Mais je reviendrai… (texte invité)

 

Mes doigts jouent encore quelques notes de ce Nuvole Bianche.

Mais je suis déjà partie. Là, dans cet endroit où je ne suis jamais allée, jamais, et dont pourtant je connais les recoins les plus secrets, les plus sombres et les plus dorés. Il n’y a pas de nuage, et pourtant je flotte. Je sens moi aussi ce parfum humide et entêtant, je ressens cette douceur des ruelles, je plonge entière dans ces rayons joueurs du soleil, et je marche, je cherche, toujours. À chaque croisement, à chaque détour je crois l’entendre respirer, j’entends ses pas. Je pense l’attraper mais il m’échappe, il doit courir sûrement… Les pavés chauds sont comme de la mousse, ils enveloppent mes pieds, et je caresse les vieilles pierres des maisons comme on caresse ces troncs des vieux arbres des forêts renversées. Ceux que l’on touche irrésistiblement pour se sentir vivre, pour se sentir là. Et je sais qu’il est là. Il y est venu et n’est jamais vraiment reparti, je le cherche.

Errant dans le dédale de ces chemins perdus, j’arrive au bout de ma portée, mes doigts jouent lentement les dernières notes cherchant à rester encore un peu plus… Comme un dernier soupir ici, sans l’avoir trouvé.

Mais je reviendrai.

 

Aujourd’hui, rien…. Parce que rien, c’est bien…

                      

 

Un dimanche pluvieux même sur les bords de l’océan, au milieu des pins et du sable. Ainsi, même privilégié, j’en suis réduit au même constat que le reste des gens « normaux » de mon monde « normal ». Attendre qu’il se passe quelque chose mais comme demain est férié, il se passe encore moins de choses qu’un dimanche « normal » et là où j’erre, ça veut dire qu’il ne se passe absolument rien. Mais ce vide est parfois salutaire ou, au moins, il est reposant et ça, pour être reposé, je suis totalement reposé. C’est toute l’anarchie qui se vit dans le non sens de ne rien faire et de ne pas se sentir utile alors que les journées sont trop courtes pour faire tout ce que l’on voudrait. Il y a dans l’oisiveté, un sentiment de culpabilité alors qu’en réalité, c’est là le vrai sens de la vie. Mais il faut donner du sens. Comme si le simple fait de vivre et de se nourrir de tout ce qui est autour et dedans n’était pas du sens à plein temps. Mais passons… Le sens, c’est de donner vie à des chiffres sur des écrans, des lettres sur des papiers carbone… Trouver du sens dans du bullshit job. 

Le sens que moi je trouve dans ces journées grises et pluvieuses, maussades, c’est de prendre le temps de prendre le temps et tant pis, si aujourd’hui, je ne change pas la face du monde, de toute façon, je ne l’ai pas fait non plus hier et je ne le ferai pas demain. Parce que je n’en ai pas envie et que, de toutes façons, je n’en vois pas l’utilité puisqu’il est déterminé qu’il faut donner du sens, alors… Profiter tranquillement, sereinement de ce que ce dimanche offre comme possibles, faire du sport devant la télé et profiter du vent qui souffle, des oiseaux qui chantent ou pleurent et attendre que le jour s’estompe. Effectivement, ça ne ressemble à rien mais, en réalité, c’est tellement bon de ne pas se sentir attendu, ni pressé, ni oppressé par des volontés et des désirs extérieurs, juste être soi avec soi, c’est rare et, au final, c’est vraiment pas mal. 

8.

Ce n’est pas tant que j’étais une personne taciturne ou triste. Je crois en réalité que je n’étais qu’une personne consciente de ce qui  l’entourait. Réaliste tristement réaliste. J’aurais pu et sans doute dû me forcer à un optimisme béat ou à une posture joyeuse et positive en chaque circonstance, sauf les plus graves. Mais tout est grave. Et puis, l’idée ou même la perspective d’éprouver la moindre gaieté dans mon quotidien me paraissait déplacée. Ma vie tournait donc autour de ces faux semblants et de cette attitude détachée en permanence parce que je savais déjà que c’était l’attachement qui causait les souffrances. Ne pas s’attacher, ne pas se lier de manière endémique à l’autre. Pouvoir se passer de promiscuité et de proximité sauf sexuelle.

Ce n’était pas la meilleure des solutions, je peux l’entendre, toutefois c’était celle que j’avais choisi parce que j’étais las des souffrances inutiles qui, de toute façon, disparaissent avec le temps. Pas de liaisons fortes pour ne pas avoir de ruptures violentes. Etre un faux dépressif permanent pour ne pas être poussé à le devenir réellement. Evidemment, il y avait eu des souffrances, des blessures et c’était la connaissance parfois trop accrue de cet état de fait qui me poussait à, désormais, le refuser. Plus qu’une esquive de l’engagement, c’était un refus de se compromettre dans des relations vouées, par nature, à l’échec.

Quelques fois le téléphone me rappelait l’existence de vagues membres d’une obscure famille en réalité inconnue. La famille que je m’accordais était celle qui se modifiait chaque soir au grès des rencontres et des discussions alcoolisées ou enfumées. Cela n’était pas satisfaisant mais me suffisait amplement. J’aimais ma solitude parce qu’elle n’obligeait que moi. C’était cela, plus encore, qui me semblait essentiel dans ma démarche. Ne pas souffrir, certes, mais ne pas faire souffrir l’autre. Ne pas lui imposer ma présence parce que moi-même je ne la supportais pas. Je me trouvais agréable à regarder et même intéressant à croiser dans l’effervescence d’une soirée embrumée mais il fallait éviter de trop répéter ce genre de manifestations parce que ma compagnie était rarement annonciatrice d’éléments positifs pour autrui. J’évitais donc d’infliger aux autres ce que j’évitais moi-même de m’infliger, ma présence.

7.

Dans tous les aspects du voyage, je ressentais cette forme d’arrachement combinée à un désir brûlant de partir. Les vacances, jusqu’à maintenant, n’avaient eu d’intérêt que dans le trajet qu’elles obligeaient. Et très vite arrivé, la volonté de repartir m’étreignait. J’aimais ces moments où, le front posé sur la vitre, les yeux se perdaient dans des décors pour la plupart inconnus. Cette fois, la route m’était véritablement totalement inconnue. Les villages ou campagnes croisés n’avaient ni nom, ni identité. J’observais le défilé des paysages. Chaque instant m’éloignait davantage du quotidien grisâtre des rues parisiennes. J’espérais un autre climat. Je savais déjà que le choc de la langue et du climat me ferait le plus grand bien mais je n’éprouvais pas d’appréhension à l’idée de me retrouver dans un lieu sans le moindre repère. Cela accentuait même plutôt mon envie d’arriver. Etre perdu, ne rien comprendre, ne rien connaitre et se perdre encore davantage. Il y avait là un enjeu, une saveur, une excitation toute particulière. Se confronter enfin à une situation que je ne pouvais pas maitriser parce que je n’avais ni les savoirs ni les compétences pour cela. Etre dépassé, dépourvu et faire quand même parce que c’est ça qui est beau, qui est plaisant.

C’était des plaines vertes, ensoleillées et calmes qui s’offraient aux regards. Seul le son métallique et redondant de l’avancée du train rappelait un semblant d’humanité. Le soleil se cachait derrière quelques nuages. Depuis quelques jours déjà, il refusait de partager les horreurs vécues. Que ce soit à Paris ou ici, au milieu du nulle part toscan, il refusait de participer à cette horreur, mélange d’ésotérisme, de littérature, de philosophie et de criminologie de bas étage. Et je ne pouvais que comprendre son attitude. Le fait que Sofia sorte de ma vie, hier soir, aussi vite qu’elle y entra, était un privilège que je ne pouvais partager avec lui ; Et, l’absence de la seule consolation que j’avais réussie à obtenir en compensation de ma frustration, faisait une différence énorme entre nos deux statuts. Lui n’aurait été là que pour apporter une consolation éphémère et précaire. J’avais obtenu de nuit, les mêmes services de la part de Sofia. Et peut-être même davantage même si cela m’avait coûté un surplus que je n’avais pas prévu.

Ainsi, la campagne toscane, le refrain lent du train qui court sur les rails, le soleil qui se cache derrière quelques moutons nuageux menaçants et le souvenir de la nuit de Sofia m’offraient un répit que j’accentuais encore par la fraîcheur de la vitre. Le manque de réseau téléphonique dans les trains déjà anciens du réseau ferroviaire italien me permettait également de profiter de quelques heures de quiétude intégrale. J’essayais désespérément de penser à autre chose que ce pourquoi j’étais dans ce train et la combinaison de tous les facteurs réussissait presque à m’offrir cela. Parfois, de manière régulière cependant, certaines images, certains détails revenaient hanter mes pensées et m’empêchaient brièvement de profiter intégralement de ce trop rare moment dans mon existence.

J’entends les voix

             J’entends les voix qui réclament de l’optimisme, de la foi en soi et en les autres et qui s’interrogent de manière bienveillante sur les troubles ou les tracas de mon esprit, âme, cerveau dépressif et malade. J’entends. Je ne parviens pourtant pas à faire preuve d’optimisme tant rien n’est fait véritablement pour m’amener à cette issue ou à cet état. Il ne s’agit pas de se complaire à être dans cette perception maussade des éléments qui m’entourent et de s’y repaitre jusqu’au dégout. Il ne convient à personne, je suppose, d’être dans le gris. Je n’arrive pas à voir les lendemains qui chantent. Je ne vois pas ce qui pourrait être heureux et porteur de joie ou de bonheur dans la situation qui est la mienne.
On peut et sans doute à juste titre me rétorquer qu’il ne s’agit là que du résultat de choix personnels. Ce n’est pas parce que cela correspond à un choix qu’il est satisfaisant parce que, en réalité, ce choix n’en fut pas un. Il a fallu subir et se rendre à l’évidence. Et même s’il y a soulagement, il ne peut y avoir joie face à ce qui se fait et se défait sous nos yeux. Je vois de plus en plus, ce choix imposé comme une obligation qui me fut faite de ne pas m’inscrire dans un avenir qui ne pouvait en rien me correspondre. Désormais, l’idée même de changer de vie ne peut plus être qu’une idée et devra le rester longtemps. Il faut continuer celle-ci même si, à bien y regarder, elle ne convient à personne.

J’entends les voix qui se disent et qui hurlent en silence que le bonheur est à la porte et qu’il frappe de toutes ses forces mais que je ne l’entends pas parce que je ne sais pas écouter, que je préfère le vide à un plein désagréable. J’entends et pourtant cela ne changera rien parce que ce n’est pas ce qu’il me faut. Je ne sais pas être heureux, non pas parce que je cherche le malheur mais bien parce que je ne vois pas de bonheur dans les chemins qui se dressent devant moi. Alors savoir quel chemin emprunter.

Il ne s’agit pas de se dire que hier était mieux ou que demain sera parfait, il s’agit seulement de tristement constater que, aujourd’hui n’est pas satisfaisant, que rien ne rend les journées pleines parce qu’elles sont vidées de leur substance, qu’à force d’attendre quelque chose qui n’existe pas, il y a passage à côté des évidences vivables et visibles.

Vue et revue de crèche 6 – Jupiteux et les queues plates

             Ce n’est pas tant le besoin impérieux de manifester une quelconque colère ou haine vis-à-vis de certaines personnes mais plutôt davantage d’exprimer une incompréhension. Je parviens à me raisonner quant à l’expression d’une volonté grégaire de protection de soi et des siens face à la menace brune et intolérante qui menaçait dangereusement nos femmes et nos enfants, nos filles et nos compagnes. Encore une fois, je peux entendre cette fascination pour la construction de barrages ou l’aplatissement des organes à corps caverneux, situés selon les espèces à l’avant ou à l’arrière de l’ensemble constitué majoritairement d’eau et servant d’habitacle à une supposée conscience et peut être même pensée. Je peux.

Ce qui me semble beaucoup plus compliqué à admettre, même si l’adhésion ne m’est pas demandée et que, à la limite, elle n’intéresse pas grand monde, pour ne pas dire personne, c’est l’entêtement fanatique et quasi mystique de certains vis-à-vis d’une figure tutélaire et déifiée qui pourtant n’a fait, depuis son apothéose parmi les saints et les bénis de la terre, que d’enfoncer davantage les fanatisés dans un abime sans fond qui continue cependant à se creuser, et à précipiter le peu de ce qu’il restait vers un lieu inconnu, mais qui pourtant ne semble pas attirant. Mais ils veulent quand même y aller.

Ce questionnement grandit chaque jour à mesure que je me détache de certaines contingences d’ordre non sensorielles mais plutôt politiques. Ne cherchant plus à analyser ou à comprendre les méfaits et gestes d’une certaine hiérarchie totalement en deséquation avec l’univers et le genre humain, j’essaie encore dans un dernier sursaut d’humanité qui disparaît peu à peu cependant, de comprendre comment certains parviennent à conserver un optimisme et une foi envers des individus dénués de tout sens moral. Certes, évidemment, il est toujours bon de se dire que ces figures idolâtrées et adulées (ou acidulées) sont touchées par les mêmes maux que le commun des mortels qui n’existe pas, et que donc elles demeurent persuadées d’agir pour le bien de tous ou au moins du plus grand nombre. Néanmoins, quand cette volonté, ce désir altruiste se trouve quotidiennement pris en contradiction avec les faits et les vies, il ne vient à aucun moment, si ce n’est de manière totalement marginale un questionnement intérieur ou extérieur. C’est et ça restera un mystère de la raison, cette volonté permanente de vouloir faire croire au bien en faisant le mal. Une sorte de diablerie visible de tous mais audible que de quelques-uns qui ne représentent jamais une majorité numérique. Alors, le mouvement de décrépitude se poursuit et se met même en marche vers une accélération incontrôlée parce que devenue incontrôlable.

Et reste l’espoir… ( e rimane solo la speranza)

 

La seule chose que tout ce remue-ménage ridicule aura réussi à créer en moi, c’est un dégout profond de ce monde. La construction, l’articulation autour de stéréotypes inégaux me lassent, me fatiguent. Prôner une certaine égalité, peut-être même équité devient fatigant pour un homme âgé. Les simples marques de bon sens ne suffisent pas à rétablir ou plutôt établir une mouvance simple et sage. La dystopie qui effrayait est désormais en place. Elle s’est installée par notre absence de vigilance et même certains la trouvent positive et ce ne sont même pas ceux qui en profitent le plus qui se battent pour la conserver. L’aveuglement, le sommeil du dormeur perdure et s’enfonce dans les abimes comme un puit sans fond comparable aux méandres marécageux de leurs esprits embrumés.

Il ne suffit plus de dire que ce monde est injuste ou mauvais ou inégalitaire ou autre, il faut désormais le vivre, le subir et s’en accommoder. Il est toujours possible d’envisager la révolte et le combat mais ceux-ci semblent tellement s’accompagner du déni qu’ils apparaissent désormais comme des issues assez désespérantes. Ainsi, même l’espoir devient désespérance. Les convertis, les pervertis sont plus nombreux que les utopistes rêveurs et même si les doutes se font jour parmi les marcheurs de la nuit, la proportion de fanatiques intoxiqués au doux breuvage des promesses, au nectar sucré des illusions restent supérieurs aux éclairés qui apparaissent illuminés. Comme dans chaque révolte, comme dans chaque révolution, comme pour chaque transformation, comme pour la moindre mutation civilisationnelle, l’idéaliste apparait comme le dément et le collaborateur comme le sachant.

Il faut du temps. Il faut des souffrances. Il faut que la vérité ne soit plus seulement une vérité mais bien plutôt une évidence, une obligation, un devoir pour que l’évolution devienne acte. C’est tout ce temps qui passe et qui voit les plus illuminés partir les uns après les autres, les uns avant les autres, qui ne se rattrapera pas et qui fait que la grisaille emplit le ciel et voile de sa tristesse le radieux soleil des illusions et des espoirs. Parce qu’il s’agit d’une conviction profonde, une sorte d’organe greffé en sus, elle continue de nourrir le cœur et de réparer les blessures mais elle ne saurait être une réalité et reste à jamais un idéal lointain, comme la ligne d’horizon au loin, vers laquelle nos pas nous amènent un peu plus chaque jour mais qui en réalité ne bouge pas et reste toujours à égale distance.

6.

 

J’avais toujours eu une réticence certaine pour ne pas dire une certaine réticence à l’art de l’interrogatoire. Je trouvais ces méthodes trop aléatoires et trop incertaines. De plus, selon la qualité défécatoire du sujet soumis à la question, on pouvait obtenir une vérité aléatoire et même une absence totale de vérité. Cependant, il s’agissait d’un exercice obligatoire par la hiérarchie et un passage incontournable de toute quête alternative de la réalité. Parfois, je trouvais dans ce faux jeu d’intérêt de la vie de l’autre, une maigre excitation. Il fallait poser des questions et, à de très rares exceptions, les réponses n’avaient aucune incidence sur la suite des événements et encore, c’était pour les réponses que j’entendais. J’avais au fil des années acquis la compétence existentielle essentielle de montrer de la curiosité, de la fascination même parfois aux propos de mes interlocuteurs alors que je n’écoutais absolument pas la moindre parole et que de toute façon je ne retenais rien de ce que l’on me disait. Une mémoire visuelle. Je ne retenais que ce que je voyais. Et encore eût il fallu que ces éléments visuels soient d’une quelconque pertinence avec mon obsession du moment. Ce qui faisait véritablement la construction de ma personnalité c’était clairement la force de mon obsession et la jonction entre celle-ci et les propos que certains me tenaient. Il fallait que les propos tenus collent à mes préoccupations et qu’ils m’intéressent. Autant dire que je ne me souviens que de très peu de rencontres qu’elles fussent officielles ou privées. De toute façon, la majorité de mes rencontres privées étaient facturées et payantes pour l’un ou l’autre des protagonistes. J’avais parfois l’impression que certaines fonctionnaient même sur un rapport de réciprocité. Les deux payaient pour être ensemble. De sa personne, de son or, de son temps mais toutes les relations se construisaient sur le mode de l’échange. Rien de gratuit. Pas le temps.

4.

 

Alors on attend, on espère encore et encore. On se dit que demain sera meilleur parce qu’il commence aujourd’hui et en fait, on continue. Rien ne renait, tout se poursuit. Et on se tourne, on se retourne dans son lit en quête d’un sommeil qui ne vient pas, qui ne viendra pas… Obligé finalement de se lever parce qu’il faut faire quelque chose, il faut qu’il se passe quelque chose. Tourner entre le salon et la cuisine, chercher sur la multitude de chaines télé disponibles un truc qui accroche le regard, qui nourrisse l’attention. Scotché devant la chasse à la palombe en milieu marécageux ou sur un match de basket et être hypnotisé, obnubilé, bloqué sur les images mobiles. Mais rien. Pas de sommeil. Trop d’images qui résonnent. Trop de pistes à suivre ou à trouver, à explorer, à creuser. Retourner au frigo pour chercher nonchalamment un truc à manger ou à boire. Encore. Il me faut sortir. Arpenter les rues pour voir le monde se réveiller et retrouver une conscience que cette nuit avait particulièrement altérée. Prendre enfin cette décision, cette preuve d’une maturité qui n’existe pas de enfin faire ce que j’ai décidé. Enfiler un jean, le même qui traine sur la chaise depuis trois jours. Prendre le premier tee shirt sale dans le panier à linge, mettre la veste et se retrouver presque malgré soi dans l’escalier. Entendre les marches de bois grincer sous le poids de mes pas et descendre. Se précipiter lentement vers cet autre monde que je ne connais plus à force d’entretenir mon obsession pour cette affaire. Parce que c’est une affaire. Il n’y a pas de liens, il n’y a pas de pistes, pas de preuves. Même les morts ne semblent pas réels tant cet enchainement d’éléments n’a pas de cohérence. Chercher désespérément une logique. Il faut qu’il y ait une logique, un lien, une petite chose qui fait que tout cela trouve un sens. Sortir de ce cercle vicieux des questions qui tournent à vide et enfin avoir une réponse, ne serait-ce qu’une seule mais une réponse. Même en voulant faire autre chose, même en voulant occuper mon esprit sur des futilités, même en cherchant la foule et la respiration, rien n’y faisait. Tout tournait autour de ce mélange de tout qui ne donnait rien. Une foultitude d’indices qui devrait permettre d’avancer, et en fait tellement d’éléments que je ne savais plus par quoi commencer, lequel utiliser.

Juste parce que parfois il y a besoin de purger

 

En constatant l’inertie populaire, l’interrogation sur les finalités du monde devient récurrente et même permanente. Toutefois, seul, au milieu de mon nulle part land, je ne vois pas réellement l’alternative à un changement qui en réalité n’aura pas lieu. Beaucoup souhaitent une révolution, au pire une révolte à même de changer le paradigme mais rien ne se passe et rien ne se passera en réalité. Parce que simplement il y a davantage à perdre. En fait, le monde a été bâti sur la possibilité d’un monde meilleur mais en fait c’est le monde dans lequel nous vivons qui apparait comme le plus élaboré et le plus heureux. Dans tous les mouvements révolutionnaires (ou pseudo révolutionnaires actuels), il y a cette volonté de changer ce qui dérange ou gêne une corporation, un type de société. Pourtant tout le monde sent bien que quelque chose ne fonctionne pas ou plus, mais chacun reste dans des revendications communautaires ou partisanes. C’est humain. C’est pour cela que personnellement je ne me sens pas totalement investi par une quelconque mission rédemptrice, parce que même en obtenant quelques satisfactions, certes bien agréables, le grand bouleversement n’aura pas lieu. Encore des miettes balancées à tous les vents et qui serviront de festin pour les quelques mois qui viennent avant d’être à nouveau dans l’obligation de recommencer pour conserver 5 euros ou les congés payés. Il ne s’agit pas d’exprimer une leçon, c’est juste le constat de l’état d’esprit qui m’anime aujourd’hui pendant que les gamins font semblant de rédiger un pseudo devoir. En les regardant je me dis que si on attend que la solution vienne d’eux, alors on risque d’attendre. Ils sont tellement persuadés que ce système est cohérent et qu’il est impossible de le changer qu’il n’y a même pas l’éventualité d’une possibilité d’un éventuel mouvement. C’est encore une fois, une purge mentale parce que parfois j’ai besoin et que cela faisait quelques temps que je n’avais pas envoyé de billets. Alors voilà, je suis prêt à faire plein de trucs quand les véritables enjeux seront remis en cause et non pas les besoins individuels et partisans de certains. En gros, on se fout de mon avis mais je fais ce que je veux. Plusieurs choses arriveront dans les jours qui viennent parce que j’ai du temps et l’envie et pis c’est tout. Et que comme le changement du monde n’est pas prévu pour la semaine prochaine, je devrais cette fois pouvoir fournir.