Bouffer quand on a faim, boire quand on a soif, baiser quand on en a envie et chier quand on en a besoin… le reste est littérature. Mais plus encore que tout cela, dormir… seulement dormir… Pouvoir juste s’allonger et s’ébaudir du rien et ne plus avoir les pensées totalement tournées sur ces images. Que tout ce sang ne réveille plus mes insomnies. Que toutes ces citations, sans sens commun, ne viennent plus me perturber dans mes rêveries sexuelles. Je n’ai pas le temps de rêver à autre chose de toute façon. Et je n’ai pas envie de rêver d’autre chose.
Ces images qui donnent l’impression d’être imprimées sur soi, en soi… Et cette odeur… Cette odeur de mort qui réveille au milieu des rêves. Les solutions d’une libération n’étaient pourtant pas légions. Il fallait trouver une piste. Trouver un semblant de solution à ce puzzle géant. Mais il n’y avait rien et c’est peut être ça, d’ailleurs, qui entrainait ces insomnies. Ces heures à refaire, dans tous les sens, les événements. A tenter de faire soudainement apparaitre une issue, un indice. Juste un quelque chose qui n’existe pas, pour l’instant. Et se refaire l’histoire, encore et encore.
Revoir les lieux en permanence et scruter ses souvenirs pour trouver la faille, le détail qui donnerait le début d’une piste. Retourner dans tous les sens les éléments et se persuader qu’il y a forcément une erreur parce qu’il y a forcément une erreur. Quelque chose que je n’aurais pas ressenti, qui ne m’aurait pas transpercé l’âme au moment où…
C’était cette obsession qui faisait que je restais éveillé. Je savais que je trouverais ma solution. Elle pouvait être fausse mais elle aurait été la mienne et j’aurais eu dès lors mon soulagement parce qu’en réalité, la seule chose que je cherchais dans toute cette histoire, c’est la possibilité uniquement de trouver la paix. Ce n’était pas les victimes qui m’apitoyaient, ce n’était pas les familles qui me culpabilisaient, c’était la sauvegarde du peu qu’il restait de moi qui me faisait avancer. L’instinct de survie poussé à son summum. L’obligation faite par tout ce que je demeurais de continuer le combat. Sombrer eut été si simple. Attendre que la solution tombe, parce qu’elle tombe toujours, aurait été si simple mais aurait fait de moi au mieux un déchet statufié au pire un des nombreux cadavres que comptaient déjà cette abjection. Malgré mon obsession, effective, réelle, tenace, je ne parvenais pas à voir tout cela comme autre chose qu’un déroulé abject ; une sorte de métaphore de ma propre vie ponctuée de sang, de citations, de corps et de bouteilles vides jetées nonchalamment au milieu des cigarettes à moitié fumées et à peine écrasées.