’un haussement de menton la parole populaire. Evidemment, pour moi, le rêve serait une sortie inconditionnelle de ce machin mais on ne peut se prévaloir de démocratie d’un côté et imposer une décision de l’autre. A moins donc d’un référendum faisait office de loi applicable et non négociable sur le sujet, je ne m’amuserais peut être même pas cette fois à lire les promesses électorales des uns et des autres qui n’engagent que ceux qui encore croient ces bonimenteurs.
Mise en place d’une véritable démocratie (c’est-à-dire voter les lois impactantes au quotidien) et mise en place au minimum d’un référendum sur la question de l’UE avec une vraie campagne pédagogique et non idéologique sont les deux préalables indispensables et qui conditionnent clairement tous les autres sujets. L’environnement, le social, le sécuritaire, l’immigration, la laïcité, l’économie, le militaire, l’éducation, la santé, la formation, la famille, la ville, le plan, l’agriculture, le chômage, la retraite, la politique sportive, égalitaire ne sont que des domaines, selon moi secondaires et qui seraient seulement discutable dans une perspective où les citoyens seraient concernés de part leur vote et leur prise de position et dans une perspective où ces mêmes citoyens auraient décidé d’eux-mêmes si les décisions supra nationales devaient continuer à l’être.
On peut bien sûr m’objecter que les sujets cités sont plus importants. Evidemment. Pour moi, les deux thématiques que je mets en avant sont les points de départ d’un traitement es autres points. On peut vouloir lutter contre le réchauffement climatique, et à l’exception de quelques illuminés, tout le monde est plutôt d’accord sur la nécessité écologique mais une vraie politique écologique passe par la fin du lobbying, la mise en place de lois et de règles contraignantes mais acceptées et voulues par tous et non imposées par certains sans visée pédagogique. On peut même croire que les citoyens sont suffisamment intelligents pour comprendre une obligation de réforme de la retraite ou du chômage ou de je ne sais quoi si cette obligation est expliquée, si elle est adoptée avec concertation, si elle est amendable en cas d’échec, si elle est discutée et discutable. Or aujourd’hui, cela n’existe pas et c’est l’une des raisons des multiples refus de réformes. Les français, comme d’autres, ne sont pas contre les réformes. Ils sont contre les obligations, les diktats, les impositions. En discutant, on arrivera à davantage de consensus et davantage d’implication mais pour que des personnes privilégiant leurs postes à l’intérêt général comprennent enfin ce genre de choses, je pense que nous ne serons plus ici pour le voir.
On peut encore me rétorquer que si les citoyens décidaient de leur gestion, ils remettraient en place la peine de mort, la fin de l’immigration ou je ne sais quelle autre saloperie. Evidemment, je serai plutôt contre mais s’il s’agit de la volonté du plus grand nombre, il faut l’accepter. Aujourd’hui, les décisions sont prises par un petit nombre concernant le plus grand nombre et les imposent. Si demain, le vote populaire décide de remettre en place la peine de mort, je suis en droit de quitter le pays, de m’y opposer pacifiquement, de lutter contre sans être à tour de rôle affublé de sobriquets tels que fachos ou gauchos, racistes ou suceur de babouches.
L’an prochain je ne voterais donc pas pour les partis pro UE, ce qui fait que je ne voterais pour personne et pour être bien sûr que je ne voterais pas, je ne voterais pas pour un parti qui considère la république et donc l’élection de maitres comme ne obligation en prétendant qu’il s’agit de la démocratie mais une démocratie sans le peuple. Ni Mélenchon, ni Le Pen, ni Macron, ni Bertrand, puisque tous républicains et tous pro UE. Inutiles dès lors de venir m’expliquer les vertus d’un programme inapplicable, aucun parti aujourd’hui ne répond à mes désirs d’égalité, de justice, de liberté, de paix.
Pour finir, l’abstention est aujourd’hui, le seul véritable geste politique de contestation selon moi. Voter pour des gens qui ne prennent jamais en compte la parole populaire, c’est clairement se soumettre. C’est d’autant plus risible de se considérer insoumis dans ce cadre mais ça n’est pas la seule contradiction. De très loin, aujourd’hui, les abstentionnistes sont pour beaucoup, plus politisés que les votants, plus au fait des enjeux que les votants. Les votants votent par tradition, par reflexe, par paresse intellectuelle et réflexive et certains, encore, quelques uns votent par conviction. Des convictions de soumission à l’UE et des convictions de soumission à une pseudo élite totalement déconnectée et méprisable. Ce n’est qu’une piste mais plutôt que de pleurer une fois par an environ sur les taux hallucinants de l’abstention et sur des députés élus avec 15% des voies des inscrits ou des présidents de régions avec moins de 10%, il serait temps de remettre les individus au centre de la politique et de laisser enfin les citoyens participer aux décisions qui les concernent.

Acte 1

J’avais, durant ma pénitence Facebookienne, écrit quelques bafouilles que j’envisageais de divulguer et puis… Finalement, le constat aurait été le même. Rien ne change et rien ne changera. Que ce soit d’un côté ou de l’autre, les fanatiques soumis hurlent, avec les loups, la nécessité du vote. A l’exception de quelques occasions où je me déplace parce que j’ai encore des connaissances qui croient en la politique politicienne non démocratique actuelle et qui se présentent et que donc, par amitié, je soutiens, je ne vote plus.
Ainsi, il est acté pour moi que je ne voterais pas aux présidentielles. Ou plutôt je voterais pour le candidat qui mettra dans son programme deux éléments essentiels et je suis tranquille, ça n’arrivera jamais. Outre les préoccupations sociales et environnementales dont tous les candidats se targueront, la nécessité d’une véritable mise en place de la démocratie sera un préalable non négociable. Par démocratie, évidemment, je n’entends pas cette supercherie républicaine qu’on nous vend depuis bientôt un siècle en appelant cela démocratie, alors qu’elle n’est qu’un carcan, peut être plus dur encore, que les régimes totalitaires qu’il nous plait de haïr.
Tout le monde le sait mais tout le monde fait comme si cela était normal. La république n’est pas la démocratie et l’inverse encore moins. Je ne suis pas républicain. Je n’ai pas besoin d’avoir un inconnu qui me représente dans quoique ce soit pour, en plus, le plus souvent, ne pas me représenter selon mes envies et intérêts. Tant que nous serons dans ce système représentatif, il n’est même pas tolérable de parler de démocratie.
Premier temps donc, la mise en place d’un véritable système démocratique, à savoir que les décisions qui impliquent véritablement la vie des gens soient des décisions collégiales et non des décisions posées par quelques personnes élues à 20% au maximum quand elles ne sont pas élues comme les ministres. A quel moment ai-je accordé un mandat à Darmanin ou plus encore à Dupont Moretti ? De quel droit ces personnes prennent elles des décisions qui impactent ma vie, ma sécurité, ma morale, mes finances sans que je sois consulté ? Certains appellent cela la démocratie. J’appelle cela infantilisation ou pire encore, mais la décence et la menace Fb m’empêchent de dire tout ce que je pense. Premier temps donc, la mise en place d’un système démocratique efficient qui concernerait enfin les citoyens et non plus exclusivement une élite déconnectée et qui n’a d’élite que le nom qu’elle s’est elle-même octroyée.

La guerre d’Algérie et le rapport Stora – par Cyril Garcia & Omar Gousmi

 

Fin janvier, l’historien Benjamin Stora a remis à Emmanuel Macron son rapport sur « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ». Fin mars, lors d’un Mercredi de la NAR sur ce thème, nous avons reçu Cyril Garcia, professeur d’Histoire et Géographie et Omar Gousmi. Tous deux ont une connaissance approfondie du Maghreb. Nos deux invités nous proposent un compte rendu de cette conférence.

La première question qui se pose est celle du sens de cette démarche. Il est légitime en effet de s’interroger sur les motivations du Président français à demander ce genre de travail : à un an des échéances présidentielles, il semble évident qu’il y a des arrière-pensées à l’attention d’un électorat traditionnellement abstentionniste ou éventuellement de gauche, dans la perspective d’un second tour face à Marine Le Pen. Souhaité par Emmanuel Macron et complaisamment scénarisé par les médias, il pourrait toutefois être plus incertain que le précédent. On peut donc imaginer qu’après les dernières polémiques autour de l’islam et du communautarisme, les stratèges politiques de Macron souhaitent lui attirer les faveurs de l’électorat d’origine algérienne : il y a aujourd’hui en France environ 7 millions de personnes de nationalité algérienne ou d’origine algérienne, dont une grande part dispose du droit de vote.

Repentance et bouc-émissaire

Côté français, depuis la présidence de Jacques Chirac et le discours du Vel d’Hiv, il y a une volonté très marquée chez les Présidents de la République de légiférer sur l’histoire. Depuis qu’ils ne la font plus, les chefs d’État l’interprètent, cherchent même à la modifier en prétendant la rétablir, voire à la réécrire. Emmanuel Macron, par son âge, est le premier Président à n’avoir aucun lien, ni personnel, ni politique, ni familial avec le conflit : Jacques Chirac a été un courageux soldat dans l’Orannais, le père de François Hollande était pro-Algérie française et Nicolas Sarkozy a dû composer avec l’électorat Pied-Noir, notamment dans le Sud-est, comme l’a montré sa proposition de légiférer sur les bienfaits de la colonisation. Emmanuel Macron s’inscrit dans la continuité de cette « repentance » et souhaite incarner une génération, qui, à l’instar de celle des années 50 et des relations franco-allemandes, réconcilierait les deux rives de la Méditerranée. C’est oublier que les acteurs et les conflits sont totalement différents et ne s’inscrivent pas du tout dans la même Histoire. De plus, la plupart des acteurs et témoins « dans leur chair et leur vécu mémoriel » de cette guerre ont disparu, d’un côté comme de l’autre, et leurs descendants respectifs ne peuvent avoir la même réceptivité. Cette repentance factice et victimaire ne trouve donc plus personne à satisfaire.

Côté algérien, Tebboune, l’auto proclamé président algérien, continue, tout comme ses prédécesseurs, à prétendre souhaiter la paix tout en exigeant des excuses et une repentance unilatérales. Cet ancien maquisard est le prototype parfait du haut-fonctionnaire élevé au lait FLN qui, sans jamais critiquer le bilan des élites algériennes depuis 1962, cherche systématiquement à expliquer que les maux du pays sont dus à la colonisation française. Les Moudjahidins, jadis puissants, ont toujours soutenu le pouvoir en place, même durant la guerre civile. Ils sont écoutés et respectés, mais ne représentent pas, et de loin, tous les anciens combattants dont beaucoup, notamment en Kabylie ou dans les Aurès, ont été combattus par Alger dès 1963. Certains cadres comme Si Azzedine n’ont jamais exprimé la moindre critique envers la France. Les jeunes de l’Hirak, souvent francophiles, ont depuis longtemps repéré la ficelle grossière du bouc-émissaire. Enfin, la société civile, ainsi que la diaspora, formatées par l’histoire officielle, continuent à soutenir les discours francophobes du pouvoir tout en rêvant d’un visa pour la France. Une schizophrénie à l’image du grand écart pratiqué par les différentes politiques des deux pays depuis des décennies. Il ne faudra donc pas attendre de la part d’Alger et de la majorité des Algériens une quelconque complaisance pour un rapport qu’ils n’ont par ailleurs pas demandé.

On se trouve donc une situation qui montre des critiques des deux côtés de la Méditerranée où ce rapport est vivement critiqué. Il était biaisé dés le départ car basé uniquement sur une demande de Paris. Benjamin Stora, aussi impartial que soit son travail, a une image de gauche marquée au sceau du trotskysme et de l’anticolonialisme. Sa nomination au Musée de l’Immigration n’est d’ailleurs pas anodine. Les extrêmes (qu’ils soient de gauche ou de droite en France, qu’ils soient anti français ou plus nuancés en Algérie) ne seront jamais d’accord, ne se remettront jamais en question car leurs certitudes structurent leur existence politique, voir humaine pour certains. Leur religion est la non-culpabilité permanente. Il ne faut donc rien attendre de la part des nostalgiques du FLN, des réseaux Jeanson, de Raoul Salan ou du Bab-el Oued européen.

Et en ce qui concerne la France, la majorité de la population en a plus qu’assez des demandes d’excuses permanentes d’un pays et d’une population qui semblent exiger beaucoup de droits pour peu de devoirs et d’autocritiques sur leur système et leur rapport à la France. L’unilatéralité ne peut plus tenir. Le pétrole, le gaz, les boulevards haussmanniens à Alger ou à Oran, les structures de l’Etat, le dessin des frontières incorporant le Sahara, l’école des officiers de Cherchell, l’assèchement de la Miltidja sans oublier la bière Tango : il est d’une stupidité et d’une ignorance sans nom d’affirmer que la France n’a rien laissé. De plus, après 1962, la coopération des Pieds-Rouges (des coopérants Français, militants de gauche ou d’extrême gauche, qui se sont rendus en Algérie après l’Indépendance) dans le domaine de l’éducation et de la médecine a été fondamentale pour un pays très jeune. La colonisation a existé et il faut l’analyser avec toute la lucidité nécessaire. Mais on ne reste pas 130 ans sur un territoire en ne laissant pas de traces positives fortes et durables. En résumé, nous avons d’un côté, en Algérie, une population encline à accuser de tous les maux un pays qui, même s’il est loin d’avoir été parfait dans sa gestion de la colonisation et de son après, sert davantage de paravent ou de pare feu à l’incompétence des dirigeants locaux. De l’autre, en France, une population qui se retrouve prise dans un double discours extrémiste, à savoir d’un côté, une gauche prête à tous les compromis et toutes les acceptations au mépris des faits et de l’autre une droite, prompte à surfer sur les événements liés à l’insécurité, à l’immigration, à l’Islam et l’une comme l’autre, pour faire fonctionner leur clientélisme électoral.

L’immigration

Le rapport évoque également le lien qu’ont la France et son immigration algérienne, la seconde après la communauté portugaise. Que les discriminations existent, personne ne peut le nier, ce qui ne veut pas dire pour autant que l’Etat est structurellement raciste comme le prétend une certaine extrême-gauche. C’est certes une communauté qui connaît un chômage plus important que la moyenne nationale, bien qu’une classe moyenne se constitue et il faut s’en réjouir. Mais, encore une fois, la Marseillaise sifflée en 2003 au Stade de France ne peut s’expliquer, et encore moins se justifier, uniquement par des raisons sociales et encore moins religieuses. Le malaise identitaire est profond et depuis longtemps. Par ailleurs et contrairement à ce que certains affirment, aucune immigration ne s’est déroulée parfaitement, que ce soit les Italiens à Aigues-Mortes en 1893, les Républicains espagnols dans les années 30, les centaines de Polonais retournés dans leur pays sous le Front populaire…etc…Mais on ne peut nier que, malgré un racisme plus frontal, l’assimilation a été plus réussie, probablement parce que l’Etat, à ces différentes époques, était bien plus politique, que l’ascenseur social par l’école et le service militaire fonctionnait à plein régime et que l’industrie et les emplois existaient.

Depuis toujours, les difficultés de l’intégration ont existé. Les problèmes de mixité sociale ou de « vivre ensemble » sont indissociables des problématiques de politique intérieure. Cette population déracinée est très utile à certains exploitants de la misère humaine seulement soucieux de s’enrichir. Aujourd’hui encore, les clandestins trouvent des emplois pour survivre dans la restauration, l’agriculture ou le bâtiment. Ils sont exploités et sous payés. Régulièrement les scandales d’exploitations humaines font quelques entrefilets dans les journaux mais avec quelques amendes, ces affaires sont vite oubliées. Elles sont pourtant un des terreaux des difficultés actuelles et ceux qui y trouvent leurs comptes ont tout intérêt à ce que surtout rien ne change.

En enfin, n’oublions pas Giscard d’Estaing qui fait venir, par le biais du regroupement familial et en pleine crise pétrolière, des milliers de personnes issues d’une ancienne colonie libérée dans les conditions que nous connaissons : en effet, mélanger des anciens conscrits, qui n’avaient rien demandé, et des ex-colonisés arrivants dans un pays qu’ils ne connaissent pas, dans une même usine et un même quartier, est une idée qui ne pouvait que faire naître de fortes tensions et, à terme, des ghettos.

En conclusion, ce rapport, s’il part d’une bonne intention, n’est pas exempt d’arrière-pensées électoralistes. Par ailleurs, si une réconciliation est éminemment souhaitable, il est évident qu’elle ne pourra se faire sans un travail historique rigoureux sur les événements de l’époque et effectué par une équipe franco-algérienne d’historiens qualifiés et sérieux. C’est indispensable. Le fait que les historiens algériens n’aient été en rien consultés (mais le pouvaient-ils et/ou le souhaitaient-ils?) amenuise la portée de ce rapport. Ses conclusions, qui évoquent essentiellement la repentance de la France et des mesures exclusivement symboliques, montrent bien que, finalement, ce pan de l’histoire ne peut pas encore être traité avec le recul et la sérénité nécessaires à un tel travail. Que ce soit en Algérie ou en France, cette période de l’histoire contemporaine est toujours une plaie douloureuse et béante parce qu’elle est instrumentalisée d’un côté par le pouvoir algérien pour masquer sa propre incompétence et de l’autre par les extrêmes politiques dans l’espoir de grappiller quelques voix dans des élections dont la représentativité et la légitimité sont, chaque jour, de plus en plus discutables et discutées.

Omar GOUSMI – Cyril GARCIA

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Le foot : un secteur économique et social à part entière (NAR 1)

 

Photo de Valentin Desbriel


Mai 2018 : la LFP (Ligue de Football Professionnel) annonce triomphalement avoir cédé les droits TV nationaux de diffusion des matchs de la Ligue 1 et de la Ligue 2 pour la période 2020-2024 contre un montant annuel de 1,153 milliard d’euros, dont 780 millions censés provenir d’un groupe sino-espagnol, Mediapro.

Février 2021 : la Justice valide la rupture unilatérale du contrat par la LFP pour défaut de paiement de la part du groupe espagnol.

Les conséquences, sociales et économiques, de cet événement ne sont pas toutes actuellement visibles et pourtant, elles ne manqueront pas de se révéler. La crise sanitaire ne saurait tout expliquer à elle seule.

Il s ‘avère, en effet, que la LFP, comme hypnotisée par le montant proposé, a préféré accorder les droits de diffusion à un groupe financier qui n’avait comme seul objectif que de revendre, avec plus-value, les différents droits qu’il venait d’acquérir. Le hic, c’est qu’aucun diffuseur ne s’étant présenté, Mediapro, dont ce n’est pas le métier, s’est retrouvé dans l’obligation de créer sa propre chaîne de TV à péage pour pouvoir collecter des abonnements et diffuser les matches. Sans surprise, les abonnés espérés boudèrent le produit, comme une étude de marché sérieuse et rigoureuse l’aurait révélé si elle avait été réalisée. Le groupe s’est vite retrouvé dans l’incapacité de financer son achat et la LFP a du trouver en urgence un nouvel acquéreur/diffuseur. Il va de soi que cette urgence a placé celle-ci (et donc l’ensemble du secteur économique qu’est le football et notamment le monde amateur qui est sa base sociale) en position de grande faiblesse face aux acteurs solvables et expérimentés – évincés en 2018 – que sont Canal+ et BeinSport, les partenaires historiques du foot en France : ils ont ainsi récupéré, pour la moitié environ de la somme initiale, un produit qui a un vrai public, d’autant plus motivé que, pour l’instant, il ne peut plus accéder aux stades.

Tout cela n’aurait guère d’intérêt si les conséquences économiques et sociales n’étaient pas bien plus importantes qu’on ne le soupçonne au premier regard : ce sont les clubs professionnels (qui sont des PME avec des salariés) et les clubs amateurs de la France périphérique, acteurs qui jouent tous deux un rôle essentiel dans le lien social, qui se trouvent privés d’une ressource financière vitale. Nous y reviendrons plus longuement dans un prochain numéro.

Omar Gousmi

Canapé de sourires sur plateau

Le présentateur cherchait à distribuer la parole de manière équitable et calme. Plusieurs invités faisaient semblant de s’écharper autour d’une table en formica blanc. Un décor hi tech qui faisait chic mais surtout chirurgical. Je ne connaissais pas ces gens. Je ne les entendais pas parce que je n’avais aucune envie de les écouter. Je m’étais arrêté dans un troquet ouvert. Histoire de prendre un café, qui devint vite deux et même trois, juste pour me tenir éveillé ou pour entendre des voix humaines, autres que la mienne, résonnant et tournant en boucle, dans ma boite crânienne. Il y avait là des opposants politiques, finalement, plutôt d’accord avec le suiveur (en l’occurrence la suiveuse) du président et des analystes, qui s’autorisaient à penser sur tout et à parler de tout, en ne sachant rien, sur rien.

Au moins, cela me faisait une distraction de voir des visages se déformer sous les efforts de convictions légères et mensongères. L’espace court d’un instant, je me demandais ce que vivait cette femme blonde totalement insipide et insignifiante, qui montrait juste, par ses interventions, que le président avait raison sur tout et en tout et que sa prestation du début de soirée était digne de figurer dans les livres d’histoire dès demain. Je m’imaginais toutes ces heures qu’elle avait dû passer à convaincre des électeurs désabusés, à se laisser berner, encore une fois, sur les places de marché d’une quelconque province dont elle se fout, en réalité, éperdument. J’imaginais les courbettes et autres joyeusetés qu’elle avait été obligées de faire, pour recevoir la parole divine et la bénédiction présidentielle, dans le cadre de son investiture pour finir à l’assemblée nationale. Je l’imaginais déjà, après l’émission, se restaurer, en compagnie de cet homme, physiquement imposant, noir, transpirant et qui déployait des efforts incommensurables de rhétorique pour nous faire croire qu’il était contre. Mais contre quoi ? Lui-même ne semblait pas le savoir.

Et je les voyais dans mon songe, rire et se taper sur l’épaule, en compagnie de ce freluquet affublé d’un foulard de soie turquoise comme portent ces femmes qui veulent cacher les traces de strangulation de leur conjoint. Il voulait montrer que son avis était essentiel parce qu’il était pertinent, d’autant qu’il avait un avis sur tout. Pourtant il ne ressemblait à rien et, dans la rue, le croisant, je pense que je ne lui aurais même pas demandé mon chemin, tant son visage dégageait une perspective de discussion chiante comme celle qu’on n’a vraiment pas envie d’avoir. Je les imaginais, tous les trois, rire, sur les pauvres gens qui croyaient encore leurs discours et se moquer, avec ce présentateur au brushing aussi impeccable que ses idées paraissent courtes, de nous tous, s’enfilant les petits fours et les flûtes de champagne avec la satisfaction du devoir accompli. Je devinais des cuisses de poulet déchiquetées par des mâchoires acérées et des miettes de canapés aux œufs de lumps, perdues dans des barbes de trois jours, taillées par un expert visagiste peroxydé, même si ça n’est plus la mode.

Une foule de courtisans distribuant des sourires et des poignées de mains molles et moites. Tout un univers de dégoût et de bons sentiments apparents pour cacher les pires pensées de l’humanité. Ils se devaient de rire fort et ostensiblement à pleines dents détartrées du matin alors qu’il n’existe plus de dentistes disponibles sur le territoire. Il fallait faire montre de soumission pour continuer à bénéficier des avantages et des privilèges de la fonction. Il fallait montrer que quelque soit le nom du parti, l’idéologie exprimée du parti, la compatibilité avec l’élite était sans failles ni discussion possible. Sur fond de musiques d’ascenseur et d’hôtesses apprêtées, malgré l’époque qui voulait que les hôtesses deviennent des hommes, ces règles là n’étant qu’assignées aux manants, les robes de soirée et les costumes cravates échangent des regards complices et numéros de téléphone pour entretenir cet entre-soi qui ne concerne qu’eux.

Nu sur le pas de la porte

L’image passa comme un mirage. Elle restait diffuse, confuse. Il y avait dans le galbe de ce corps quelque chose de magnétique, d’indicible. Quelque chose qui finalement n’existait pas dans le monde réel et que je m’évertuais à construire dans des rêveries de plus en plus profondes. La pénombre, évidemment, accentuait la part de mystères et de sublime que, finalement, chaque corps pouvait receler. La découverte de cette symbolique volante grossièrement dessinée sur le bas d’un dos cambré, provoquait une attirance visuelle. Il devenait impossible de décrocher le regard de cette forme qu’on pourrait comparer à l’envol d’un papillon. Drôle d’endroit pour qu’un tel insecte ne s’incruste.

Evidemment, mon regard s’était posé sur cette partie de ce corps nu dans le but de faire valoir et de justifier mon statut de gros dégueulasse libidineux et, même si mon intérêt pour la personne était quasi nul et à peine exclusivement professionnel, le fait d’être en contact visuel avec une nudité, suffisait à me transformer en prédateur redoutable alors que le reste du temps, je ne suis qu’un prédateur en hibernation. Je n’avais pas prévu de laisser mes yeux sur la partie charnue de ce corps. De toute façon, la visite même de cette personne n’était pas prévue, alors la nudité, jamais envisagée. Je n’espérais pas voir, un jour, cette femme dans ma chambre et, sans même parler d’espoir, l’imaginer nue ne m’avait jamais effleuré l’esprit. Ce qui pour un gros libidineux comme moi était assez paradoxal. Je n’éprouvais pas la moindre attirance vis à vis d’Aline. Elle était une collègue et la distinction se faisait d’elle même parce que les règles ancestrales du no zob in job m’empêchaient depuis toujours d’envisager une autre sorte de rapport.

La nuit avait été compliquée. Je la partageais entre les effluves du parfum de Sofia et les lumières nocturnes de la ville à travers la fenêtre devant laquelle j’avais installé le fauteuil en rotin généreusement mis à disposition par la direction de l’hôtel. Un petit hôtel sans fard que les carabinieri avaient mis à notre disposition ou plutôt nous avaient indiqué au regard de nos moyens financiers. J’avais passé la nuit entre la contemplation de la lune se cachant derrière quelques nuées nuageuses et le corps dénudé de Sofia lové dans les draps humides du lit. J’avais consommé l’intégralité d’un paquet de cigarettes face à l’image de la Salute éclairée par la lune et le cul rebondi de cette pute venue de Mestre que j’avais ramassée aux hasards de mes errances dans les dédales de la ville. Le contraste entre les fesses joliment dessinées de Sofia et ce sublime lieu de culte méritait que je passe la nuit à les contempler. Il y avait du sacré dans les deux visions et quelque chose de divin qui faisait que les images de la journée s’adoucirent malgré tout. Après tant d’années, après tant de choses vues, et en dépit de tous mes efforts, je n’arrivais pas à m’habituer. Peut être même qu’on ne s’habitue jamais finalement et que, chaque fois, chaque image définitive et sanglante renvoie et charrie toutes celles que j’avais déjà obstinément essayées d’évacuer de ma mémoire.

Elle avait frappé à la porte, tambouriné même, jusqu’à ce que je me décide à ouvrir. Ayant, depuis longtemps, abandonné l’idée de conserver pudeur et décence, je n’enfilai que mes chaussures. Plus exactement, je mis les pieds dans mes chaussures et, finalement, je perdais davantage de temps à me diriger vers la porte pour l’ouvrir que si j’étais pieds nus. Dans mon incommensurable fainéantise, je n’avais pas rentré les talons et je pliais le cuir à l’arrière de la godasse sous le poids de mon pied et plus largement de mon corps. J’accordais toujours un soin tout particulier à mes vêtements. J’avais donc ouvert la porte, nu, avec seulement des pompes nazes aux pieds.

J’avais en réalité à peine eu le temps de comprendre. Je n’avais pas réellement vu la tornade entrer. Le cheveu collé. Une nappe de parfum diffus envahit la pièce et se mélange à celui de Sofia. Tant de parfums féminins qui tournaient dans ma tête. Je savais vaguement qui entrait en furie et se précipitait dans la salle de bain, après un bonjour lancé à la cantonade. Je restai sur le pas de la porte, à poil, les pieds dans les godasses, la porte ouverte. Je sentis un petit courant d’air frais me chatouiller les parties les plus sensibles. C’est ce courant d’air qui me ramena à la réalité. A poil, sur le pas d’une porte, dans un couloir d’un hôtel sans cachet, d’une ville sérénissime, dans un pays dont je ne connaissais pas la langue, la poignée de la porte à la main, je m’aperçus que j’avais deux femmes dans ma chambre et que je n’avais toujours pas dormi. Ce qui était un fantasme enfoui depuis toujours dans les méandres de mes délires de gros pervers libidineux devenait un des pires moments de ma vie. Nu, deux femmes dans ma chambre et pourtant, confusément, une gêne indicible.

Laissez venir à moi les petits enfants … les grands aussi

Il restera ces jours où le vent froid venu d’ailleurs cessera de souffler. Des moments où les pierres ravivées et blanchies des églises diront leurs secrets et souvenirs.
Il y aura ces jours où celui qui part ne sera plus prétexte aux larmes mais source de tendres sourires complices. Ces jours où ceux qui s’évitaient, se recroisent dans le fracas des bourdons.

C’était dans une de ces petites villes de province ignorée du reste du monde et cachée au fond d’un improbable nulle part. Toute petite église, d’un tout petit village. Tout était petit comparé à la grandeur de l’émotion qui rassemblait ces gens si différents et si inconnus les uns des autres.
Tout était petit parce que ce n’était plus le lieu qui comptait et que la taille devenait tellement insignifiante, finalement, quand on préférait y croire et se rassurer.
Une petite église, presque champêtre et un cimetière attenant, à l’avenant. Tout était champêtre, même le soleil, parce que, malgré le vent frais, il faisait beau comme dans un dernier espoir d’un impossible.

Sur l’estrade qui servait d’autel ou sur l’autel qui n’était, en fait, qu’une estrade, l’homme, vêtu de sa robe blanche et de son étole violette portée telle une écharpe, se tenait droit, impassible, grave. Les mains jointes, face à lui, en signe de recueillement, les yeux rivés sur l’entrée de la petite église, attendant, peut être, que tous les outragés de l’injustice du jour prennent place dans l’enceinte.
Elle paraissait récemment rénovée et les pierres frappaient par leur nouvelle blancheur mais il y faisait froid et sombre comme si les pierres, elles mêmes, avaient reconnu le moment de solennité et refusaient de protéger ou de réchauffer ce moment.
Il fallait que tout marque ce moment.

Bien que le soleil se rappelât, tout le jour, de sa présence dans les cieux de ce mois de mars finissant, l’heure demeurait sombre, triste, funeste. Le silence se faisait de plus en plus lourd au fil des entrées des larmoyants et de ceux qui luttaient pour retenir ces larmes qui coulaient, déjà, le long de leurs joues, malgré eux. Ce silence rendait assourdissant les pas sur les pierres du sol de l’église. Pas un mot, pas un chuchotement, pas un reniflement, pas un cri, une unique rumeur de consternation ou d’injustice sortie de nulle part et n’allant pas beaucoup plus loin. Chacun cherchant dans le regard d’un voisin, d’une connaissance, d’une ombre, un soutien, une compassion, un murmure qui empêcherait enfin de s’éteindre cette lueur dans un silence trop glaçant. Une voix s’éleva et brisa le silence de ce premier jour du monde qui n’en finissait pas.

Il fallait que cette souffrance cesse, que le fardeau s’allège d’une présence trop forte et trop grande. Comme ces jours de marché qui donnent vie aux bourgades dépeuplées, comme tous ces bruits qui rappellent qu’il y avait le souffle de vie et qu’il est fragile ce souffle court, sourd, las, elle donnait tout corps à ce qu’était l’humain. C’est au dessus des cathédrales que le bon dieu prendra soin de son âme puisque le monde d’aujourd’hui n’a pas su prolonger les jours.
Elle aura connu peu de joies mais elles furent intense et le froid qui la prenait même les jours d’été, c’est le bon dieu qui lui envoyait. Elle était ce que chacun devrait être finalement, la dévotion et le courage donnés à ce que dieu aurait créé.
Ce fut la rencontre de trop dans cette vie sans lendemains heureux, dans cette vie aux jours précaires. Alors, vivre chaque jour comme s’il était le dernier même si il n’y a rien à faire et même si l’on ne fait rien.
L’amour qu’elle donnait autour de ses pas comme le sourire las qu’elle portait depuis l’annonce des fins de route, c’est la seule force qui lui restait.
Les yeux emplis de larmes qu’elle portait sur ce qu’elle laissait comme force de vie au monde, ce sont les dernières lumières de son feu qu’elle envoyait dans les foyers de cheminées fraîchement ramonées.
Et puis les jours passaient de plus en plus vite, et les forces déclinaient à chaque heure davantage. Il était l’heure de quitter, de lâcher la rampe et de partir dans un dernier salut, dans un dernier sursaut. Les mots qu’elle aurait voulu dire, c’est notre seigneur qui les dira. Les vies qu’elle voulait sauver, c’est notre seigneur qui en prendra soin. Il pourvoira à cette route brisée par l’injustice des maladies et des souffrances du corps que l’âme ne peut soulager.
La honte, la faiblesse, la souffrance deviennent les forces que chacun doit endosser et toutes ces larmes qu’il nous faut verser pour célébrer l’apothéose de cette âme pure, n’oublions jamais, que c’est notre seigneur qui les a créées.
Les larmes, que tous ici, nous versons déjà et verserons encore, c’est notre père, qui est aux cieux, qui s’en est allé les chercher dans les rivières, les fleuves, les mers, les lacs, les océans de la création et qui en hommage à toute la bonté qu’elle avait donnée à placer dans nos yeux cachés dans nos manches.
Le deuil que nous allons porter, c’est la vie que notre seigneur nous a prêtée. La tristesse qui emplit désormais nos cœurs, notre père l’y a placée. Le souvenir de son rire sonore dans nos esprits embrumés par les larmes, c’est notre créateur qui va le transcender. »

Les yeux cherchant le ciel et priant que les nuages arrivent enfin, que la pluie vienne car ce moment ne saurait rester sous les feux d’un soleil de printemps. Bon dieu, puisque tout le monde t’appelle en cet instant, il serait temps de signaler ton existence et de faire craquer cette averse et ces larmes célestes qu’exige cette heure.

Il ne plut pas pendant trois jours.

On allait au bord de la mer…

Dans un passé déjà lointain, j’ai eu une autre vie qui m’a permis de rencontrer beaucoup de jeunes gens dont certains ont réussi à devenir intelligents, pertinents et éveillés. Evidemment je n’ai rien à voir dans cet éveil, cette pertinence et cette intelligence mais, au moins, je les aurai rencontrés et cela fait que, déjà, mon parcours aura une saveur.
Le plaisir de retrouver l’une de ces rencontres est, à chaque fois, renouvelé et, malgré ma propension aux bavardages, j’en tire une sorte de bain de jouvence et la conviction qu’il reste encore des gens capables de ne pas tomber dans les pièges grossiers du capitalisme et de l’uniformisation politique.
C’est au travers de ces discussions à bâtons rompus ou pas, who cares, que s’éclairent certains phénomènes, idées, concepts auxquels tu adhères, auxquels tu crois, mais qui restent parfois confus dans l’esprit embrumé et vieillis d’un vieil aigri comme moi.

La prise de conscience de ce que sous entend les termes de vacances et de retraite restent un joli moment de percussion cognitives. Il ne s’agit pas tant des plages de repos offertes par les principes capitalistes qu’il s’agit de critiquer mais, plutôt, la conscience de ce que ces mots entraînent.
Un des phénomènes étranges des vacances, c’est ce besoin de partir, de partir ailleurs quand c’est possible, comme pour fuir une réalité.
En fait, sous l’idée de décompresser, on va chercher ailleurs, ce que la vie quotidienne n’offre pas. 300 jours par an, pour grossir le trait, on vit une vie de merde et pendant le laps de temps que le monde offre comme plage de survie mentale, on va voir ailleurs si l’herbe est plus verte puis, on revient à l’endroit de départ, alors même que cet endroit est considéré comme mauvais, banal, gris, malsain, ou, en tout cas, loin de nos aspirations initiales. Une sorte de masochisme grandeur nature.
Beaucoup, beaucoup trop, vivent une vie qui ne correspond pas aux rêves, aux attentes, aux envies initiales mais trop s’en accommodent parce qu’il le faut bien et moi le premier, je ne suis pas dans une volonté de donneur de leçon mais davantage de constat que je porte sur ma propre existence, finalement.
Les vacances servent, ainsi, à voir ailleurs si c’est mieux et à recharger les batteries vidées par une vie insatisfaisante la plupart du temps.
Et puis la retraite, la mise en retrait, l’obsolescence programmée, la date limite de consommation que beaucoup passent au même endroit, dans les mêmes conditions en attendant les deux mois que les petites pensions offertes pour toute une vie de labeur permettent de s’offrir dans un endroit paradisiaque, un ailleurs qui permettrait d’oublier le ici, le maintenant, le là …
Alors le constat de se dire que ce qui fait que trop survivent et s’accrochent à ce cycle interminable d’une vie délétère ou peu enthousiasmante pour s’octroyer quelques minutes de vie au paradis, une fois l’an, permet de se rapprocher très vite d’un état semi dépressif. Il reste ce que le monde offre et que, pourtant, la remise en cause demeure sourde, faible, limitée presque silencieuse et absente comme si la résignation et l’acceptation étaient la norme, la nomenclature et la marche à suivre.
Ce qui est offert, ce sont de rares moments de satisfaction et de plénitude en échange de quotidiens tristes et fades mais qui sont supportés par l’attrait des rares moments. Et la routourne ne va pas s’arrêter de tourner vite sur son pivot voilé .

con Marc Emeriau por la reflexion

Alors bonne année

 

 

Et recommence cette litanie que nous avions évitée pendant presque un an. Comme les anniversaires, il faut que reviennent ces temps de vœux auxquels plus personne ne croit vraiment et qui s’avèrent, pour moi, de plus en plus difficiles à supporter. Chaque année, on recommence et, chaque année, je m’aperçois que l’année passée fut pire que la précédente, que la chute est lente mais permanente. J’aimerais me dire que cette fois, ça sera la bonne, que les vœux de cette année seront couronnés de succès et que, enfin, ça ressemblera à quelque chose.
Evidemment, on remercie. On répond, on remercie, on sourit. En tout cas, c’est ce que je m’efforce de faire parce que je ne suis pas qu’un monstre, mais sans vraiment y croire encore. Je sais que mon pessimisme naturel va ternir ces jours et que la joie hypocrite d’enterrer une année triste ne sera pas suffisante pour me rassurer sur les jours qui viennent. Personne ne sait vers quelle catastrophe nous courrons et personne ne veut vraiment le savoir. En réalité, il y a une sorte de fatalisme dans les vœux de cette année, une sorte de soutien et d’espoir de revoir l’autre vivant parce que c’est loin d’être fait.
Alors, il n’est pas de bon ton d’être seul, d’être triste parce que ce jour n’est pas le même que les autres et qu’il faut que forcément, il soit à part. Tu as le droit d’être un dépressif isolé et solitaire tous les jours de l’année, sauf durant cette semaine. Cette semaine, tu n’as pas le droit d’être lucide et de te poser les vraies questions sur toi ou sur le monde. Tu te dois d’être d’affable à défaut d’être joyeux. Tu te dois d’être sortable à défaut de sortir.
Pourtant, je sais que chaque jour qui passera désormais me rapproche du départ. Il s’installe comme une évidence que je ne resterais pas dans mon antre, parce que je n’en ai pas envie. Le spectacle de la quête de notoriété qu’elle soit en gilet, ou en stylo, ou en gyrophare, accentue cette lassitude. Une course à l’échalote de savoir qui sera le représentant, alors que plus personne ne veut être représenté sauf quelques tenants de l’ancien monde des marcheurs. Chaque jour fournit son nouveau représentant de quelque chose ou d’autres choses. Tout le monde représente tout le monde et plus personne ne semble apte à se représenter lui-même.

Alors soyons représentés par ces fous d’hubris qui veulent exciter des sots pour plaire à des gueux qui visent à marcher sur les justes et les faibles puisque c’est l’issue, le but, le jeu.
Alors soyons heureux de voir des pantins désarticulés s’ingénier à vouloir prendre la parole pour des démunis silencieux afin de les ridiculiser davantage dans l’espoir d’un strapontin inconfortable dans une alcôve sombre. Et jouissons, profitons de ces jours de fête, pendant qu’il est trop tard, profitons de ce que cette engeance autorise encore à prendre et prenons ce qu’on nous refuse puisqu’il faut être une icone et non plus un agissant.
Alors bonne année puisque c’est peut être la dernière de ce système, de ce monde, de moi, de nous, de vous.

Où enfin commencer quelque chose …

 

        De moins en moins envie de m’épancher sur cette société qu’on nous impose, à la veille d’une nouvelle manifestation, que tous espèrent pacifique, en sachant, déjà, qu’elle ne le sera pas partout.

       Ce gouvernement est incompétent dans sa mission qui consiste à répondre à la population, du mieux possible. L’UE contraint les peuples à l’asservissement et est dirigée par une bande de robots pour qui les vertus du capitalisme sont au delà de toutes les religions. Les religions, elles mêmes, sont une malédiction pour le monde, finalement, alors qu’elles auraient dû être une bénédiction. Alors, tout le monde connaît la situation et la solution. Sortir du capitalisme en sortant de l’ordo libéralisme bruxellois, sortir de cette république qui est épuisée des multiples viols subis, donner enfin un vrai pouvoir aux gens, même si c’est populiste, même si vulgaire, mais au moins, admettre que chacun est assez grand pour gérer son foyer et donc ce qui régit celui ci. Selon les cas, nous devons être adultes mais, en même temps (c’est la mode), asservis, esclaves de règles et de personnes inconnues et qui ont, désormais, montré leur incompétence crasse et le danger qu’elles représentaient. Définitivement, les escrocs sont aux commandes parce qu’il s’agit d’une profonde escroquerie d’être guidé et dirigé, comme ils aiment à le dire, par ces individus. Ce constat est factuel et difficilement contestable et une vraie grande honnêteté consisterait simplement à reconnaître que n’importe qui, aujourd’hui, est capable de faire aussi mal que ces deux gouvernements qui dirigent et nous tuent. Oh certes, on pourra mettre en avant que le petit peuple, le bas peuple, est jaloux, vulgaire, sale, ignorant et même méchant. Que ce mot: peuple, ne signifie rien, alors qu’il veut tout dire et que tout le monde le comprend mais il permet, surtout, à cette caste dirigeante, de renvoyer l’opposition populaire à un statut de néant… 

        La fameuse question, c’est qui le peuple ? C’est quoi le peuple ? Question qui n’intéresse que ceux, finalement, qui tirent des avantages de cette situation ankylosée, métastasée. Le peuple, c’est celui qui, à 80%, n’a pas voté pour ça mais aussi les 20% qui ont voté pour ça. Alors oui, j’ai raté ma vie, j’avais plus de talents, plus d’intelligence, plus de culture que la quasi totalité des gens que j’ai rencontrés dans ma vie, peut être, peut être pas, mais je n’ai jamais eu l’esprit de compétition, je n’ai jamais voulu être le 1 et du coup, je ne suis rien. Alors forcément, je me reconnais parmi les riens qui souffrent, qui sont en bas, parce que je suis de cette engeance là, parce que je ne fais pas de bruits, je ne me bats pas, je me tais. Exactement comme tous ces gens méprisés par une oligarchie de plus en plus indigne. On ne m’a pas fait confiance parce que je ne me faisais pas confiance, parce que le petit rebeu du 93, malgré des diplômes à ne plus savoir qu’en faire, et tout ce qui va bien, n’est toujours qu’un petit rebeu du 93. Aujourd’hui, les petits comme moi, veulent exister et montrer qu’ils peuvent, eux aussi, devenir des êtres politiques. Quand on regarde la classe politique aujourd’hui, elle ne mérite pas les gens qu’elle prétend représenter et qu’elle humilie en fait. Alors que le peuple se dirige lui même ne peut être pire qu’être dirigé par « ça ». Ce peuple fera lui aussi des erreurs, c’est certain, mais au moins, elles seront les siennes et ça veut dire beaucoup.

       45 ans, deux enfants, deux bacs+5, chômeur, plutôt mal dans sa peau, avec un nom et une supposée culture qui ne lui correspondent pas, essayant de survivre dans ce marasme parce qu’il y a, malgré tout, de belles choses en ce monde et que je n’arrive même pas à être jaloux. Je devais me coucher tôt ce soir mais ça sera encore une nuit courte à retourner, dans ma tête, tout ce que je ne fais pas, bloqué par ce que tous les autres ne connaissent pas. Ainsi, à quoi bon encore une fois répéter la même litanie. Le monde que nous avons créé n’est pas beau, nous avons énormément pleuré dessus, depuis si longtemps alors si aujourd’hui, il peut y avoir un petit changement, autant l’accompagner plutôt que de le considérer comme forcément vulgaire puisque venant de la plèbe. Quant à moi, personnellement, je ne sais pas, comme d’habitude, ce que je ferais dans le futur ou pas. Peut être espérer un sursaut de confiance ou une chance digne du loto ou plus sûrement un ailleurs où enfin commencer quelque chose.