Voleur d’ombres (4ème époque, Episode 16) Passaggeri del vento

L’air frais du matin emplissait la cathédrale et les statues semblaient reprendre vie dans la lueur des premiers rayons du soleil. Ce moment devait devenir éternel et pourtant, la fuite du temps rappelait que même dans la sérénissime, les lois de la nature étaient les plus fortes. Le miracle permanent que constituait la construction de cette cité ne pouvait faire oublier les terribles années de peste qui avaient emporté une grande partie de la population.
Il fallait chercher le lien entre les deux mondes opposés. Trouver la passerelle entre le monde de l’imaginaire et celui bien réel de Federica. Il fallait que ces instants durent toujours et que rien ne puisse plus jamais les séparer et encore moins les frontières, les barrières construites par l’opposition des deux mondes. Il n’était qu’un songe, un fantôme et pourtant, il était la solution, la réponse. Il était devenu, en quelques minutes, son monde et elle rêvait de devenir le sien. Il ne pouvait vivre ensemble et pourtant, elle savait déjà qu’ils ne pourraient plus jamais vivre séparés. Il existait bien, quelque part, une solution, un monde possible dans lequel les cœurs qui battent sont plus forts que les lois universelles. Il fallait que cela existe car il n’était plus possible de vivre désormais sans lui. Les questions qu’elles n’osaient pas poser s’enchainaient et il semblait tellement lire en elle qu’il devançait sa moindre envie.
« Et toutes ces vies où tu étais absente, est-ce que tu remarquais que je n’étais pas là ? Est-ce que tous les baisers, toutes les caresses, tu les vivais en espérant que ce soit moi ? Est-ce que les nuits sans sommeil, tu te souvenais de moi sans même m’avoir jamais rencontré ? Toutes ces journées où tu n’étais pas dans ma vie, est ce qu’elles ressemblaient à ces mondes engloutis, à ces tortures, à ces nuits sans lune ? Est-ce que tu pleurais de mon absence ? Est-ce qu’à force de m’éviter, tu devins la lumière du côté obscur ? L’étincelle restante d’un monde détruit ?
Tous ces instants où tu n’étais pas là et où ton absence te consumait de l’intérieur, est-ce que tu remarquais que tu n’étais pas là ? Est-ce que ton absence pesait comme les mondes sur les épaules d’Atlas ? Est-ce que, à chaque minute, te revenait en tête, de manière lancinante, cette voix sourde qui criait en silence qu’un jour, sans le vouloir, sans l’avoir prévu, sans même l’avoir demandé, tu me rencontrerais et que je deviendrais la personne la plus importante de ta vie après toi et alors que je n’étais pas prévu, je deviendrais le centre de ton monde et que celui-ci tournerait autour de moi alors que tout était à l’arrêt auparavant ? Te souvenais tu de ces vies entières que tu avais vécues en évitant de me rencontrer ? En fuyant l’évidence ?
Et maintenant que je suis là, est-ce que tu accourras vers moi toutes les fois où tu souffriras et même si tu souffres à cause de moi ? Est-ce que tu viendras pleurer sur mon épaule même si c’est cette épaule qui te blesse ? Est-ce que tu m’aimeras par-delà toi parce que je t’aimerais follement à continuer de m’aimer ? Est-ce que tu seras là quand tu seras absente et que je marcherai malgré tout dans tes pas et dans ton ombre ? Seras tu là comme je le serais après les mondes parce que la mort n’est rien en comparaison à une minute sans me voir dans tes yeux ?