Alors bonne année

 

 

Et recommence cette litanie que nous avions évitée pendant presque un an. Comme les anniversaires, il faut que reviennent ces temps de vœux auxquels plus personne ne croit vraiment et qui s’avèrent, pour moi, de plus en plus difficiles à supporter. Chaque année, on recommence et, chaque année, je m’aperçois que l’année passée fut pire que la précédente, que la chute est lente mais permanente. J’aimerais me dire que cette fois, ça sera la bonne, que les vœux de cette année seront couronnés de succès et que, enfin, ça ressemblera à quelque chose.
Evidemment, on remercie. On répond, on remercie, on sourit. En tout cas, c’est ce que je m’efforce de faire parce que je ne suis pas qu’un monstre, mais sans vraiment y croire encore. Je sais que mon pessimisme naturel va ternir ces jours et que la joie hypocrite d’enterrer une année triste ne sera pas suffisante pour me rassurer sur les jours qui viennent. Personne ne sait vers quelle catastrophe nous courrons et personne ne veut vraiment le savoir. En réalité, il y a une sorte de fatalisme dans les vœux de cette année, une sorte de soutien et d’espoir de revoir l’autre vivant parce que c’est loin d’être fait.
Alors, il n’est pas de bon ton d’être seul, d’être triste parce que ce jour n’est pas le même que les autres et qu’il faut que forcément, il soit à part. Tu as le droit d’être un dépressif isolé et solitaire tous les jours de l’année, sauf durant cette semaine. Cette semaine, tu n’as pas le droit d’être lucide et de te poser les vraies questions sur toi ou sur le monde. Tu te dois d’être d’affable à défaut d’être joyeux. Tu te dois d’être sortable à défaut de sortir.
Pourtant, je sais que chaque jour qui passera désormais me rapproche du départ. Il s’installe comme une évidence que je ne resterais pas dans mon antre, parce que je n’en ai pas envie. Le spectacle de la quête de notoriété qu’elle soit en gilet, ou en stylo, ou en gyrophare, accentue cette lassitude. Une course à l’échalote de savoir qui sera le représentant, alors que plus personne ne veut être représenté sauf quelques tenants de l’ancien monde des marcheurs. Chaque jour fournit son nouveau représentant de quelque chose ou d’autres choses. Tout le monde représente tout le monde et plus personne ne semble apte à se représenter lui-même.

Alors soyons représentés par ces fous d’hubris qui veulent exciter des sots pour plaire à des gueux qui visent à marcher sur les justes et les faibles puisque c’est l’issue, le but, le jeu.
Alors soyons heureux de voir des pantins désarticulés s’ingénier à vouloir prendre la parole pour des démunis silencieux afin de les ridiculiser davantage dans l’espoir d’un strapontin inconfortable dans une alcôve sombre. Et jouissons, profitons de ces jours de fête, pendant qu’il est trop tard, profitons de ce que cette engeance autorise encore à prendre et prenons ce qu’on nous refuse puisqu’il faut être une icone et non plus un agissant.
Alors bonne année puisque c’est peut être la dernière de ce système, de ce monde, de moi, de nous, de vous.

4 réflexions au sujet de « Alors bonne année »

  1. Aspirons au moins à un peu plus de légèreté
    Que nous soyons dans les temps de la fin n’empeche pas les interstices de joie.
    Comme celle de te revoir un jour
    Blackbird solitaire
    Arnaud_surl (Instagram)

  2. Aspirons au moins à un peu plus de légèreté
    Que nous soyons dans les temps de la fin n’empêche pas les interstices de joie
    Comme celle de te revoir un jour
    Blackbird solitaire
    Arnaud_surl (insta compte)

    1. Je ne suis pas forcément opposé même si ton comportement à mon endroit mériterait moins de complaisance de ma part… mais je suis trop bon

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