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Le volet vieilli entrouvert permettait au fin rai de lumière des réverbères de donner un peu de luminosité à cette pièce naturellement sombre. Les meubles en bois noir bon marché provenant sans doute d’une enseigne scandinave ou d’un autre grossiste du kit, semblaient, eux-mêmes, absorber la moindre trace lumineuse avec une boulimie digne des pires images envoyées par les enseignes de fast food. Je voulais, avant que le filament de l’ampoule ne plonge le lieu dans une clarté trop forte et violente, m’imprégner de cette odeur d’humidité rance, de cette sensation de champignons et de lichens qui pousseraient dans tous les coins. Sentir une sorte de connivence avec le lieu et, de fait, plus largement, plus ouvertement, entrer en confusion avec la victime pour ressentir encore davantage l’assassin. Toujours ce but unique, exclusif et persistant de comprendre l’incompréhensible pour l’anticiper. Jusqu’à maintenant, il avait toujours plusieurs coups d’avance et je me devais de rattraper, de combler ce retard. Il dictait son rythme tel le maître des horloges factice, construisait les événements à la manière d’une fabuleuse tour de Babel improbable et nous n’avions d’autres issues que de suivre, de subir, de rester passif. Cette posture passive, inerte, molle et victimaire en réalité, ne pouvait me plaire. Elle m’était même, en définitive et en réalité, insupportable. Il fallait que je sorte de cet engrenage et l’immersion dans la vie de l’autre me semblait une hypothèse, une issue, une sortie à tenter.

Il flottait dans l’air une odeur de sang séché qui, très vite, prenait à la gorge les non initiés et qui sautait au visage dès l’entrée dans le couloir borgne. Les murs étaient d’un blanc sans âme dans ce genre d’appartement parisien avec le vide décoratif habituel et même tristement classique des locations hors de prix des arrondissements périphériques, les autres étaient totalement inabordables. Une table, une chaise, un lit et des papiers, et des papiers et encore des papiers. Même après une visite de courtoisie des forces de l’ordre, on voyait qu’il s’agissait d’une piaule étudiante. Une uniformité dans tout et une absence de présence d’une quelconque touche individuelle. Quasiment rien ne me montrait que quelqu’un avait vécu ici. Aucun signe ne renvoyait à l’identité de Marine. J’avais voulu comprendre, j’avais voulu savoir qui était Marine et finalement, elle n’était déjà plus rien.

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