6.

 

J’avais toujours eu une réticence certaine pour ne pas dire une certaine réticence à l’art de l’interrogatoire. Je trouvais ces méthodes trop aléatoires et trop incertaines. De plus, selon la qualité défécatoire du sujet soumis à la question, on pouvait obtenir une vérité aléatoire et même une absence totale de vérité. Cependant, il s’agissait d’un exercice obligatoire par la hiérarchie et un passage incontournable de toute quête alternative de la réalité. Parfois, je trouvais dans ce faux jeu d’intérêt de la vie de l’autre, une maigre excitation. Il fallait poser des questions et, à de très rares exceptions, les réponses n’avaient aucune incidence sur la suite des événements et encore, c’était pour les réponses que j’entendais. J’avais au fil des années acquis la compétence existentielle essentielle de montrer de la curiosité, de la fascination même parfois aux propos de mes interlocuteurs alors que je n’écoutais absolument pas la moindre parole et que de toute façon je ne retenais rien de ce que l’on me disait. Une mémoire visuelle. Je ne retenais que ce que je voyais. Et encore eût il fallu que ces éléments visuels soient d’une quelconque pertinence avec mon obsession du moment. Ce qui faisait véritablement la construction de ma personnalité c’était clairement la force de mon obsession et la jonction entre celle-ci et les propos que certains me tenaient. Il fallait que les propos tenus collent à mes préoccupations et qu’ils m’intéressent. Autant dire que je ne me souviens que de très peu de rencontres qu’elles fussent officielles ou privées. De toute façon, la majorité de mes rencontres privées étaient facturées et payantes pour l’un ou l’autre des protagonistes. J’avais parfois l’impression que certaines fonctionnaient même sur un rapport de réciprocité. Les deux payaient pour être ensemble. De sa personne, de son or, de son temps mais toutes les relations se construisaient sur le mode de l’échange. Rien de gratuit. Pas le temps.

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