J’ai fait avec les moyens du bord de la falaise 7… 20

 

« Et comme dans les romans moisis d’amour, le téléphone sonne toujours quand tu t’y attends pas et quand tu peux pas répondre. Et comme tu as un homme comme partenaire dans cette histoire, évidemment, ça fonctionne pas. Cet abruti tombe sur un répondeur, il ne lui vient pas à l’idée de laisser un message. Oh bah non! ça serait trop simple, trop facile, trop convenu. Connard! »

Et je me souviens de l’odeur du jasmin fraîchement coupé et des montagnes inaccessibles…. et il vit que les mains qui construisaient, pouvaient aussi détruire.

« 9 jours, il avait fallu 9 jours à cet imbécile pour se souvenir de mon existence, alors que je ne pensais qu’à lui. La première fois de ma vie où le désir était plus fort que toutes les conventions éducatives, familiales, sociales ou je ne sais quoi, toutes ces saloperies qu’on nous fourre dans le crâne le plus tôt possible, histoire d’être peinard. Ce mec avait, en quelques minutes, provoqué chez moi des pulsions que je ne connaissais pas et que je ne maîtrisais pas. Jusque là, il n’y avait rien eu d’animal dans ma vie. Il n’y avait eu que de la relation propre, sage, fleur bleue. Ce mec m’avait fait connaitre, en une soirée, le sexe, le vrai, le bestial. Et j’en voulais encore. »

Pourquoi fallait-il que ce genre de confidences me tombent dessus? Moi qui avais une sexualité pitoyable et tarifée, je me retrouvais à écouter les parties de jambes en l’air ultra chaude d’une nana qui étais ma collègue et qui ne m’excitait pas. Heureusement, j’avais ces phrases manuscrites qui hantaient ma mémoire et flottaient sur la photo de Géraldine. Je ne les avais jamais comprises et je m’étais fait une raison. Le mystère que cette fille, que je ne connaissais pas, avait laissé en moi me suivrait éternellement. Je n’aurais jamais ma réponse à cause d’un métro, et d’un autre côté, sans ce métro la question ne se serait jamais posée.

« Alors forcément, quand il m’a proposé de prendre un verre, la question ne se posait pas. J’étais toute rouge au téléphone, balbutiant des oui et des monosyllabes inaudibles. Il se passait de l’inconnu, de l’imprévu et de l’imprévisible dans ma vie, enfin. Un truc que tu souhaites vivre toute ta vie mais que tu n’es jamais prête à accueillir. Le prince charmant sans cheval, ni bas nylon  blancs ridicules. Juste le truc. Forcément, le verre à La Fourmi, sur la place Pigalle, enfin à côté, enfin tu vois? Et devant son Perrier rondelle n’avoir en tête qu’une seule et unique pensée, vouloir recommencer. dans toutes les chiottes du monde, si c’est comme ça que ça doit se vivre, mais recommencer, encore et encore. Une pulsion animale, purement physique, exclusivement sexuelle. « 

Cela aurait dû être une histoire anodine. Le suicide d’une jeune paumée en se jetant sous le métro… Il n’y avait là rien d’exceptionnel. C’était même tristement banal, à cette époque, à Paris. La crise, qui durait depuis 40 ans, frappait de plus en plus durement les faibles. Les fins de mois commençaient, pour beaucoup, le mois précédent. La société prenait un virage inquiétant et tous les personnels étaient conscients des tensions sociales liées à ce régime de survie. Suicides, vols, viols, cambriolages, agressions ou même chasse à l’homme devenaient le quotidien des forces de police. Une société qui partait à vau l’eau, en perte de repères et de fondations; l’échec d’une civilisation. A chaque fois, un vent d’espoir soufflait mais très vite, le soufflet s’effondrait, s’affaissait, s’écrasait. Les gens souffraient, les vrais gens de la vraie vie. Les nous inaudibles et invisibles. Certains supportaient ce fardeau mieux que d’autres. Et justement, ces autres comme Géraldine explosaient en plein vol en laissant des bouts d’eux collés sur tous les murs.

j’ai fait avec les moyens du bord de la falaise… 6… 19

« Je commençais à me dire que je m’étais faite un maximum d’illusions. Qu’en réalité, j’avais été déflorée, par un bellâtre, à l’accent chantant, dans les chiottes glauques d’une galerie d’art contemporain, pendant un vernissage, dont j’étais incapable de me souvenir la moindre oeuvre exposée. J’avais attendu anxieusement un jour, puis deux et puis, petit à petit, je m’étais faite cette idée que, comme bon nombre de gonzesses sur cette planète, je m’étais faite baiser par un mec qui n’avait eu, pour seule envie, que de se vider les couilles. »

Cette dernière phrase, prononcée avec mépris, me sortit de ma torpeur. Preuve, si besoin était, que la vulgarité, dans la bouche d’une femme, me posait, même inconsciemment, problème. Elle ressentit ma désapprobation et elle savait déjà que j’avais du mal avec ce travers chez elle. pour moi, c’était un travers. Elle prétendait que c’était la modernité, la norme du 21 ème siècle et que j’étais trop vieux, trop conservateur et limite réac pour comprendre les changements sociétaux. désormais les femmes avaient le droit et même le devoir de se comporter comme des hommes. J’avais beau lui dire qu’un tel comportement me dérangeait aussi chez un homme, et que je trouvais ça dommage de vouloir se comporter comme une catégorie de personnes qu’on passe son temps à dénigrer, rien n’y faisait. J’étais entré dans la sphère du vieux con comme d’autres entrent dans la friendzone. Quelque part, le fait de devenir un objet asexué à ses yeux m’allait assez bien. J’avais toujours l’appréhension du jeu de séduction dès lors que j’étais en contact avec une femme. Le besoin réciproque de séduire, l’obligation faite de copuler, pour marquer le coup, avant la prise de conscience de l’erreur. Savoir qu’elle ne me considérait pas comme une possibilité de satisfaire sa libido me plaisait assez. Déjà parce que je n’en avais pas envie mais la chair est faible et surtout, parce que j’avais besoin d’elle sur cette histoire. Et que nécessité fait loi.

 

J’ai fait avec les moyens du bord de la falaise 5… 18

 

L’impression d’être dans un flou, d’être dans un brouillard, je la voyais bouger, ses lèvres bouger, j’entendais même des sons sortir de ce mouvement. J’essayais de me concentrer pour l’écouter, j’essayais.

« Forcément, j’étais intimidée. Y’avait une tension sexuelle trop forte entre nous et l’idée d’être surpris dans ces chiottes ne faisait qu’accentuer ma timidité, la peur mais surtout l’excitation. »

Je n’arrivais plus à ôter de mon esprit le visage de Géraldine. Ces histoires de métro et de fin de vie auxquelles je n’avais rien compris me hantaient. Plus encore que sa beauté finalement commune, banale, c’est mon échec qui me revenait en mémoire. Pour être reconnu comme quelqu’un de valable, il fallait connaitre l’échec. Je le savais et on nous l’avait rabâché à maintes reprises à l’école. De là à ce que cet échec ne soit le début de ma carrière, il y avait une marge que j’avais allègrement franchie et avec succès et haut la main.

-« A partir de là, je savais qu’il avait mon numéro, il savait que j’avais le sien et que c’était le début du: qui va avoir la faiblesse de contacter l’autre en premier en priant pour que ce soit l’autre qui se dévoue.

-Hein?

-Bah oui… Après ça, j’attendais qu’il m’appelle. Et lui, il attendait que je l’appelle. Des questions de fierté, d’amour propre. Des trucs dont tu es apparemment totalement dépourvu. »

J’avais reçu la critique, la vanne, la cruauté gratuite, ce qui n’existe pas. Il n’y a jamais rien de gratuit et encore moins une méchanceté mais j’avais décidé de ne pas relever et de laisser filer. Je gardai le silence. Il pesa de tout son poids et elle comprit que je ne voulais pas entrer dans ce jeu de la fausse indignité. A la limite, j’étais dépourvu d’amour propre. Ça ne me posait pas vraiment de problèmes en définitive et je ne vois pas en quoi cela aurait pu lui en poser à elle.

 

La semaine politichienne de Smig – L’important n’est pas la chute …

 

Et puis l’extrême droite envahit le monde et tout va mal.

Il ne s’agit pas de se dire que ces votes sont anodins, loin de là, ils sont juste le reflet d’une dérive mondiale. On met sous cette appellation d’extrême droite, toute sorte de choses qui ne sont pas forcément comparables. Le Brésil, les Philippines, la Hongrie, l’Italie ne répondent pas aux mêmes contraintes ou difficultés. Toutefois, le point commun qui réunit, selon moi, ces élus ne se trouvent pas dans le racisme, l’homophobie, la xénophobie, l’antisémitisme ou le machisme. Les mots en « isme » ou en « phobie » sont des variables d’ajustement évolutives selon les gouvernants. Il y a deux principes qui agissent indépendamment mais de manière convergente vers l’avènement de régimes considérés comme le mal par la bien-pensance sociale démocrate et plusieurs facteurs qui mis les uns avec les autres font que le chemin vers une idée de démocratie est quasiment mort en ce monde. Chacun d’entre nous sait désormais que la bien-pensance politique a construit l’avènement de partis qui n’ont en réalité d’extrême que le nom que certains veulent bien leur donner, j’y reviendrai.

La politique menée dans la plupart des pays à travers un consensus mou visant à privée les peuples de leur souveraineté s’essouffle enfin . Les cordes ont été tirées par des politiciens tous sortis du même moule idéologique et elles s’effilochent de plus en plus. A coup de pseudos-mesures inutiles et de coupes drastiques dans les budgets de maintien d’une illusoire cohésion sociale, finalement au service d’une élite médiatico-politico diplômée, s’est construit un sentiment de mal être pour les masses souffrantes. Les facteurs de l’arrivée au pouvoir de gens que nous ne voulions pas voir sont multiples et rejoignent tous les deux principes (qui en réalité n’est qu’un): l’incompétence crasse des politiciens, des journalistes et des économistes élevés au rang d’experts et qui ne voient que de façon dogmatique, l’ignorance dans laquelle, trop longtemps et trop profondément ont été maintenues les masses dites laborieuses mais qui sont le nombre, l’inertie provoquée par un corset à multiples facettes et devenu quasiment une seconde peau. L’incompétence crasse des politiciens n’est pas une incompétence, loin de là, elle est la volonté affichée de maintenir un système dans lequel la consanguinité est de mise.

L’incompétence des journalistes n’est pas une incompétence, loin de là, elle est le respect dû à la main qui te nourrit et ce ne sont plus, depuis longtemps, les auditeurs ou les lecteurs qui nourrissent les parasites mais bien les subventions publiques pour le mainstream. L’incompétence des experts auto-proclamés n’est pas une incompétence, loin de là, elle est la garantie de la reproduction d’un système qui se doit d’être inamovible pour conserver les privilèges de la caste. Il y a d’autres facteurs comme le maintien de l’ordre, de la sécurité, de la démographie, de la monnaie. Un équilibre artificiel et précaire dont, en fait, personne ne veut sortir. Ces facteurs ne font que répondre à la mise en place d’un principe double. Le principe qui régit le monde et qui fait que le pecunius vulgarus se sent délesté de lui-même tient du dogme. La foi en un dieu d’une part et la foi en une idéologie d’autre part. L’idéologie qui gouverne le monde et qui fait que, véritablement, il n’y a pas d’extrêmes, quoique ce soit politique, se résume en un acrostiche poétique: TINA. La seule chose qui vaille c’est de se conformer à l’idéologie capitaliste et à maintenir ce système. L’extrême droite n’envisage à aucun moment de sortir du capitalisme. L’extrême gauche ne l’envisage pas sérieusement non plus, rassurez-vous.

Il ne se passera rien. La politique menée partout dans le monde sera la même et ce quelque soit le dirigeant. Oh bien sûr, à la marge, ils tiendront des discours prompts à heurter la bien-pensance parce qu’il faut toujours savoir maintenir vivant un ennemi et encore plus quand celui-ci factuellement ne fait que servir vos intérêts. Les extrêmes ne sont que les chiffons rouges, les muletas agitées devant les taureaux castrés que sont devenus les peuples pour continuer à mettre en vitrine des pantins convenables et engoncés dans des costumes de luxe et qui donnent le change à la face du monde. Il vaut mieux un pantin juvien qu’une truie bretonne d’une quelconque race blonde parce que, au moins, le jupitérien ne s’en prendra pas aux minorités visibles ou invisibles ou inexistantes. Et puis, finalement, on s’aperçoit que si, il touche aux minorités et aux majorités et aux masses et beaucoup plus que l’autre ne l’aurait fait mais tout va bien puisque le capitalisme mondialisé continue sans problèmes. Et oui, en Italie, au Brésil, aux Philippines, en Hongrie, en Autriche, en Arabie Saoudite, en Algérie, au Cameroun, au Kenya, à Madagascar, il y a de nouveaux dirigeants qui inquiètent pour donner le change mais soyons tous rassurés. Le capitalisme se porte bien parce qu’il n’y a pas d’alternative.

Jupiteux fut l’un des premiers à féliciter le président brésilien nouvellement élu. C’est bien la preuve qu’il n’est pas si dangereux et que tout va bien puisque tout continue sans la moindre alternative. L’important n’est pas la chute …

 

 

La semaine politichienne de Smig – Tout ne va pas si mal finalement …

 

L’enfer se cache dans les détails, mais il est pavé de bonnes intentions. Depuis des mois, tout est détail mais, le tout est fait pour nous sauver des heures les moins claires que nous amènent les sœurs zombres. Et les frangines obscures, il faut impérativement s’en prémunir. Alors, il fallait que la chute soit glauque, crade, marquante mais surtout définitive. Les idées sont difficilement attaquables, à partir du moment où elles ne sont pas destructrices. Alors, il fallait qu’on trouve des histoires de coucheries et de galipettes pour que plus dure en soit la chute.

Ainsi, l’un des principaux opposants à la dictature dite molle, inspirée par l’incompétence juvienne, celle de ses disciples et condisciples, subit une perquisition policière. Alors, acte politique ou pas, agression ou pas, destruction de l’opposition ou pas, ce qui compte, finalement, c’est que le leader maximo, ou pas, soit en couple avec l’ancienne directrice d’un média éponyme et, elle même, bien que très jolie, soit en difficulté judiciaire sur des sur-facturations qui, soudain, seraient expliquées par le lien amoureux qui unirait les deux protagonistes. Cette affaire n’a, en réalité, encore une fois, aucun intérêt, elle accouchera, encore une fois, d’un vide stellaire similaire à une loi gouvernementale. Il ne se passera rien au niveau judiciaire mais il fallait, à l’approche des élections européennes, marquer le coup. Après avoir détruit le PS en utilisant Hollande et sa mollesse légendaire, après avoir détruit la droite, avec des histoires de costumes jamais réglées, après avoir détruit l’extrême droite, avec des histoires de parlementaires parlementeurs et conseillers par des déconseillés fiscaux, l’empereur juvien, pour faire oublier ses propres déboires, s’attaque à la personne sacrée républicaine. Le procédé est minable et la défense l’est tout autant et tout cela montre, encore une fois, la complète, totale et navrante déconnexion de cet univers infernal qu’est le dallas politique français actuel . Parallèlement à ces histoires consanguines, le pays, mais surtout les « vrais » gens, qui y vivent, ont vu les factures de gaz augmenter de 5 %. Une nouvelle augmentation, encore une, mais, attention!!! Comme le souligne ce gouvernement, ce n’est pas un impôt, donc, tout va bien. Le pare-feu constitué par les différentes phrases ou affaires envoyées par le gouvernement, les médias, la tarte aux quetsches de ma grand mère ou je ne sais qui, est si épais que, chacun d’entre nous, oublie tout ce qui se passe depuis quelques mois, déjà trop longs. Depuis 18 mois, l’augmentation des prix de l’essence, de la CSG, du forfait hospitalier, de l’électricité, du tabac, des tarifs des pv, des timbres, du contrôle technique, parce que celui-ci est renforcé dans le but de nous obliger à acheter de nouveaux véhicules hybrides ou électriques que, de toutes façons, nous ne pouvons plus ni payer, ni recharger, et toutes les autres, se succèdent à un rythme effréné. Le véritable but serait plutôt de supprimer définitivement l’automobile et que nous restions tous dans des zones de 500 mètres environ, autour de chez nous, puisque, de toutes les façons, il n’y a aucun effort sur les transports en commun. Soit nous serons 60 millions répartis dans une dizaine de villes mégalopoles, soit nous restons chez nous. Factuellement, l’adage qui consiste à dire que tout augmente n’a jamais été aussi vrai. Aujourd’hui, la fin du mois n’a jamais été aussi proche de son début.Habituellement, une perte est accompagnée d’une arrivée afin d’aciduler et d’adoucir la douleur de la première. Désormais, à une punition, s’en suit une seconde qui vient faire oublier la première et qui précède la prochaine encore plus violente. Et ainsi de suite, et ainsi soit-il.

Toutefois, l’avantage des différentes poursuites judiciaires qui ont lieu, est de finir de détruire toute opposition. Bien sûr, il se peut que toutes ces affaires soient vraies. Elles tombent cependant très bien pour permettre une victoire du camp du bien, faute de combattants. La droite est morte, la gauche est morte, l’extrême droite est morte, l’extrême gauche est morte, il ne reste plus, en lutte, que le seul parti du bien. L’ultra centre, plus à droite que la droite extrême de la droite. Et pendant ce temps, le monde ébahi découvre les cumEx. Certes, la France n’est pas touchée mais, me direz-vous, avec 80 milliards d’évasion fiscale (estimation basse), il reste peu à détourner. Alors, le gouvernement de l’hyper centre injuste tape ardemment, par la voix de son joueur de cartes mafieux de l’intérieur, sur ces salauds de chômeurs qui en profitent pour partir deux mois en vacances. Tout cela ne fait que se rajouter à la longue litanie de mépris affichés par les puissants vis à vis des petits. La seule question qui vaille désormais est de savoir combien de temps les ivrognes, réfractaires, analphabètes, cyniques, qui ne sont rien et qui détestent les réformes, incapables de traverser la rue sur les kwassa-kwassa, n’ayant pas le droit de se plaindre, qui coûtent un pognon de dingue, et qui devraient travailler pour se payer un costard vont attendre pour aller le chercher. Les 8,5 millions de marcheurs, aujourd’hui, décident, impunément, pour 65 millions d’habitants, en se prévalant d’une légitimité constitutionnelle, certes tout à fait valable, mais, en considérant que l’élection vaut plébiscite. Il est toujours étonnant de se dire que 15% des inscrits et 25% des votants puissent constituer une majorité inattaquable, inaltérable et indubitable. Cette majorité mineure peut se permettre de mettre en avant toutes les lois et même les plus iniques, sans que personne ne puisse s’y opposer. C’est le monde tel qu’il va. Il faut se dire que, du moment que nous n’attendons pas le train en Inde ou que nous ne vivons pas dans l’Aude, tout va bien. Les assurances et les mutuelles ont suffisamment augmenté, elles aussi, pour qu’on puisse se dire que nous sommes protégés. Protégés par Rantanplan qui vient de prendre ses fonctions à la suite de Droopy et qui annonce sa feuille de route. Autant dire qu’il ne présente rien de nouveau puisque 8 nouveaux ministres ou secrétaires d’état sont arrivés pour faire la même chose qu’avant.

En gros, rien, à l’exception de l’augmentation des problèmes. En fait, rien ne va dans ce pays et l’on pourrait se dire que, ailleurs, ça ne peut qu’aller mieux. Alors, on regarde ailleurs et on voit que, finalement non. Nulle part, le temps ne semble s’éclaircir. Il aurait été aisé de s’arrêter sur le reste du monde pour remonter un moral franco-français en berne, pour contourner la vague inflationniste nationale, la vague d’insécurité, d’imposition, de déni et de mépris. Froidement, ça ne va pas bien dans le pays mais, après tout, si le vénézuélien de l’opposition sort avec une jolie fille qui détournerait des factures alors, tout ne va pas si mal, finalement.

J’ai fait avec les moyens du bord de la falaise… 4… 17

Pendant que je la sentais partir dans son récit, les images me venaient en tête. Oh pas les images que son récit auraient pu faire naître en moi, mais plutôt des images bien réelles qui revenaient des tréfonds de ma mémoire et qui m’envoyaient le visage de Géraldine, en photo d’identité, en pleine gueule.

« Donc, tu vois, on se retrouve à ce vernissage, et on a là, toute la faune des bobos parisiens et des m’as-tu vu, divers et variés. »

Elle était jolie, plutôt brune avec des taches de rousseur qui accentuaient ce charme, elle souriait. Même si la photo était hors d’âge et les vêtements marquants le flou vestimentaire des années 90, elle était jolie. Je n’avais pas de souvenirs d’elle, et pour cause, mais ce photomaton jauni et suranné restait, depuis 25 ans, dans ma mémoire et ne sortait pas de ma tête.

« Alors, au milieu des canapés, des bouteilles, des rires et des discussions futiles, mais à haute voix, histoire que tout le monde en profite, ce mec apparut. Il était grand, brun avec ces cheveux bouclés qui tombent sur les épaules comme sur les tableaux de la renaissance italienne et du Quattrocento. Tu sais, le Saint Jean Baptiste de Léonard de Vinci ? bah voilà, c’était lui qui apparaissait au bout de la pièce. »

Quand tu es à l’école, on ne te prépare pas à ça. Enfin si, mais la réalité est toujours plus violente, plus crue, moins facile. On se dit : «  oh sous le feu de l’action, je vais gérer tranquillement, pénard même, facile » et puis, lorsque ça arrive, tu comprends que tu n’es qu’un homme et rien de plus, et que, quoi que tu fasses, tu resteras un homme avec ses faiblesses et ses incompréhensions. C’est devant le mur que l’on voit le mieux le mur, c’est devant un corps qu’on sait qu’on n’est pas prêt.

« Evidemment, moi, jusque là, je n’avais eu que des histoires finalement insignifiantes et, en fait, déjà oubliées. Pourtant, tu sais, c’est un truc que tu sens quelque part. Tu croises l’autre et intérieurement tu sais que, celui là, ce ne sera pas comme les autres. Ce ne sera pas négligeable. Tu sais que tu seras marquée à jamais. » Elle s’arrêta un instant dans son récit, sans doute pour revisualiser ces instants heureux d’un temps jadis. Dans ses yeux, il y avait cette nostalgie qui traînait, ce paradis perdu après lequel tu cours, avec cette impression que cette course sera éternelle.

J’ai fait avec les moyens du bord de la falaise…3… 16

 

« En fait la première fois que tu tombes amoureuse, c’est un truc à part. Mais vraiment amoureuse hein, pas le truc scolaire ou universitaire qui dure seulement dans les contrées de bouseux ». Elle savait que je passais la majeure partie de ma vie dans une région sous développée et dut ressentir une désapprobation dans mon regard. Alors que, honnêtement, elle avait raison.

« Oh ça va, ne me regarde pas comme ça, se marier à 23 balais avec le premier connard qui te bouffe correctement la chatte, c’est juste être un bouseux. Et pis, on s’en fout. » J’avais déjà remarqué cette particularité chez Aline. Dès que la situation la mettait mal à l’aise ou que son rythme cardiaque s’accélérait, elle passait en mode vulgaire. En tout cas, elle se lâchait davantage que dans la moiteur de son bureau, au milieu de ses collègues. Cela m’avait surpris dans un premier temps, et puis, finalement, ça n’était resté qu’un aspect de plus que je n’aimais pas chez elle. J’avais toujours eu un problème avec la vulgarité chez la femme, sans doute des restes de misogynie qui devait rendre dingues les féministes, mais comme je ne fréquentais pas ce type de femmes, ça ne m’empêchait pas de vivre et de toute façon, je ne fréquentais plus personne.

« A l’époque j’étais étudiante et je traînais avec un groupe de bobos parisiens. On se faisait les expos, les films underground, les pièces de théâtre dans des théâtre aléatoires et éphémères ou les concerts dans les bars branchouilles des quartiers populaires, enfin soi disant populaires parce que, à Paris, le populaire, c’est mort, hein? »

« Ouais », je n’avais rien à répondre. Evidemment que Paris n’était plus une ville populaire et me raconter sa vie d’étudiante qui ressemble à toutes les vies d’étudiantes sur paname quand papa et maman peuvent cracher au bassinet, je connaissais déjà donc je me contentais d’un oui à peine audible parce que je m’ennuyais déjà en fait. Je sentais venir le défilé des soirées étudiantes avec leur cohorte de beuveries sans intérêt et les amis pour la vie qu’on oublie deux ans après. La vie estudiantine, intérêt limité.

« Un soir, ma petite bande était invitée à un vernissage d’un obscur artiste étranger. dans la bande, il y avait des étudiants des beaux arts, ça aide pour toucher parfois des entrées. Les vernissages, c’était sympa parce que, pour une nana, en se démerdant bien, on arrivait toujours à bouffer gratos et à boire un coup. En plus, c’était rarement de la sous marque. « 

 

J’ai fait avec les moyens du bord de la falaise… 2… 15

 

« Je vais te raconter un truc que j’ai jamais dit à personne ».

À chaque fois que j’entendais ce type d’introduction, j’étais pris d’une ambivalence des sentiments. A la fois, flatté qu’on se décide à me faire confiance alors que je ne me faisais pas, personnellement, confiance à moi-même et gêné de cette confiance, et gonflé qu’on vienne perturber ma quiétude et dégoûté d’être obligé d’écouter. Gonflé parce que je ne demande rien à personne alors venir me raconter sa vie, en fait, ça me perturbe. Je ne raconte ma vie à personne et je ne comprends pas ce besoin de s’épancher auprès d’une personne et encore plus quand cette personne, c’est moi. Et oui, ça me dégoûte d’être obligé d’écouter parce que, soyons clairs, je m’en fous… La vie des gens ne peut pas m’intéresser puisque la mienne ne m’intéresse déjà pas. Dès que j’entends ce type de propositions, je sais que les conventions sociales vont m’obliger à entrer dans un instant de souffrance. Et bizarrement, un peu comme tout le monde finalement, je n’aime pas particulièrement souffrir. Je sais, c’est lâche de ma part. Je devais donc décrocher mon regard de cette Géraldine inconnue, de cette pluie parisienne pour plonger mes yeux dans les yeux d’Aline et attendre le récit de son histoire, en montrant que je suis passionné par son propos alors qu’intérieurement, je vivrais d’autres choses, dans d’autres endroits, à d’autres moments. Forcément, écouter ne faisait que rarement partie des alternatives que je m’autorisais, avoir un air inspiré et absorbé faisait seulement partie de la panoplie du comédien de vie que j’avais endossée voilà 15 ans, au croisement de deux rues tristes, d’une ville terne de banlieue nord. Faire croire à l’autre que, momentanément, il est la priorité de mon existence. Je m’efforçais en pareilles circonstances d’imaginer des îles perdues au bout du monde, ou des femmes follement éprises de moi ou, le plus souvent, de manière prosaïque, à ce que j’allais manger le soir ou à passer acheter une bouteille pour ne pas finir trop seul la soirée. Je tournai la tête vers Aline. Je sentis, sans doute à tort, qu’elle voulait parler et que je n’étais qu’un prétexte à son déballage privé. Quelque chose lui pesait sur le cœur et elle espérait me refiler le bébé ou, au moins, se décharger quelque peu de cette douleur. La douceur de ses traits m’incita à accueillir cette demande. Je savais que c’était une connerie mais je n’était plus à ça près. Elle se sentit suffisamment en confiance pour s’autoriser à reprendre la parole qu’elle n’avait, en réalité, jamais lâchée.

J’ai fait avec les moyens du bord de la falaise… 1… 14

« Tu as conscience, quand même, qu’elle ne reviendra jamais? ». C’était sorti comme ça, sans que je ne m’y attende et sans que je ne demande rien.

« De quoi tu parles? », parce que même si j’avais parfaitement compris où elle voulait en venir, je n’avais pas l’intention de lui faire le plaisir de croire qu’elle m’avait percé à jour et qu’elle tenait là une faille dans mon armure en fer forgé et patinée par des années de coups violents sur le poitrail.

« Je sais bien que comme ça, de loin, tout le monde me considère comme une imbécile. Je pense que ça vient de mon statut de femme, de flic, de jeune, de blonde… »

« T’es pas blonde ». Ses yeux se figèrent dans les miens et restèrent plantés avec un air de dire que j’étais épuisant à ne pas comprendre les évidences. Et moi aussi, je m’épuisais quand je sortais ce type de phrases, vides, creuses, totalement à côté de la plaque.

« Tu sais, c’est pas intelligent de faire semblant d’être con ». Il valait mieux que je ferme ma gueule. Je jetai un coup d’œil à travers la baie vitrée du bistrot dans lequel nous étions installés depuis une heure, à rassembler les divers éléments de cette histoire, qui n’en était même plus une tant elle nous dépassait désormais. Les six tasses de café posées devant nous ne fumaient plus depuis longtemps. Je regardai les longues traînées de pluie couler le long des carreaux et les gens, dans la rue, courant pour se protéger. Et encore une fois, comme souvent lorsque je suis confronté à ce type d’images, je me demande pourquoi les gens courent, se protègent quand il pleut. Ils essaient d’éviter quoi? La pluie? En se précipitant pour prendre une douche? Et en me disant cela, je coupe ma pensée en me répondant sur un ton accusateur que j’étais bien un connard d’avoir ce type de pensées puisque j’étais le premier à courir dès qu’il pleuvait et que même, le plus souvent, je me précipitais chez moi pour prendre une douche. Je nettoyais l’eau de pluie qui tombait sur moi en m’aspergeant d’eau. Le paradoxe. Alors, j’essayais de me rassurer, en me disant que l’eau du robinet était pure, traitée et filtrée, alors que l’eau de pluie, elle, descendait directement des nuages de pollution. Je n’arrivais même pas à me convaincre moi même. Je n’en avais pas envie en réalité. J’aimais aussi me dire que, parfois, j’étais aussi con que les autres, et même quelques fois, encore davantage, ça me donnait toujours l’impression de faire encore partie de cet univers. Les imperméables étaient de sortie, tout comme les parapluies. Les rues et les caniveaux dégorgeaient l’eau noirâtre des trottoirs parisiens. Nous n’avions pas véritablement avancé mais nous avions tout mis à plat. C’était déjà ça et c’était toujours autant le bordel. Mes yeux s’arrêtèrent sur une jeune femme, emmitouflée dans un imper gris, des plus classiques et protégée par un parapluie rouge. Je ne pouvais voir son visage mais je m’imaginais que c’était elle. Sans doute parce qu’Aline venait de m’en parler. En réalité, je ne pensais jamais à elle mais elle était toujours présente, m’accompagnant à chaque pas et dans chaque pensée, comme une présence permanence mais oubliée. Une sorte de seconde peau. Je sentais le regard d’Aline sur moi, et cette attente que j’interprétai comme la volonté que je lui raconte Géraldine. Mais jamais je ne lui raconterai, ni à elle ni à qui que ce soit d’autre. En tout cas, pas maintenant, pas déjà.

Et puis…

Et puis, il y a tous ces matins solitaires, tous ces levers de soleil à écouter le vent dans les gigantesques arbres sombres en espérant, soudain, trouver le chemin vers un impossible, vers une utopie, vers un rêve qui n’attend qu’un signe pour devenir un quotidien maussade et fade.

Et puis, il y a toutes ces heures à noyer le regard dans des récipients sombres, fumants, odorants et amers à regarder un avenir dissimulé sous les couvertures opaques de mes réalités funèbres et non vécues. La descente de la chaleur âpre et sucrée le long de l’épine dorsale.

Et puis, il y a tous ces jours qui passent les uns après les autres, les uns avec les autres, les uns dans les autres, les uns sans les autres. seulement tous ces jours qui finissent par apparaître comme les fausses perles céramique sur le cou nu d’une succube diaphane et gourmande.

Et puis, il y a tous ces moments qui balancent entre espoir et désillusion, entre actions et attentes, entre rêve et réalité et surtout désillusions, tristesses, insomnies et mal être au milieu de la vie d’autres chimères et pourtant, tout va bien, je ne me suis pas tué.

Et puis, il y a toutes ces femmes que je n’aurais pas, tous ces corps que je ne caresserais jamais, toutes ces peaux que je ne frôlerais pas et toutes ces histoires de vie dont je n’entendrais jamais parler parce que je ne suis pas là et parce que je n’avais aucune raison, finalement, d’y être.

Et puis, il y a toute cette fatigue inutile accumulée à se débattre dans le vide et dans un nuage d’inconnus et d’incompréhensions divines et maladroites. Les méandres obscures d’une vie plate et sans reliefs agrégée à d’autres vies insignifiantes à ne pas recevoir ce qui aurait pu changer.

Et puis, il y a ces luttes, ces combats, ces batailles qu’on mène contre des armées d’ombres sombres et vaporeuses, seul face à des mondes inconnus et des ennemis qui, en fait, ne le sont pas mais le sont parce que la décision ne dépend déjà plus de moi et que la haine naît du vide et vit du vent.

Et puis, il y a les fantasmes, les rêves, les envies, les illusions et les désillusions. Tout ce qui construit une vie parallèle et qui reste toujours plus belle, et qui à la fin font que je triomphe car je ne me suis pas tué.