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Il régnait sur le port un calme quasi olympien. Dans les stations balnéaires, au milieu de l’hiver, lorsque tous les commerces sont clos à l’exception du gros supermarché de la communauté de communes et où seuls restent les quelques retraités autochtones, ce calme devient le trésor le plus beau et l’objet de la quête la plus absolue. Le temps grisâtre remplissait ces lieux d’une beauté qui paraissait sauvage. Le vent construisait les vagues et les remous qui portaient sur le continent un son, une musique qui renforçait encore ce calme. La seule chose qu’on pouvait entendre, c’était le bruit de la mer et ça ça vaut davantage que toutes les musiques zen. Mais voilà, à force d’être trop calme, ces lieux devenaient vides et c’est ce vide qui faisait peur et qui faisait que les lieux devenaient dangereux. Trop de vide, trop de calme, trop de nature, ça finit par tuer.

Je savais déjà ce que j’allais rencontrer dans ce petit f2 avec vue sur le port et le remblai avec ses devantures de restaurants fermés toutes plus grandes les unes que les autres. Un appartement aseptisé et prêt à accueillir les pigeons de juillettistes et d’aoûtiens prêts à dépenser l’équivalent de deux mois de loyer pour une semaine ou deux de dépaysement. Des murs blancs et tout droits sortis d’une clinique privée, des meubles scandinaves neufs et des rideaux d’une neutralité absolue. Pas de photos de famille, pas de tableaux trop expressifs, pas de souvenirs ni de signes d’appartenance à un monde ou un autre. Juste un lieu qui donne sur l’étendue de l’océan sans avoir à s’approcher de la fenêtre. Assez haut pour ne pas voir les tatoués en marcel, et les tatouées en monokini et ainsi éviter un décollement de la rétine mais pas trop haut pour pouvoir tout de même monter les courses. Et une vue sur l’immensité de l’océan. Puis dans la seconde pièce, une chambre avec au centre et prenant la quasi totalité de l’espace un lit. Peut être deux tables de nuit posées une de chaque côté. Et même une lampe sur chacune d’entre elles. Sur le côté opposé de la grande baie vitrée de la chambre, une porte coulissante qui donnait sur une petite salle de bain avec les toilettes. Un bac à douche, un lavabo, des chiottes, un meuble de salle de bain vitré au dessus du lavabo et un petit meuble étudié pour, posé sous le lavabo. A l’entrée de l’appartement sur la gauche, parce que c’est toujours sur la gauche, ce qui doit être un signe politique évident, une petite cuisine, une kitchenette comme les costumés des différentes agences d’escroquerie immobilière aiment à les appeler. Tout cela était désespérément banal et attendu. Ce qui faisait que je me trouvais là, c’était bien le corps que j’allais découvrir à l’intérieur de cet espace et la mise en scène que l’écrivain public allait cette fois me proposer.

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